À 40 ans, Sophie perd son emploi dans des circonstances troubles. Confuse et blessée, elle décide de fuir la réalité et atterrit dans un gîte du passant à des centaines de kilomètres de chez elle. Elle y est accueillie par Martin, qui occupe les lieux avec sa tante, propriétaire de la maison de campagne. Au fil de soirées bien arrosées, les langues se délient et une troublante complicité se profile entre l’homme et la voyageuse… Et si la présence de Sophie dans ce bled perdu n’était pas si fortuite?
Catherine-Anne Toupin nous entraîne ici dans un tourbillon mystérieux, enivrant et troublant. L’écriture rythmée et incisive de ce suspense garde le spectateur en haleine jusqu’à la toute fin. Autour du thème de la vengeance, l’auteure se pose à elle-même, comme à nous, une question terrible : et s’il ne nous restait que la violence pour répondre à la violence?
Catherine-Anne Toupin connaît un parcours exceptionnel tant comme actrice qu’auteure. Sa pièce À présent, créée en 2008 par La Manufacture et récemment produite en anglais au Royaume-Uni, a fait l’objet d’une grande tournée, récoltant un succès critique et public partout sur son passage. La mise en scène de La meute est confiée à Marc Beaupré, qui réalisait dernièrement celle de Fredy, percutante pièce documentaire de Porte Parole.
Textes Catherine-Anne Toupin
Mise en scène Marc Beaupré
Avec Guillaume Cyr, Lise Roy et Catherine-Anne Toupin
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Marie-Hélène Dufort
Décor, costumes et accessoires Odile Gamache
Éclairages Étienne Boucher et Julie Basse
Musique Alexander MacSween
Du mardi au jeudi 19h, vendredi 20h, samedi 16h
Tête-à-tête : jeudi 25 janvier
Régulier 32,25$
65 ans et + 27,25$
30 ans et – 22,25$
Une production La Manufacture
Dire que la nouvelle pièce de Catherine-Anne Toupin était très attendue serait peu dire. Dix ans après la création par La Manufacture de sa pièce À présent, qui a connu un vif succès aussi bien au Québec qu’au Royaume-Uni, l’auteure et comédienne frappe fort avec La meute, une histoire percutante et une prise de parole essentielle et exigeante.
Une femme, Sophie (Catherine-Anne Toupin), a roulé toute la nuit, dans ce qu’on devine d’abord être une fuite pour sa survie. On la rencontre au moment où elle cogne à la porte du gîte tenu par Louise (Lise Roy) et son neveu Martin (Guillaume Cyr). Elle y trouve refuge, et entre eux s’établit une relation étrange et spontanée.
Sans trop en dire, car une partie du plaisir à découvrir cette pièce est de voir les morceaux du casse-tête tomber en place, le thriller psychologique La meute se joue des perceptions : qui est victime, qui est bourreau, qu’est-ce qui relève de la vengeance ou de la cruauté, et surtout, qui manipule qui? La pièce nous sort de la conception habituelle des personnages masculins et féminins et des rapports qu’ils entretiennent. L’esprit du spectateur demeure ainsi constamment en éveil, attentif aux éléments de l’intrigue, sensible à la trame émotive complexe qui constitue les personnages.
Aujourd’hui, Internet en général et les réseaux sociaux en particulier sont devenus le lieu par excellence pour déverser sa colère ou sa haine de tout ce qui ne fait pas partie de notre groupe d’appartenance, dans un flot ininterrompu de commentaires, d’opinions, de jugements ou même de condamnations. Et Catherine-Anne Toupin le transcrit avec une grande justesse dans La meute. Son écriture incisive est bien servie par une mise en scène juste ce qu’il faut d’angoissant, signée par Marc Beaupré. La violence omniprésente dans les propos rapportés par la jeune femme rôde aussi en permanence dans les ombres qui encerclent les personnages. Grâce aux éclairages de Julie Basse et d’Étienne Boucher, ombre et lumière sont d’ailleurs découpées au scalpel. Ils jettent à l’occasion une lumière tranchante en direction des spectateurs dont chacun a sans doute fait partie d’une meute d’un genre ou d’un autre à un moment dans sa vie. C’est humain, viscéral, ce besoin de se regrouper pour être plus fort, quitte à se créer une menace contre laquelle se dresser.
La meute rassemble un trio d’acteurs de talent au sein duquel Guillaume Cyr se démarque tout particulièrement. Il livre une performance renversante dans un rôle difficile à défendre; son jeu nuancé fait ressortir autant la vulnérabilité que la colère de son Martin. Impossible de juger son personnage sans juger également les autres. Face à lui, Catherine-Anne Toupin manie à merveille son texte dans une parole parfois syncopée à l’extrême.
Avec sa nouvelle pièce, Toupin nous enfonce le nez dans la fange vaseuse du Net, à la fois écœurante et fascinante. Son écriture fine saisit bien la teneur du discours ambiant et cette violence qui s’immisce partout au point de devenir une sorte de petit terrorisme du quotidien, que plusieurs balaient encore du revers de la main, sous couvert d’humour, de liberté d’opinion et du droit de tout dire.
La meute, qui s’inscrit parfaitement dans le mouvement de ras-le-bol et de volonté de reprise de contrôle #moiaussi, expose et questionne le vacarme constant de cette colère érigée en mode d’expression, mais sans porter de jugement; la pièce n’en a qu’une plus grande résonance.