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ArbresL'art de la chute
Du 11 au 29 septembre 2018, du mardi au jeudi 19h, vendredi 20h, samedi 16h

Septembre 2008. Alice, 34 ans, artiste québécoise en arts visuels, effectue une résidence de création à Londres. Pendant son séjour, la banque Lehman Brothers, où travaille son amie Laurence, déclare faillite. Le soir même, elle assiste à l’encan très couru de l’artiste contemporain britannique Damien Hirst. Un collectionneur d’art et redoutable requin de la finance est présent. Entre la jeune femme et le trader s’amorcera une brève idylle – véritable confrontation entre deux visions du monde – qui changera leur vie à jamais.

Ficelée autour d’événements historiques, L’Art de la chute constitue une fascinante incursion dans le monde du marché de l’art, là où la création devient marchandise. Finement documentée, la pièce met en lumière une société où l’économie s’immisce dans les sphères les plus intimes et intangibles de nos vies. Par quelles manigances les bulles spéculatives redéfinissent-elles l’essence même de la valeur d’un artiste ? L’art pur, dénué d’intérêt marketing ou pécuniaire, existe-t-il encore ?

Succès public et critique lors de sa création en 2017 au Théâtre Périscope à Québec, L’Art de la chute récoltait la même année deux prix de la critique de l’AQCT dans les catégories meilleur spectacle et meilleur texte. Cette création collective est présentée pour la première fois à Montréal, dans une mise en scène de Jean-Philippe Joubert, directeur artistique de la compagnie Nuages en pantalon.


Texte et scénario Véronique Côté, Jean-Michel Girouard, Jean-Philippe Joubert, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Marianne Marceau, Olivier Normand et Pascale Renaud-Hébert
avec la collaboration au scénario de Claudia Gendreau et Valérie Laroche
Mise en scène et direction de la création Jean-Philippe Joubert
Avec Jean-Michel Girouard, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Marianne Marceau et Pascale Renaud-Hébert


Crédits supplémentaires et autres informations

Coordination de la création Caroline Martin
Espace scénique, costumes et accessoires Claudia Gendreau
Assistance à la scénographie et régie de plateau Claudelle Houde-Labrecque
Éclairages Maude Groleau
Environnement sonore et musique Josué Beaucage
Vidéo Jean-Philippe Côté
Programmation technique Marc Doucet

  Prix à la carte 3 à 7 spectacles «Mordus» 8 spectacles et +
  Abonnement Premier arrivé Abonnement Premier arrivé
Régulier 35,50$ 28,75$ 25,75$ 25,75$ 22,75$
65 ans et + 29,50$ 25,75$ 22,75$ 22,75$ 19,75$
30 ans et – 25,50$ 22,75$ 19,75$ 19,75$ 16,75$

Le prix du billet comprend les taxes, les frais de billetterie et il inclut un montant de 50 sous qui viendra appuyer le travail de développement dramaturgique.

Durée -

Tête-à-tête : jeudi 20 septembre

Une production Nuages en pantalon en codiffusion avec La Manufacture


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Critique disponible
            
Critique

Les requins de la finance




Crédit photos : Vincent Champoux

Le 15 septembre 2008, à Londres, la banque Lehman Brothers déclare faillite, provoquant la perte d’emploi de milliers de personnes. C’est le premier contrecoup du plus important krach boursier depuis la crise économique de 1929.

Au même moment, chez Sotheby’s, l’artiste contemporain Damien Hirst fait une vente aux enchères d’une série d’œuvres originales dont la valeur frôle les 212 millions de dollars. On retrouve notamment, dans cet encan, The Kingdom, l’une des pièces les plus prestigieuses de l’artiste, un requin blanc plongé dans le formol et immortalisé dans une cage de verre. Lors de cette soirée, certains marchands d’art – dont la plupart possèdent plusieurs œuvres de l’artiste – font monter exagérément les enchères afin de préserver la bulle spéculative autour des œuvres de Hirst. The Kingdom à lui seul est vendu à plus de 9 millions de dollars. À partir des événements de cette journée historique, Jean-Philippe Joubert et l’équipe de Nuages en pantalon ont imaginé la rencontre d’Alice Leblanc, artiste en résidence au Studio du Québec à Londres grâce à une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec, et de Greg Monroe, un courtier ayant gagné des millions de dollars en une seule journée après avoir misé sur la chute des marchés financiers.

Danielle Le Saux-Farmer, quant à elle, offre une performance sans faille. [...] Chacune de ses interventions témoigne d’un sens du timing peu commun et d’une capacité à personnaliser ses personnages en une phrase et quelques mimiques.

C’est à l’immense talent des acteurs que L’art de la chute doit son succès critique, ayant notamment remporté le prix du meilleur spectacle de l’Association québécoise des critiques de théâtre pour la région de Québec. Chacun des comédiens incarne une multitude de personnages, passant du français à l’anglais avec aisance. Pascale Renaud-Hébert assume avec brio la partie vulgarisation de la pièce afin d’expliquer au public en quoi consistent les CDO, les CDS, les NINJA, les prêts à haut risque et les bulles spéculatives, en plus de remettre en contexte les personnes réelles qui apparaissent dans la pièce. Elle est tout aussi crédible en spécialiste d’art contemporain européenne qu’en avocate québécoise ou en commis de chez Starbucks. Jean-Michel Girouard est hilarant dans le rôle du commissaire-priseur de l’encan chez Sotherby’s, ou encore dans celui d’un homme d’affaires furieux de voir ses actifs partir en fumée. Danielle Le Saux-Farmer, quant à elle, offre une performance sans faille. Elle se démarque dans son rôle de Laurence, amie puis conjointe d’Alice ayant perdu son emploi dans la foulée de la faillite de Lehman Brothers. Chacune de ses interventions témoigne d’un sens du timing peu commun et d’une capacité à personnaliser ses personnages en une phrase et quelques mimiques. Simon Lepage incarne un Greg charismatique et puissant, au point d’éclipser sa partenaire de jeu Marianne Marceau dans le rôle d’une Alice aveuglée par la passion dont la révolte est trop désespérée pour être convaincante. Malheureusement, son personnage manque de nuance et reconduit exactement le cliché de l'artiste qui boude le marché tant qu'il n’en fait pas partie.

Avec une impressionnante polyvalence, les acteurs changent de personnages naturellement, adoptant parfois des personnalités aux antipodes en quelques secondes à peine. Les scènes de groupe constituent sans conteste les moments les plus forts du spectacle, notamment lorsque des journalistes et des professionnels du milieu de l’art contemporain sont invités à commenter la carrière d’Alice Leblanc. Devant un écran vert, les comédiens se relaient pour reconstituer en direct une suite de témoignages, d’analyses et de critiques racontant l’ascension fulgurante d’Alice suite à son exposition d’art conceptuel Fuck Wall Street inspirée de son idylle avec Greg Monroe, puis sa chute inévitable provoquant son retour brutal dans le monde réel.

Avec L’art de la chute,Nuages en pantalon arrive à expliquer de manière limpide les rouages de la finance en plus de soulever des questionnements éthiques sur la proximité malsaine que le marché de l’art contemporain entretient avec la spéculation, ainsi que sur la notion de réussite sociale, artistique et économique. Avec beaucoup d’humour, les comédiens arrivent à intéresser un public de non-initiés aux relations complexes et souterraines qui se tissent de plus en plus entre art et économie.

Il n’est pas anodin qu’alors que le monde de la finance est rarement traité au théâtre, quatre spectacles [Nero and The Fall of Lehman Brothers, L’art de la chute, Chapitres de la chute – Saga des Lehman Brothers (deux fois)] mettent l’économie à l’avant-plan au cours de la dernière année, se servant tous de la chute de la banque Lehman Brothers à Londres comme le symbole de la spéculation outrancière et des dérives du capitalisme.

14-09-2018

critique publiée lors de la création au Théâtre Périscope (Québec) en 2017

Jusqu’au 22 avril au Théâtre Périscope, la compagnie Nuages en pantalon propose une incursion tout aussi intelligente qu’audacieuse dans le domaine de la spéculation financière et artistique. Il aura fallu 4 ans de travail au collectif composé de Véronique Côté, Jean-Michel Girouard, Jean-Philippe Joubert, Danielle Le Saux-Farmer, Olivier Normand et Pascale Renaud-Hébert, avec la collaboration de Claudia Gendreau, Valérie Laroche et Marianne Marceau, pour présenter cette pièce pédago-comédico-suspense qu’est L’art de la chute.






Crédit photos : Vincent Champoux

L’équipe, dirigée par Jean-Philippe Joubert, explore ici un sujet plutôt dense et relativement abstrait pour le grand public, soit celui du capitalisme dans le domaine des arts. En y regardant de plus près, il est plutôt aisé, même évident, de faire le lien entre les spéculations financières et la valeur d’une œuvre d’art contemporain, alors que celle-ci monte et descend selon l’appréciation et la notoriété d’un artiste… Un concept qui peut fluctuer chaque minute, tout comme la bourse. Avant, « le prix renseignait sur la valeur d’un objet, maintenant c’est la valeur qui fixe le prix ».

Par l’entremise de l’artiste québécoise en art contemporain Alice Leblanc, en résidence à Londres, Greg Monroe, un courtier new-yorkais qui a engrangé des millions après la faillite de la banque Lehman Brothers en 2008 et une amie d’Alice qui y travaillait, L’art de la chute nous propulse dans les méandres des subprimes, des hedge funds, des CDO (en français : « obligation adossée à des actifs »), des CDS (credit default swaps, ou « contrat de protection financière »), du fonctionnement des musées et des encans à la Sotheby's… de quoi en perdre son latin. Pourtant, la pièce trace, avec une assurance certaine, un chemin qu’elle balise pour nous, éclaircissant une quantité prodigieuse d’information. Somme toute, on arrive à tout saisir, grâce à des apartés plus ou moins pédagogiques, mais ludiques, de Pascale Renaud-Hébert. Par des métaphores humoristiques (avec l’aide, entre autres, de homards et de « pumpkin spice latte »), la comédienne, qui endosse plusieurs personnages, réussit à vulgariser ces concepts, démontrant la recherche rigoureuse accomplie et la maîtrise du sujet par l’équipe de création. Le charme opère assez rapidement ; c’est avec une certaine fascination que l’on suit les péripéties des personnages, dans ce 2008 aux nombreux rebondissements économiques.

Par contre, malgré les efforts dans une deuxième partie qui se concentre davantage sur les réactions d’Alice face aux actions et au métier de Greg – qu’elle manifeste par une exposition intitulée Fuck Wall Street et qui la fera basculer du côté sombre de l’art contemporain –, la quantité d’information refroidit légèrement la relation trouble que vivent les deux protagonistes, qui nous est présentée assez sommairement. Si le couple de Greg et Alice semble bien assorti, certaines décisions d’Alice peuvent paraitre étranges, même extraordinaires. Malgré les 2h30 de la représentation, on entre peu dans le détail de la vie de ce couple, qui est pourtant l'un des moteurs de la pièce.

Certaines scènes sont très fortes ; mentionnons l’encan des œuvres du (réel) artiste Damien Hirst, qui, le même jour de la faillite de Lehman, vend ses œuvres sans intermédiaire pour 212 M$ ; une scène belle et intense, superbement menée par Jean-Michel Girouard qui explique le fossé de plus en plus ténu entre l’artiste et la marque de commerce. 

Les compositions musicales, souvent électro, très 2000, de Josué Beaucage, viennent joliment accompagner la trame narrative du spectacle. La scénographie, conçue par Claudia Gendreau, d’abord d’une désarmante simplicité (des tables que l’on déplace pouvant devenir de petites scènes mobiles), se complexifie progressivement, jusqu’à l’installation de caméras et d’écrans verts. Ce dispositif servira au segment qui présente le documentaire intitulé justement L’art de la chute, qui se penche sur la montée vertigineuse et la rude dégringolade d’Alice. On peut ainsi  changer rapidement de lieux (grâce à la surimpression) ; les comédiens rivalisent alors de prouesses, empruntant nombreux vêtements, langues et accents pour incarner la panoplie d’intervenants.

La technologie, relativement incontournable dans ce type de spectacle, très bien utilisée, n'envahit jamais la scène ; en plus de la portion vidéo, notons, entre autres, quatre télés accrochées au-dessus de la scène, côté jardin, pour la diffusion de surtitres (car la pièce présente plusieurs dialogues en anglais), d’extraits de SMS ou de paroles pour un karaoké.

Il faudra un peu de temps pour que la pièce prenne réellement ses marques ; après quelques menus ajustements, L’art de la chute pourra devenir ce à quoi elle est destinée, devenir une grande pièce contemporaine au propos percutant.

07-04-2017
 
La Grande Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

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Dates antérieures (entre autres)

Du 4 au 22 avril 2017 - Théâtre Périscope