L’Inframonde est un nouveau jeu virtuel où l’immersion est totale : tous les sens y sont comblés. On entre, on se choisit une identité et on réalise tous ses fantasmes. Jusqu’au jour où une détective décide d’investiguer cet espace : et si les actes qui y sont commis pouvaient constituer un crime dans le monde réel?
L’Inframonde aborde les questions éthiques soulevées par la présence de plus en plus grande de la réalité virtuelle dans nos vies. Quelle incidence cette technologie a-t-elle sur les relations humaines? Est-ce que la liberté peut être totale dans les espaces virtuels ou doit-on appliquer la même morale que dans le monde réel? Une enquête policière passionnante qui aborde les concepts de liberté et de responsabilité.
La dramaturge américaine Jennifer Haley a été récompensée à plusieurs reprises pour cette œuvre jouée internationalement, dont la création avait lieu en 2013 au Kirk Douglas Theatre en Californie sous le titre original de The Nether. Le Théâtre La Bête humaine, qui présentait Béa de Mick Gordon à La Petite Licorne en 2018, nous revient avec cette pièce traduite par Étienne Lepage et mise en scène par Catherine Vidal.
Texte Jennifer Haley
Traduction Étienne Lepage
Mise en scène Catherine Vidal
Avec Yannick Chapdelaine, Simon Landry-Désy, Catherine Lavoie et Igor Ovadis
Crédits supplémentaires et autres informations
Décor, costumes et accessoires Geneviève Lizotte
Éclairages Alexandre Pilon-Guay
Musique Francis Rossignol
Régulier 35,50$
65 ans et + 29,50$
30 ans et – 25,50$
Le prix de votre billet comprend les taxes, les frais de billetterie et il inclut un montant de 50 sous qui viendra appuyer notre travail de développement dramaturgique.
CONFÉRENCES
Le Théâtre La Bête Humaine organise une série de trois soirées conférences autour des thématiques soulevées par la pièce. Animées par Nadia Seraiocco, ces discussions gratuites et ouvertes à tous auront lieu après les représentations. (Il n’est pas nécessaire d’avoir assisté au spectacle le soir même pour participer à la rencontre.) Vous ne pouvez vous déplacer? Les discussions seront retransmises en direct en Facebook live.
Mercredi 11 mars
La cyberdépendance
Invités
Dr Jean-Pierre Chiasson, fondateur de la Clinique Nouveau Départ
M. Alexandre Champagne, fondateur du Centre pour l’Intelligence Émotionnelle en Ligne (CIEL)
Mercredi 19 mars
Spécificités judiciaires et criminelles liées aux activités illégales en ligne
Invités
Mme Isabelle Dauphinais et M. Patrick Berthelot, enquêteurs à la Sûreté du Québec
Mercredi 25 mars
Questions éthiques et sociologiques liées aux nouvelles technologies
Invités
Mme Maude Bonenfant et M. Martin Gilbert, professeurs et chercheurs à l’UQÀM et à l’UdeM en communication sociale et en éthique
Une production Théâtre La Bête Humaine en codiffusion avec La Manufacture
La petite salle de La Licorne abrite un jardin, des vignes de feuilles couvrent le plafond et dégringolent en rideaux verdoyants. Une balançoire, un banc de parc et un vibraphone meublent le décor enchanteur du Refuge, un lieu cachant une sombre opération.
Cet endroit se situe dans l’Inframonde, un web futuriste ou la réalité virtuelle est au summum du réalisme. Au Refuge, les visiteurs anonymes peuvent s’adonner à leurs fantasmes avec des enfants. Mais il ne s’agit pas réellement d’enfants, ce sont des adultes consentants qui sont employés par le Refuge pour jouer ce rôle.
Sur scène, il s’agit bien d’une jeune comédienne qui interprète le personnage d’Iris (Simone Noppen). Heureusement, la jeune fille ne subit jamais de paroles ou de gestes inappropriés, question de ne pas ajouter au malaise déjà causé par le sujet de la pièce. Les scènes plus explicites sont racontées lors des interrogatoires et les descriptions s’interrompent avant d’être trop détaillées. Ses interactions avec M. Dubois (Simon Landry-Désy) sont même attendrissantes, les deux comédiens apportent beaucoup de nuances et de sensibilité aux personnages.
Côté cour, la deuxième moitié de la scène est froide, noire. Une table et deux chaises sont encadrées par des panneaux de verre, éclairées à la lumière des néons. C’est dans cette section que la détective Harrison (Catherine Lavoie) interrogera séparément le créateur du Refuge, Papa (Yannick Chapdelaine Roy), et un utilisateur de longue date, M. Schmidt (Igor Ovadis). La prestation de ce dernier est particulièrement remarquable par sa sincérité et sa vulnérabilité.
« Les images, les sensations, sont des choses éphémères, ce sont les relations qui restent. »
– Mr. Shmitt
Les échanges entre Harrison et Papa sont quant à eux moins aisés. Le manque de naturel semble résider dans le texte original plutôt que dans la traduction d’Étienne Lepage, le jeu des comédiens ou encore la mise en scène fluide de Catherine Vidal. L’autrice Jennifer Haley, qui écrit également pour la série Netflix Mindhunder, est réputée pour ses dialogues légèrement coincés. Toutefois, l’intrigue de L’Inframonde est captivante. L’enchaînement rapide des scènes, l’information amenée petit à petit et les nombreux revirements de situations savent maintenir l’intérêt du public.
Cependant, après un certain temps, les scènes d’interrogatoires se font lourdes. Particulièrement en contraste avec le monde féérique du Refuge. Dans la salle froide et aseptisée, on se confronte, on se parle sans s’écouter, sans chercher à se comprendre, les accusations pleuvent. Harrison est agressive, accusatrice, impatiente. Au Refuge, Iris est curieuse, elle rigole et elle danse. Malgré les crimes qui s’y déroulent, le Refuge séduit. C’est un endroit enchanteur grâce à l’attention aux détails de la scénographe et costumière Geneviève Lisotte et à la conception sonore enveloppante de Francis Rossignol. Celle-ci se fait discrète, mais donne le ton. Des bruits d’oiseaux nous immergent lors des scènes dans le jardin victorien. Quelques effets sonores discrets rendent les transitions fluides et nous préparent à l’émotion qui nous attend. Dans la même veine, l’éclairage d’Alexandre Pilon-Guay qui passe généralement inaperçu durant la représentation est créatif et hypnotisant lors d’une scène dans la salle d’interrogatoire. Les néons placés de façon délibérée s’allument en alternance pour créer un effet psychédélique.
L’Inframonde est une pièce qui dérange, qui porte à la réflexion. Mais on en sort sans réponse claire. Dans un futur où la réalité virtuelle permet de vivre des sensations physiques, le parfum d’un jardin, les rayons de soleil sur sa peau, doit-on réévaluer les lois établies au préalable ? C’est une des questions que pose l’autrice.
Lorsque la fantaisie, la littérature, la pornographie ne sont pas à la hauteur du réel, on peut argumenter que ses consommateurs voudront tôt ou tard pousser le fantasme plus loin et l’exécuter dans le vrai monde. Mais dans un univers où la simulation est égale, voire supérieure à la réalité, les usagers seraient-ils tentés de recréer leur fantaisie dans le monde réel ? Sans victimes, peut-on dire qu’un crime est commis ? C’est cette grande distinction qui empêche de connecter la réflexion posée par Jennifer Haley au monde actuel.