Les 14 (13h) et 15 janvier (13h et 19h) 2010

2 h 14 AM/FM

(14 ans et +)

Texte David Paquet
Marraine en écriture Geneviève Billette
Mise en scène Claude Poissant
Direction artistique de l’Option-Théâtre Ghyslain Filion
Interprétation : les étudiants de 4e année du programme Interprétation théâtrale de l’Option-Théâtre
Conception et technique les étudiants de 4e année du programme Interprétation théâtrale de l’Option-Théâtre

Jade a des vers qui lui sortent par la bouche. Katrina se retrouve avec un tatouage qu’elle n’a pas choisi. François, lui, se drogue depuis qu’il est follement amoureux. Il y a aussi Berthier, qui devient aveugle tous les mardis soirs et Benoit, un professeur. Tout ce qu’il cuisine goûte le sable. Sans oublier Pascale, une femme qui vit avec un masque de biche sur la tête. Ces six personnages partagent un point commun : ils étaient tous là à 2 h 14. Mais que s’est-il passé ce jour-là à 2 h 14 ?

Avec 2 h 14 AM/FM, nous suivons le décompte d’une journée, le récit éclaté de six histoires individuelles qui s’entrecroisent de façon inédite. L’énergie et le rythme fracassants font exploser une parole unique, à la fois poétique et quotidienne. Performance qui sort de la convention théâtrale et où la réalité côtoie la fantaisie, ce spectacle étonne par l’originalité de sa forme et de son dénouement.

par Olivier Dumas

Lauréat de l’édition 2010 du concours Le Théâtre jeune public et la relève, l’auteur David Paquet a vu sa première production professionnelle bénéficier du talent du metteur en scène chevronné Claude Poissant et des finissants de l’Option-théâtre du Cégep Lionel-Groulx. Diplômé de l’École nationale de théâtre, il a le vent dans les voiles puisque son second texte, Porc-épic sera bientôt présenté à Montréal, après plusieurs productions à travers le monde. Ici, sa pièce 2h 14 AM/FM s’inscrit parfaitement dans l’esprit du théâtre pour adolescent par son univers sombre, sa description chirurgicale du vécu de «l’âge ingrat» et ses répliques mordantes. Avec des comédiens allumés et une mise en scène alerte, le spectacle, présenté à la Maison Théâtre, brasse la cage et amuse sans toutefois faire trop d’étincelles.

Avec 2 h 14 AM/FM, le public assiste au décompte d’une journée où s’enchevêtrent six histoires individuelles. Pendant une heure, les tribulations d’étudiants et d’un professeur dépassés par les événements se partagent entre le réalisme le plus trivial et des épisodes qui tiennent de l’extravagance du fantastique. Des vers sortent de la bouche de Jade. La révoltée Katrina a un tatouage qui change de forme. Depuis la découverte de l’âme sœur, François se drogue. Nerd par excellence, Berthier joue à l’aveugle tous les mardis soirs pour attirer les filles. L’enseignant Benoit goûte l’envie des plages du sud à chaque fois qu’il mange. Sans oublier la narratrice de l’histoire, Pascale, qui porte un masque de biche sur la tête. Ces six personnages étaient présents à 2 h 14, heure fatidique d’une tragédie fatale.

Le spectacle porte l’empreinte du metteur en scène Claude Poissant qui évoque à présent un climat, une fougue et des thèmes similaires à ses précédents spectacles comme Je voudrais me déposer la tête et Rouge gueule. Ses chorégraphies aux mouvements saccadés, près du hip-hop et du breakdance, sont exécutées avec énergie, mais se démarquent peu des spectacles du même genre. On nage en terrain connu, alors que le programme précisait le désir pour les concepteurs de sortir des conventions théâtrales. 2h14 AM/FM offre un regard cru de la réalité ; on y retrouve une obsession pour les détails scabreux et pervers de l’être humain, une volonté de provoquer et de faire réagir le public en lui montrant ses travers les plus rébarbatifs

Avec des répliques que n’auraient pas reniées les scripteurs de séries comme Watatatow, les six histoires individuelles demeurent toutefois inégales. Certaines scènes s’appuient sur un canevas intéressant, alors que d’autres tournent presque au ridicule par leur manque de crédibilité. Le récit de Berthier qui se fait passer pour un aveugle procure sans aucun doute les meilleurs moments de la soirée par son dosage d’espièglerie, d’aplomb et d’incertitude qui caractérisent parfaitement la période de l’adolescence. À constater les rires tonitruants de l’auditoire, la succession des histoires s’apparente quelques fois plus au stand-up comique qu’à une œuvre chorale parfaitement maîtrisée. Les liens entre les protagonistes manquent de clarté. Sans dévoiler le dénouement, il aurait été très captivant de creuser davantage dans la psyché de la tragédie qui vient clore le spectacle.

Sans exception, la distribution composée des finissants de l’Option-théâtre du Cégep Lionel-Groulx constitue les meilleurs atouts de 2h14 AM/FM. Les interprètes s’abandonnent avec cœur, corps et âme à leurs personnages; on imagine que l’avenir leur réservera un futur à la hauteur de leur talent.

2h14 AM/FM s’avère un spectacle qui se défend bien dans le théâtre jeune public grâce à ses talentueux artistes. Il lui manque seulement un soupçon d’originalité et une personnalité propre pour devenir un moment mémorable.

18-01-2010