(à partir de 11 ans)
Texte Suzanne Lebeau
Mise en scène Gervais Gaudreault
Interprétation Audrey Talbot, Isabelle Miquelon et Jean-Philip Debien
Elikia a vu sa vie basculer dans une guerre civile chaotique et sans lois. La fillette a été enlevée à sa famille et elle est devenue enfant soldat. Victime, elle est aussi bourreau dans cette situation intenable. Comment grandir et rester humain quand les repères s'effacent devant une brutalité quotidienne ? Joseph, le plus jeune à parvenir au camp de rebelles, parce qu'il lui rappelle son enfance et son humanité, lui donne le courage de briser la chaîne de violence.
Récit évocateur et sensible de la dure réalité des enfants soldats, ce spectacle nous fait vivre la fuite d'Elikia et de Joseph ainsi que leur retour à une vie où ils pourront grandir comme des enfants. Il nous fait aussi entendre la voix d'Angelina, l'infirmière qui les reçoit à l'hôpital et qui dénonce cette réalité douloureuse. La mise en scène juste magnifie ce texte bouleversant, d'où ressort une certaine lumière, une lueur d'espoir.
ACTIVITÉS D'ANIMATION THÉÂTRALE
Le 16 mai 2010, 16 h
Rencontrez les artistes du spectacle après la représentation. Gratuit.
Assistance à la mise en scène Stéphanie Capistran-Lalonde
Décor Stéphane Longpré
Costumes Linda Brunelle
Lumières Dominique Gagnon
Environnement sonore Nancy Tobin
Direction de production Dominique Gagnon, Nicolas Marion
Durée : environ 75 minutes
Une création de la compagnie de théâtre Le Carrousel
Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211
par Olivier Dumas
Au printemps 2009, la brillante dramaturge québécoise Suzanne Lebeau proposait au Théâtre d’Aujourd’hui Le bruit des os qui craquent, après une tournée européenne qui avait été accueilli par un concert d’éloge. Le résultat m’avait cependant laissé sur ma faim. Heureusement, la reprise de la pièce à la Maison Théâtre vient dissiper plusieurs réserves. Revoir un spectacle théâtral permet souvent de réviser notre jugement sur la qualité de l’œuvre.
Avec une nouvelle distribution, la mise en scène de Gervais Gaudreault semble plus sentie. D’un sujet aussi grave et contemporain dans les sociétés occidentales que les enfants-guerriers, le risque de trop se coller à un théâtre pédagogique était pourtant grand. L’actualité internationale ne se transpose pas toujours facilement dans un langage théâtral. Cette nouvelle version du Bruit des os qui craquent nous éloigne heureusement des tentations didactiques et moralisatrices.
Suzanne Lebeau reprend un thème qui lui est cher, celui de la vulnérabilité des enfants face à une société oppressante, voire criminelle dans la présente œuvre. L’histoire du Bruit des os qui craquent nous montre sans concession la tragédie d’Elikia, une fillette dont la vie a basculé dans une guerre civile. Enlevée à sa famille pour devenir une enfant-soldat, elle se lie d’amitié avec Joseph, le plus jeune du camp, qui lui donne le courage de briser la spirale de la violence de cette barbarie pour retrouver sa liberté. Le récit de soixante-quinze minutes alterne entre les scènes des enfants dans la brousse et celles du tribunal où l’infirmière Angélina relate les événements de la vie bouleversante d’Elikia.
À la création, l’infirmière incarnée par Lise Roy dégageait une distance qui empêchait le public d’adhérer entièrement à un drame aussi révoltant. L’approche plutôt clinique du discours antimilitariste semblait écrite par Amnistie internationale, alors qu’un petit supplément d’âme lui aurait permis d’atteindre l’universel à la manière d’Incendies de Wajdi Mouawad sur la guerre du Liban. Repris par Isabelle Miquelon (lumineuse comédienne que l’on voudrait voir plus souvent à la scène), le témoignage d’Angélina atteint ici une dimension plus touchante, plus émouvante. La voix plus chaleureuse, l’intonation plus nuancée font ressortir avec plus d’éclat certaines répliques qui vont droit au cœur. Les deux enfants interprétés par Audrey Talbot et Jean-Philip Debien nous font croire à la tragique vulnérabilité de leurs personnages sans forcer le trait.
On reconnaît la griffe de Suzanne Lebeau, une dramaturge qui a ce don d’écrire des phrases remuantes et de dépeindre des situations difficiles avec une implacable justesse. Il manque toutefois au Bruit des os qui craquent une dimension intemporelle si présente dans ses plus grands textes de théâtre. Par exemple, Salvador ou L’ogrelet, deux de ses plus remarquables créations sur l’enfance qui doit se débattre dans des univers cruels et insensibles où l’espoir et l’imagination triomphent des pires horreurs.
Spectacle exigeant, Le bruit des os qui craquent conjugue bien la sensibilisation aux enfants-soldats embrigadés dans des guerres meurtrières à une parole artistique toute frémissante portée par l’engagement de ses interprètes.