Blottie au creux de son lit, une fillette traverse une nuit d’orage sous le regard complice de son chien. Mille questions surgissent dans sa tête. La réflexion s’élance, s’envole, redescend en piqué, puis rebondit sur les paroles invisibles de la conscience. Au cœur de la nuit, l’enfant interroge le sens de la vie, soulève de troublantes questions aussi personnelles qu’universelles. Le vent souffle de plus en plus fort, puis l’orage éclate: toutes les craintes devant l’ampleur du monde sont permises. Avec humour, justesse et subtilité, Nuit d’orage explore, à coups d’incertitudes, la naissance de la pensée réflexive à l’âge de raison, lorsque la conscience s’immisce dans notre insouciance pour ne plus nous lâcher.
Cette adaptation d’une œuvre littéraire créée et illustrée par Michèle Lemieux nous plonge dans l’intimité nocturne, là où le rêve dessine les contours de la réalité. Telles des esquisses, les questions existentielles de l’enfant s’animent sur scène, dans la pénombre feutrée où fusent les éclairs de l’orage. Laissez-vous happer par l’intériorité sensible de ces tableaux philosophiques d’ombre et de lumière, dans lesquels se mire notre propre vulnérabilité devant le mystère qu’est la vie.
Décor et projections Stéphane Longpré
Éclairages Dominique Gagnon
Environnement sonore Diane Labrosse
Costumes et accessoires Linda Brunelle
Environ 50 minutes
4 nov 9h45
9-10-17-18-24 nov 10h
5 nov 10h et 19h
7-13-14-20-21-27-28 nov. 15h
11-25 nov. 10h et 13h
Activités d'animation théâtrale
Le dimanche 7 novembre 2010
Rencontrez les artistes du spectacle après la représentation de 15h. Gratuit.
En tournée
Théâtre français du Centre national des Arts / Ottawa / 1er au 5 décembre 2010
Muni Spec Mont-Laurier / 8 et 9 décembre 2010
Théâtre du Vieux-Terrebonne / 19 au 21 avril 2011
Les Gros Becs / Québec / 26 avril au 8 mai 2011
Nuit d'orage en France / du 17 janvier au 30 mars 2011
Conçu en résidence au Théâtre de la Ville de Longueuil et au Théâtre du Vieux-Terrebonne, en coproduction avec Muni-spec Mont-Laurier
Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211
par David Lefebvre
Et si la vie était un rêve, et le rêve la vraie vie?
L'éveil de la conscience, de la pensée réflexive et des doutes philosophiques est un moment tout aussi magique qu'effroyable pour l'enfant. Se questionner tout à coup sur sa vie, celles des autres et au-delà de ce monde, sur sa place sur terre, sur l'infini, sur son corps, sur la mort... L'artiste et auteure québécoise Michèle Lemieux a publié, en 1996, un magnifique livre en noir et blanc, intitulé Nuit d'orage, qui illustre avec intelligence, simplicité et imagination une jeune fille qui passe la nuit à se poser cent questions, «sans concession ni réponse». En 2003, elle adapte cette histoire pour un film d'animation splendide, en couleur, disponible, entre autres, à la Cinérobothèque de l'ONF.
La théâtralité de Nuit d'orage ne fait aucun doute. Les questions que se pose la jeune fille, assise sur son lit, toujours en compagnie de son chien, ne peuvent qu'intéresser les enfants qui s'associent facilement à elle. Cette toute nouvelle création du Théâtre Le Carrousel a certainement plusieurs points forts, mais aussi quelques faiblesses.
L'idée du metteur en scène, Gervais Gaudreault, de recréer sur scène les images du livre plutôt que celles du film est tout à fait appropriée. La scénographie est au plus simple, se résumant au lit de la jeune protagoniste, incarnée avec brio par Émilie Lévesque. Petits rires, petites frayeurs, sa voix est superbe et ses craintes font sourire et rire petits et grands. Quelques créatures, manipulées ou interprétées par le comédien Ludger Côté, viendront lui rendre visite, dont un extraterrestre (lorsqu'elle se pose des questions sur la vie et les autres planètes) et un homme-arrosoir (qui symbolise l'homme recyclé et le donneur de vie, quand elle s'imagine tomber enceinte).
Monsieur Gaudreault expérimente ici avec le noir et blanc, et respecte ainsi totalement l'ambiance du livre de Michèle Lemieux. Alors que le blanc évoque l'intérieur, le connu, la sécurité (les draps du lit, la lumière autour de la jeune fille, sa robe de chambre, son chien), le noir, lui, l'extérieur : le reste de la chambre, l'inconnu. Un écran translucide sépare la foule de la comédienne, sur lequel on projette en format géant des dessins tirés du livre. Ces projections, créées par Stéphane Longpré, avec le savant éclairage de Dominique Gagnon, permettent à la fillette d’apparaître au beau milieu d'un champ, au travers d’un ciel parsemé de nuages, d'une forêt sans feuilles ou d'éclairs. Visuellement, le résultat est remarquable. L'utilisation d'une trame sonore ambiophonique, spécifiquement lors de l'orage, et concoctée par Diane Labrosse, est saisissante, mais légèrement sous-exploitée.
Par contre, le spectacle s'étire en longueur, malgré les 48 minutes de la représentation. Quelques minutes en moins seraient bénéfiques, surtout si on le compare au film d'animation, qui reprend sensiblement le même texte et qui ne dure que 9 minutes. Le rythme n'en serait que plus naturel, plus resserré et moins onirique. La réflexion de la jeune fille s’en trouverait plus aisée à suivre, à comprendre. Quelques personnages ou accessoires sont aussi difficiles à saisir ou à identifier, soit à cause de l'écran qui les rend flous ou indéfinissables, ou alors le manque de précision dans la narration, qui se contente de suivre les questionnements de la petite. Le choix d'utiliser un français normatif est louable, surtout si le spectacle est présenté à l'extérieur de la province, mais un langage québécois soutenu serait tout aussi apprécié, sinon davantage, pour que les enfants puissent mieux s'associer à la jeune fille.
Nuit d'orage plonge le public au coeur des réflexions universelles et des craintes d'une enfant curieuse, à l'imagination fertile, jusqu’à ce que le jour se lève. Chaque question nous transporte dans la pénombre d’un nouveau tableau, d’une nouvelle esquisse. La mise en scène de Gervais Gaudreault rend hommage au bouquin, tout en continuité avec ses plus récentes créations.