C’est enfin l’ouverture de la librairie ! Jeanne classe soigneusement chaque livre sur les étagères en attendant son premier client. La porte s’ouvre... c’est Samuel, le voisin chocolatier. Depuis que leurs regards se sont croisés, Jeanne fond comme chocolat au soleil quand elle l’aperçoit. Sa grande timidité la paralyse à un point tel qu’elle préfère se terrer au fond de son commerce plutôt que d’oser lui parler. Et voilà que, cette nuit-là, un étrange personnage surgit du passé à la recherche d’un livre égaré il y a plus de soixante-dix ans.
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Décor et accessoires : Élise Dubé
Costumes : Isabelle Saint-Louis
Éclairages : Félix Bernier Guimond
Musique : Pascal Robitaille
Traduction du français à l’ukrainien : Sasha Samar
Monitrice de langue ukrainienne : Loulia Kokliaguina
Traduction anglaise : Maureen Labonté
Traduction espagnole : Diégo Aramburo
Traduction japonaise : Kyoko Hasegawa
Vidéo : Théâtre du Gros Mécano
Photo : Mirella Girard
Le texte en français est publié aux éditions de L’instant même, 2007.
Une rencontre avec les artistes aura lieu le dimanche 25 novembre, après la représentation de 15 h.
Un parcours du spectateur aura lieu le samedi 1er décembre, à 14 h 30.
Une création du Théâtre du Gros Mécano
par David Lefebvre
La petite Jeanne adore les bouquins. Elle apprend le cri des animaux, elle voyage au gré de l'imagination des auteurs, elle plonge au coeur des romances les plus chevaleresques, jusqu'à en oublier l'école, les repas et son propre anniversaire. Il est donc aisé de comprendre pourquoi, une fois adulte, elle acquiert une petite librairie pour y « vendre des histoires plus grandes que nature ». Depuis toujours, les livres font partie de son monde. Mais à force de les côtoyer, passe-t-elle à côté d'occasions en or? Comme Samuel, ce charmant voisin, artisan chocolatier de son état, qui lui fait de l'oeil et, prétextant chercher un nouveau livre fantastique, en profite pour la visiter? Et chaque fois qu'elle le voit, elle se cache, cafouille ou bafouille.
Il n'y a pas que ce problème dans la vie de Jeanne : le quartier se vide de ses passants. Une rumeur folle court dans toute la ville qu'un fantôme sème la terreur à l'intérieur des murs de sa boutique. Il est vrai qu'un spectre occupe les lieux, mais il n'a rien de bien effrayant. C'est celui de l'ancien propriétaire, Victor, qui cherche désespérément un livre qu'il doit finir d'écrire avant la mort de Pétra, une Ukainienne qu'il a aimé de tout son être, sans jamais le lui avoir avoué. En racontant son histoire à Jeanne, en lui faisant connaître sa Pétra grâce à quelques retours en arrière, Victor l'aidera un peu avec Samuel, et qui sait, peut-être que ce nouvel amour naissant l'aidera, lui, à retrouver le bouquin et terminer le récit de sa vie.
La librairie, du Théâtre du Gros Mécano, a été créée en 2003 et fut présentée à la Maison Théâtre une première fois lors de l'ouverture de la saison 2004-2005. Depuis, cette production compte plusieurs centaines de représentations, ainsi que quatre traductions. La librairie est un petit bijou de production : le texte de Marie-Josée Bastien est intelligent, riche, savoureux ; la mise en scène de Frédéric Dubois est brillante, pétillante. La pièce ne perd jamais le tempo imposé, le rythme est soutenu et précis. Les rencontres entre Jeanne et Samuel, dont les timides élans deviennent finalement des déclarations en soi - grâce à un certain fantôme qui provoque un peu les choses - sont hilarants, et pas seulement pour l'enfant, qui y voit une certaine gaucherie comique, mais pour l'adulte qui se remémore peut-être de telles situations, qui y perçoit la naïveté ou alors l'essence même de l'amour qui éclot, dans toute sa touchante maladresse. Marie-France Desranleau propose une Jeanne tout simplement craquante : si chaque geste et chaque intonation sont calculés et placés à la perfection, elle joue avec une désarmante candeur. Le directeur artistique du Gros Mécano, Carol Cassistat, charme par son tempérament « lapin blanc d'Alice », à courir après le temps qui ne pardonne pas. De sa voix posée, il impose à son Victor une certaine assurance intellectuelle et émotionnelle, une sagesse que son état de fantôme lui a permis d'acquérir. On aime entendre l'accent ukrainien de Marie-Claude Giroux, alors qu'elle essaie de dialoguer avec Victor qui l'héberge. Ses courtes apparitions sont toujours soignées, intrigantes. Le Samuel de Nicolas Létourneau (qui était de la distribution de 2004, avec Marie-France Desranleau) offre ce qu'il faut de gamin et d'adulte pour plaire aux petits comme aux grands.
La scénographie d'Élise Dubé joue avec les proportions, le côté fantastique et réaliste du monde de la littérature. D'énormes livres meublent la scène, servant de chaises, de pupitres et d'étagères. Deux grandes toiles ferment le plateau, à cour et à jaridn, et la porte, mobile, valse sur elle-même pour créer l'illusion de l'extérieur et de l'intérieur selon son emplacement. Le décor est terriblement chaleureux (grâce, aussi, aux éclairages de Félix Bernier Guimond) ; on aimerait se perdre dans cette librairie de quartier.
Avec La librairie, Marie-Josée Bastien aborde l'amour, celui entre deux êtres, et celui des livres, de la lecture, ou plus précisément des mots, et cela transcende, littéralement. Cette production arrive à point à la Maison Théâtre, dont on salue le retour. Avec le Salon du livre qui vient de se terminer, et les libraires indépendants qui font la manchette ces jours-ci, parlant de leur survie, on peut voir dans La librairie une réflexion sur ces lieux de plus en plus désertés, et l'obligation de fermeture (Samuel pense à fermer boutique et aller travailler pour une grande chaîne de chocolat de Pâques), ainsi que de possibles solutions pour remédier à la situation.
Tendre, drôle, sucré, irrésistible ; entrez dans La librairie, c'est ouvert.