Monsieur se repose à l’hôtel. Soudain, comme un mirage, il entrevoit une dame dans sa chambre ; mais aussitôt vue, aussitôt disparue ! Intrigué par cette nouvelle venue, il entame une course folle pour la retrouver. 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10, il entre dans chacune des chambres de l’endroit. Et quelle n’est pas sa surprise de constater que s’envoler en ballon, se prélasser dans de la barbe à papa et devenir le complice d’une girafe font partie des aventures du quotidien.
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Scénographie et marionnettes : Delphine Bardot, Yseult Welschinger
Musique : Antoine Arlot, Pierre Bœspflug
Construction décor : Jacques Denis
Costumes : Daniel Trento
Vidéo : Yseult Welschinger
Photos: Brigitte Pougeoise
Dans le cadre d’une tournée québécoise coordonnée par la Maison Théâtre, Derrière la porte est présenté en codiffusion avec le Théâtre jeunesse Les Gros Becs (Québec).
Une création de La S.O.U.P.E. Cie
par David Lefebvre
C'est plumeau en main que deux jeunes femmes de chambre font leur apparition, devant le joli décor d'un étrange hôtel. Au centre, un petit corridor avec dix portes bien numérotées ; tout autour, des chambres et des espaces cachés par des rideaux, des panneaux ou des portes, qui se dévoileront chacun leur tour. Le téléphone sonne : on rit, on écoute, on s'échange le combiné. C'est Monsieur qui veut une chambre. On lui octroie la numéro 1. Il se prépare pour aller au lit et finit par rêver. Il se réveille, perçoit un son, sort de sa chambre, et aperçoit Madame qui disparaît tout aussitôt. De pièce en pièce, il court après cette vision et découvre de multiples mondes surréels : il volera avec un ballon d'hélium, s'engouffrera dans un matelas de barbe à papa, disparaîtra derrière un miroir ou participera à une fête foraine. Sans mentionner cette sympathique girafe qui se montre la tête et le cou au moment le plus inattendu.
La S.O.U.P.E. Cie, fondée en 2004 en France, cumule depuis sa création une dizaine de spectacles pour jeune public et pour adultes. Derrière la porte est son quatrième spectacle et s'adresse aux 2 ans et plus. L'univers de Derrière la porte en est un intrigant, qui fait appel à l'imaginaire des bambins. Sans arrêt, le petit public - tout comme le grand - se questionne sur ce qui adviendra à Monsieur à chaque ouverture de porte. La scénographie se dévoile un peu comme une courtepointe, avec ces boîtes colorées contenant un minuscule décor auquel les manipulatrices ont accès par-dessous ou par-dessus, dont ce hall aux dix portes, créé grâce à une perspective forcée, qui permet un jeu de va-et-vient très « scooby-dooesque ». La mise en scène orchestrée par Éric Domenicone offre de nombreux moments oniriques. Pour créer certains effets, dont un rêve ou une ballade en ballon, elle utilise d’admirable façon la projection au cœur du décor. D'ailleurs, c'est ainsi que Monsieur apparaît en tout premier lieu : sortie tout droit dirait-on d'un film muet, son image est projetée sur un écran de fortune tenu à bout de bras par l'une des femmes de chambre, l'autre interagissant avec lui pour lui donner sa clé. L'homme se manifestera ensuite sous plusieurs formes, dont un pantin en deux dimensions, manipulé par des bâtonnets aimantés, ou une marionnette à gaine, qui réussit (presque) à se déshabiller seule (et à lancer son linge un peu partout, au plaisir du public). La mise en scène mise largement sur la répétition pour faire naître le rire au coeur de l'auditoire, mais sans jamais exagérer ou pousser trop loin l'effet. Les quelques apparitions de la girafe en sont le meilleur exemple : l’animal, qui se montre lorsque Monsieur ressent une vive émotion, fait chaque fois s’esclaffer l’assistance, sans faire la moindre bouffonnerie.
Si de très belles qualités se dégagent de cette courte pièce muette, certains défauts ou problèmes nuisent carrément au spectacle. Malgré un superbe environnement sonore, certains passages appuient parfois trop fortement sur le suspense du moment, engendrant un sentiment de crainte ou d’angoisse chez les plus jeunes plutôt qu'un émerveillement ou une curiosité. Les éclairages maison - de petits projecteurs placés de chaque côté de la scène, ou l'utilisation souvent erratique d'une lampe de poche - sont souvent insuffisants, créant des zones d'ombre beaucoup trop sombres pour nous permettre d’apprécier les magnifiques marionnettes ou les actions de celles-ci. Certaines scènes, dont celle du miroir, proposent quelques images intéressantes, mais s'allongent inutilement : la fascination perd de sa magie qui agissait pourtant si bien depuis le début du spectacle. Certains parents doivent ainsi ramener la concentration de l'enfant sur la beauté des décors ou sur les manigances de Monsieur ou de Madame pour qu'il poursuive son écoute. Et lorsque nos deux protagonistes se retrouvent enfin, on batifole au lit, on s'embrasse de façon sonore, ou joue sous les draps : si les épanchements amoureux peuvent en faire rigoler quelques-uns, il est tout de même utile de se demander si certaines scènes n'auraient pas dû justement rester... derrière la porte.
Malgré tout, Derrière la porte, en tournée à Montréal et à Québec, offre de très jolis moments insolites, dans une esthétique mariant vintage et nouvelles technologies, qui captivent aisément petits et grands et qui nous fait découvrir une compagnie européenne très sympathique et inventive.