Forcée de passer de nouveau les vacances au camping Chez Lyne en compagnie de ses parents et de son jeune frère, une adolescente écrit sur des napkins le récit de leurs journées passées à jouer les gens heureux. C’est que la vérité ferait trop mal chez les Côté. On s’aime tellement qu’on se ment ! Or, la pluie, quasi ininterrompue cet été-là, met la famille sous pression. Chacun jettera bientôt à la face des autres ses drames, ses vices cachés, ses aspirations refoulées. Au retour des vacances, les Côté risquent fort d’être changés…
Autopsie d’une napkin est un théâtre musical où les mots et la musique racontent d’une seule voix la dérive, puis la renaissance d’une famille. En partie chanté, en partie joué par les comédiens, le propos, satyrique et teinté d’autodérision, trouvera assurément un écho chez les adolescents et leurs adultes : à quel point sommes-nous vrais dans nos relations avec les autres ? La pièce amène aussi la question d’une renaissance possible, alors qu’apparaissent clairement les occasions manquées et par ailleurs, la possibilité d’explorer de nouveaux chemins.
Écrite à quatre mains, Autopsie d’une napkin a valu en 2012 à Érika Tremblay-Roy le prix Louise-LaHaye du Centre des auteurs dramatiques, soit une bourse ainsi que le titre d’auteure associée à la Maison Théâtre pour une période d’un an. Le jury a voulu récompenser « les risques qu’a pris une jeune auteure en créant une forme dramatique foisonnante afin de parler des mensonges de l’argent qui, en détruisant le tissu social, faussent du même coup les liens familiaux ». Autopsie d’une napkin est la deuxième création conjointe d’Érika et de Laurier. Le duo a aussi écrit Tante T, en 2008, pour le Petit Théâtre de Sherbrooke, compagnie dont Érika Tremblay-Roy assume la direction artistique. C’est là qu’ils travailleront, en 2013-2014, à leur nouvelle création, une œuvre chorégraphiée qui met le travail vocal en relation avec celui du corps et de la lumière. Tante T a été vue à la Maison Théâtre en 2010.
Conseiller dramaturgique : Alexis Martin
Scénographie, décor et accessoires : Anne-Marie Bérubé
Costumes : Elen Ewing
Éclairages : Thomas Godefroid
Crédit photos : Dominique Lafond
Rencontre avec les artistes : 26 janvier
Durée 53 minutes
Une création de Érika Tremblay-Roy et Laurier Rajotte
Dates antérieures (entre autres)
Chantier de création Aux Écuries 7 avril 2010
En tournée dans les Maisons de la culture en 2012
Coups de théâtre 2012, 18-19 novembre 2012
par Daphné Bathalon (Coups de théâtre 2012)
Autopsie d’une napkin cache derrière son drôle de titre un spectacle débridé et éclatant. La pièce se penche sur la cellule familiale, à ce qu’elle contient de mensonges et de non-dits, mais aussi de tendresse et d’affection. La napkin, c’est celle sur laquelle une jeune fille de 16 ans déverse ses envies de liberté et tout son désespoir de voir sous ses yeux sa famille chavirer. L’autopsie, celle de la famille Côté, est d’une merveilleuse précision.
L’auteure Érika Tremblay-Roy a une plume assurée et acérée. En quelques traits d’humour et d’amour, elle tire le portrait de ces personnages aussi attachants que troublants. Le père, la mère, le fils et la fille forment une famille emmurée dans ses mensonges pour faire croire à un bonheur en papier mâché. On assiste en direct à l’autodestruction du noyau familial, à sa lente noyade au fil des jours de ce terrible mois de juillet où le ciel lâchait toutes ses eaux sur le camping Chez Lyne.
Loin de l’hyperréalisme de Serge Boucher et de son 24 poses (portraits), la création d’Érika Tremblay-Roy et de Laurier Rajotte joue abondamment avec l’absurde de la situation et les images qu’elle évoque. « Ce n’est ni un opéra, ni une opérette, ni une comédie musicale », précisent les créateurs dans le programme du spectacle, mais « un théâtre où l’on chante ». Le texte de Tremblay-Roy, d’ailleurs récipiendaire du prix Louise-LaHaye pour l’écriture dramatique jeune public remis par le CEAD la semaine dernière, est à la fois cynique et lyrique. L’autodérision, les jeux de mots, les multiples rimes, les métaphores et autres jeux littéraires servent à merveille le côté ludique de la pièce. Elles servent aussi son propos sur la lourdeur des mensonges dans lesquels on s’enfonce en même temps que la caravane des Côté.
Autopsie d’une napkin s’adresse en premier lieu aux adolescents, mais fait vibrer les cordes sensibles de tous. On accroche rapidement au récit de cette famille à la dérive grâce à la belle musique, mais aussi par la force du texte. Sans changer de ton et de niveau de langue sous prétexte de s’adresser à un jeune public, l’auteure aborde des sujets proches de leur réalité, comme la vie de famille et l’intimidation (une chanson très touchante chantée avec talent par Sébastien René). Encore mieux : le musicien Laurier Rajotte les met en chansons. Parmi les quatre belles voix du spectacle, la comédienne Marie-Pier Labrecque se démarque tout particulièrement, surtout lorsqu’il s’agit de pousser la note vers les hauteurs. Sa dernière chanson en a ému plus d’un dans la salle.
La pièce navigue habilement entre drame et comédie, frappant juste à chaque chanson. À tel point que sitôt la dernière note retombée, l’envie nous vient de réentendre tout le texte. Une pièce à voir entre amis ou en famille!