Le Général Tremendiata est assoiffé de triomphes et épris de courage. Il s’apprête à attaquer le château d’Ambauchois avec son armée. Pendant ce temps, Dimindiata, l’assistant du général, est à la recherche de sa fille Minodique, disparue, trois ans plus tôt, durant la guerre. Lorsqu’il découvre qu’elle se trouve dans le château, il veut la sauver du massacre. Mais Minodique, entêtée et loyale, refuse de partir et de laisser périr les habitants qui l’ont accueillie.
Un jeune spectateur peut-il se nourrir et se construire uniquement de modernité et d’actualité? « Shakespeare nous rattrape toujours », se sont dit les créateurs d’Un château sur le dos. Aussi, l’histoire qu’ils proposent, inspirée d’une anecdote de guerre véridique rapportée par le philosophe Michel de Montaigne dans ses Essais, est de facture classique. Elle met en présence des forces opposées – la loyauté et l’individualisme, l’équité et l’injustice, la bravoure et la lâcheté – et fait vivre aux personnages des situations périlleuses qu’ils surmonteront après avoir posé des gestes courageux. Transportés dans l’univers des combats épiques, les enfants trouveront en Minodique une héroïne hors norme. La mise en scène, faisant intervenir, outre les comédiens, des marionnettes et des ombres, leur paraîtra fort inventive.
À chacun ses rêves. Depuis 2008, celui du Théâtre Ébouriffé est de faire redécouvrir la force, la grandeur et les possibilités de l’imaginaire collectif par son travail de création. Ses spectacles sont fondés sur l’exploration des genres, le mélange des disciplines artistiques et le pouvoir de l’évocation. Outre Un château sur le dos, la compagnie a créé Nœuds papillon et Cabaret au bazar, présenté à la Maison Théâtre en 2012. Le Théâtre Ébouriffé développe une dramaturgie contemporaine, qui nourrit le regard sur le monde des jeunes d’aujourd’hui. Il a fait sienne cette citation : « Un enfant n’est pas un vase qu’on remplit, c’est un feu qu’on allume. ».
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Assistance à la mise en scène : Manon Claveau
Décor, costumes, accessoires et marionnettes : Patrice Charbonneau-Brunelle
Éclairages : Louis-Xavier Gagnon-Lebrun
Environnement sonore : Laurier Rajotte
Conseillère aux marionnettes : Marie-Pierre Simard
Équipe de scène : Manon Claveau et Nicolas Fortin
Crédit photos : Marc-Antoine Zouéki
Rencontre avec les artistes : 10 novembre
Parcours du spectateur : 16 novembre
Durée 50 minutes
Aussi au Théâtre Les Gros Becs à Québec du 3 au 8 décembre 2013
Une création du Théâtre Ébouriffé
L’équipe d’Un château sur le dos a été accompagnée par le Théâtre Bouches Décousues dans la création de ce spectacle.
par David Lefebvre
Avec l’une de ses plus récentes créations, la jeune compagnie Théâtre Ébouriffé s’interroge, et ce, en toute légitimité, sur le concept du courage et de la loyauté, en ces temps modernes. Qu’est-ce que la loyauté? Comment être loyal dans notre quotidien? Comment (re)définit-on le concept du courage en ces jours virtuels, sans connaître réellement la misère ou la guerre?
S’inspirant d’une anecdote que Michel de Montaigne rapporte dans ses fameux Essais, Martin Bellemare et Marie-Ève Huot proposent aux petits comme aux grands un récit aux dimensions épiques, héroïques. C’est la guerre : le pays est ravagé par un envahisseur, le général Tremendiata. Arrivé aux abords du château d’Ambauchois, son assistant, Dimindiata, à la recherche de Minodique, sa fille perdue lors d’un raid il y a trois ans, tente d’approcher la place forte pour tenter de la retrouver. Elle y habite bien, avec une famille aimante qui a bien voulu l’accueillir il y a plusieurs mois. Dimindiata, fou de joie, essaie de la sauver du massacre à venir, mais rien n’y fait : elle refuse catégoriquement de laisser derrière elle cette famille qu’elle connaît mieux que son propre père, au risque de périr avec les habitants du château. Dimindiata fomentera un début de plan, persuadant Tremendiata de laisser partir les femmes, avec ce qu’elles pourront transporter sur leurs épaules. Le général accepte, sans se douter de ce qu’il adviendra.
L’équipe de création voit juste en surnommant ce spectacle un « Shakespeare pour enfants ». La plume de Martin Bellemare est riche, coule et résonne des échos de ces récits élisabéthains, de périlleuses situations, de destins tragiques et de brillants exploits. Il y a dans la mise en scène de Marie-Eve Huot quelque chose de faussement sérieux, s'inspirant fortement du texte, mais aussi, et surtout, quelque chose d’enfantin, qui appelle au jeu, dans ces projections de type acétate de crayonnés de forêts, de soldats et de châtelet. Il y a aussi ces bobines de fil et ces quelques conserves, bien agencées sur des murets en avant-scène, qui créent des ombres, une fois éclairées de multiples manières durant la représentation, rappelant les remparts du château.
Mais la grande force de ce spectacle réside dans l’immense talent du quatuor d’acteurs, solide et parfait. Il faut tout de même avouer que les Nicolas Germain-Marchand, Philomène Lévesque-Rainville, Francis-William Rhéaume et Klervi Thienpont n’en sont pas à leurs premières armes dans le milieu du théâtre jeune public. Mademoiselle Thienpont offre une Garimelle, la belle-mère de Minodique, totalement apeurée, qui veut absolument fuir, reniant presque la jeune fille adoptée par son frère, Palsambleu (Nicolas Germain-Marchand), qui, lui, dégage plutôt une certaine force, de l’orgueil et de la fierté ; tout le contraire de sa soeur. Garimelle incarne de ce fait une certaine lâcheté, que l’on peut pourtant comprendre, désirant avant tout sauver sa peau. Germain-Marchand endosse aussi avec justesse les habits de Dimindiata, un assistant déterminé à retrouver sa chère fille, manipulant comme il le peut son chef. Philomène Lévesque-Rainville est absolument attachante dans les robes de la petite Minodique, entêtée, mais solidaire, incarnant ici physiquement les thèmes de la pièce : courage et loyauté. La comédienne se transforme totalement pour le rôle de Plum Plum, le délégué du roi pour parlementer avec Tremendiata, à notre grand plaisir. Enfin, il faut saluer la performance de Francis-William Rhéaume : s’il joue un Casabon (fils de Palsambleu) fort sympathique, son Tremendiata, tout aussi mégalomaniaque qu’influençable, tout aussi comique qu’horrible, est simplement savoureux. Dans ce style de jeu, frôlant l’exubérance, les risques de dérapage sont nombreux ; Rhéaume s’en amuse et maitrise son personnage à la perfection, jusqu’au dénouement, plus tragique, suggérant une plongée subtile, mais réussie, dans la folie.
Si, par sa facture plus classique, Un château sur le dos s’apparente à certaines histoires anciennes, entre autres, grâce à quelques dialogues qui se font toujours face au public, un acteur côté cour, l'autre côté jardin, rendant les scènes encore plus solennelles, les costumes nous transportent à plusieurs époques. Ceux de Minodique, Garimelle ou encore Palsambleu évoquent les paysans du 16e siècle, alors que les manteaux sombres aux larges boutons de Tremendiata et Dimindiata rappellent ceux des soldats hauts gradés de la Deuxième Guerre mondiale, du côté allemand ou russe. Ce dernier détail s’avère fascinant, plongeant le récit au travers les nombreuses guerres que l’humanité a connues, et des innombrables témoignages de courage qui ont pu se frayer un chemin jusqu’à nous.
Pour compléter la distribution, la petite troupe fait appel à quelques personnages sous forme de marionnette (Patrice Charbonneau-Brunelle à la conception, Marie-Pierre Simard aux conseils) : d’abord des soldats, à la tête et au corps de conserve et aux bras en conduit de ventilation, puis des visages de vieux hommes, barbes et cheveux gris. Les manipulations sont fluides, assumées, drôles aussi ; les marionnettes sont charmantes et utilisées tout aussi modestement qu'au bon moment.
Belle réussite qu’est ce Château sur le dos, classique et superbe fable sur la victoire de l’imagination, sur la force de caractère, la solidarité et, surtout, sur ces gens qui osent se tenir debout et croire en leurs convictions alors que tout les pousse vers des solutions lâches et faciles. Si tout y est pour passer un bon moment avec sa progéniture, on sent tout de même que le réel potentiel de cette pièce éclora au fil des représentations.