Quel enfant n’a pas rêvé d’avoir un chien qui veille sur lui et le protège ? Celui que rencontre Charlotte est tendre et a un pelage extraordinaire… mais pour la maman, il a ceci d’inquiétant que personne ne sait d’où il vient. Peut-être est-il méchant, ou malade ? Il faudra l’intervention d’un être surnaturel pour que Chien bleu prouve sa vraie valeur aux adultes…
Voyageant dans le monde du livre illustré pour enfants, les artistes du Teatro Gioco Vita ont transformé une célèbre histoire de l’auteure égyptienne Nadja en un spectacle vibrant et féerique. Tout y bouge : les écrans, les sources lumineuses et les manipulateurs de silhouettes, qui jouent de leur propre image tout en agissant comme porteurs de lumières et de figures. Dans cette aventure suspendue entre le réel et le fantastique, qui met en relief les vertus de l’amitié.
Le Teatro Gioco Vita est sans conteste l’une des équipes artistiques qui, ces trente dernières années, ont contribué à révolutionner la forme ancestrale du théâtre d’ombres en Europe. Faisant éclater le cadre rigide dans lequel on manie les silhouettes, le Teatro Gioco Vita explore sans relâche les possibilités du langage visuel. Son expérience unique lui a valu de prestigieuses collaborations dans le monde entier, entre autres avec le Royal Opera House de Londres et le Piccolo Teatro di Milano. La Maison Théâtre l’a accueilli pour Pèpè et Étoile, en 2008 (en coproduction avec le Teatro Municipale di Piacenza), Les Amis de Loulou, en 2000, et Pescetopococcodrillo, en 1998.
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Décor : Nicoletta Garioni et Fabrizio Montecchi
Silhouettes : Federica Ferrari et Nicoletta Garioni (d’après les dessins de Nadja)
Musique : Michele Fedrigotti
Costumes : Sara Bartesaghi Gallo
Lumières et sons : Anna Adorno
Réalisation des écrans : Tania Fedeli
Crédit photo : Jonathan Gobbi
Rencontre avec les artistes : 29 septembre
Durée : 50 minutes
Dans le cadre d’une tournée québécoise coordonnée par la Maison Théâtre, Chien bleu est présenté en codiffusion avec le Théâtre jeunesse Les Gros Becs (Québec). les 20 et 27 octobre 2013
Production Teatro Gioco Vita (Piacenta, Italie)
par David Lefebvre
Pourquoi on ne peut pas désobéir, même quand maman se trompe ?
- Charlotte, Chien bleu
Si la Maison Théâtre est d'abord une association de 26 compagnies québécoises désirant avoir un lieu de diffusion pour leurs spectacles respectifs, elle accueille néanmoins ses premiers invités internationaux dès 1986, soit deux ans après sa fondation et 11 ans avant qu'elle ne s'installe définitivement sur la rue Ontario. La compagnie italienne Teatro Gioco Vita, qui en est déjà à sa quatrième visite à la Maison Théâtre, et ce, en seulement quinze ans, ouvre la saison 2013-2014 en beauté avec son adaptation théâtrale de Chien bleu, inspirée du livre du même nom de la peintre et auteure Nadja.
Publié à la fin des années 80, ce livre pour enfants connait un succès fulgurant. Les illustrations de Nadja sont d'une puissante évocation visuelle ; chaque image, de style expressionniste, occupe pleinement une ou deux pages du livre, rendant ainsi l'expérience presque immersive pour le petit lecteur ; les couleurs et la qualité du texte sont riches et renversantes – le mélange de récit et de peinture grand format est relativement innovateur à l’époque. Si l'histoire est d'une grande simplicité, elle est pourtant très touchante ; nullement étonnant que le bouquin soit devenu un classique du genre, voire une référence.
La petite Charlotte, un peu seule, est assise dans son jardin avec sa poupée. Arrive de nulle part un grand chien, au poil bleu, qu'elle adopte presque instantanément. Il la visite la nuit, et elle le nourrit au pain au chocolat. Mais la maman s'en aperçoit, et interdit à sa fille de jouer avec lui, par peur qu'il soit dangereux. En larmes, elle doit laisser partir son nouvel ami, qui est, lui aussi, attristé de cette décision. Pour la consoler, les parents amènent la petite faire un tour dans les bois, pas très loin de la maison. En cueillant des fraises, Charlotte perd son chemin et sa poupée, et demeure seule, terrorisée. Chien bleu arrive à la rescousse, et l'amène dans une caverne pour y passer la nuit. Il veillera sur elle et luttera contre l'Esprit des bois, qui, sous la forme d'une panthère, tente de croquer la petite fille. C'est transformée et heureuse qu'elle rentre à la maison le lendemain, en compagnie de son ami canin. Heureux de retrouver leur fille saine et sauve, les parents de Charlotte remercient le chien et permettent aux nouveaux amis de jouer ensemble, quand ils le veulent.
Inspiré des contes universels et des récits initiatiques, Chien bleu est une ode à l'amitié. Pour passer du livre imagé à la scène, Nicola Lusuardi et Fabrizio Montecchi ont utilisé non pas la texture des traits d'un pinceau, mais celle de la lumière, créant ainsi un théâtre d'ombres d'une incroyable douceur. Les éclairages, d'une grande richesse et d'une chaleur apaisante, sont souvent en double ton, rappelant la peinture, matière première du récit. Les deux collègues du Teatro Gioco Vita continuent ainsi d'expérimenter avec la lumière, utilisant plusieurs types de jeux d'ombres : projection à vue, projection par derrière l'écran, ou alors, au travers une forme sphérique ou cylindrique, manipulée à deux mains, créant des images mouvantes et dynamiques, à dimension variable. Les marionnettes, des figures à deux dimensions, articulées par des rivets, manquent parfois de fluidité, mais rappellent un style classique, voire ancien, formant de belles ombres aux lignes très claires.
Deniz Azhar Azari et Laura Dell’Albani, à l'accent italien absolument charmant - même s'il empêche parfois de saisir tous les mots prononcés -, forment un duo complice qu'il fait plaisir de voir jouer et manoeuvrer sur scène. Souvent dans l'ombre, elles manipulent avec dextérité les différents personnages et les sources de lumière pour construire sous nos yeux de magnifiques tableaux colorés. La musique de Michele Fedrigotti, essentiellement composée de mélodies au piano, vient soutenir avec émotion et sensibilité la trame narrative de l'histoire.
Extrêmement jolie, simple et doux, Chien bleu plaira, par contre, au plus de cinq ans, aux enfants qui sauront apprécier et comprendre le récit tout en s'émerveillant encore des images qu'on leur propose ; les plus petits, comme ceux de la représentation à laquelle j'ai assisté, pourraient rapidement décrocher, n'ayant peut-être pas encore la patience et la concentration nécessaires pour apprécier à sa juste valeur un spectacle comme celui-ci.