Nous sommes 1000 en équilibre fragileIdéation et mise en scène : Robert Dion
Texte : Francis Monty
Brèche ouverte sur une ruelle. Quatre amis – Marc-An, Sonia, Avalanche et Force tranquille – en ont pris possession. C’est leur terrain de jeu, d’échanges et de questionnements, leur « rampe de lancement » vers le monde plus juste qu’ils rêvent de bâtir. Arrive Pierre-Roc, l’étranger. Avec son harmonica et ses allures de doux cowboy, il dérange; il perturbe l’équilibre. Alors que s’additionnent pour lui, en un parcours endiablé, les épreuves censées prouver qu’il n’est pas assez fort pour suivre la bande, chacun des quatre amis se prendra à dévoiler son histoire personnelle, à révéler ses propres forces et vulnérabilités.
Ce spectacle électrisant réussit à traiter de façon positive et ludique du phénomène du rejet. S’appuyant sur un texte riche et nuancé, la moitié du temps « slamé », les interprètes, tous fabuleux, enchaînent énergiquement les acrobaties, les chassés-croisés et les scènes plus clownesques, jouées à l’aide d’objets inspirants dénichés autour d’eux. Ils nous présentent des jeunes qui, sous leur apparence dure, se donnent la permission d’hésiter, d’avoir peur, de recommencer, de libérer leur folie, d’être eux-mêmes. Leurs joutes sont oratoires et physiques, car ils refusent la violence comme moyen de se mesurer, de s’élever ou de régler des conflits. Des rencontres et des histoires humaines racontées ici se dégagent en bout de piste l’ouverture, l’entraide et l’espoir.
Section vidéo
Direction de production et assistance à la mise en scène : Marjorie Lefebvre
Scénographie, costumes et accessoires : Pierre-Étienne Locas
Musique et environnement sonore : Guy Bélanger
Lumières : Luc Prairie
Maquillages : Suzanne Trépanier
Chorégraphies : Victor Quijada
Conseiller au parkour : Léon G. Leclerc
Photos : Pierre-Luc Schetagne
Rencontre avec les artistes : samedi 22 février, 15 h
Durée 55 minutes
Une production DynamO Théâtre
par Daphné Bathalon
Crédit photo : Pierre-Luc Schetagne
« Nous sommes 1000 en équilibre fragile », clament-ils. Mille à défier le vide, à vouloir vivre libres dans un monde plus juste, à chercher une façon de s’élever au-dessus de tous pour ne pas s’enfoncer dans la place que la société et leurs parents leur réservent.
Ils sont quatre sur scène : Force tranquille, Sonia, Marc-An et Avalanche. Ils ont pris possession de la ruelle, en ont fait leur territoire et terrain de jeu. C’est là qu’ils s’affranchissent du monde des zombies pour trouver leur équilibre. Un équilibre dérangé par l’arrivée de Pierre-Roc, tout juste débarqué de son Saint-Apollinaire-du-lac-Carré natal. La rencontre les mènera peu à peu à dévoiler leurs histoires personnelles, dissimulées sous les bravades et les cabrioles.
Cette histoire prend la forme d’un slam de mots et de gestes, se transforme sur scène en mouvements de parkour et en art clownesque. À son habitude, Dynamo donne à voir avec cette nouvelle production une distribution en contrôle, maîtrisant parfaitement la danse rythmique du parkour. Nous sommes 1000 en équilibre fragile est un spectacle où les gestes en disent aussi long que les mots.
Les cinq jeunes de la ruelle ont un merveilleux terrain de jeu pour braver le vide, mais ils n’y jouent pas vraiment, conscients que leurs vies sont aussi remplies de vide à leur façon. Les mouvements de danse et les moments de confidences du spectacle l’illustrent parfaitement, dans des échanges de plus en plus vibrants, touchants, vrais.
Robert Dion propose une mise en scène constamment en mouvement du texte de Francis Monty, un habitué du théâtre jeune public. Ses interprètes-acrobates occupent tous les niveaux de la scène, les personnages ne demeurant jamais longtemps au repos. Marc-An fonce comme un taureau pour abattre les obstacles, Sonia défie constamment le vide en marchant sur un fil, tandis qu’Avalanche reste coincée dans sa fenêtre… Leurs acrobaties précipitent les jeunes tantôt contre les clôtures de bois ou de métal, tantôt sur le toit pentu du hangar. Quant au jeu clownesque de Mélanie Raymond, il fait rire à tous les coups.
Cette relation entre texte et jeu, entre interprètes et public se crée plus difficilement en première moitié du spectacle. Slammé par les acteurs ou par une voix hors champ, le texte rempli de perles littéraires ne s’harmonise pas toujours bien avec le reste de la proposition, déboulant parfois d’une voix et d’un rythme qui manquent de naturel, là où un slam coule d’un seul souffle. Le texte lui-même semble parfois forcer la note. À certains moments pourtant, la magie opère magnifiquement, notamment lors des batailles de mots entre Pierre-Roc et Marc-An, qui reprennent à leur manière la plus célèbre tirade de Cyrano, et lors des batailles en mouvement (sorte de dance battle), où l’un et l’autre mesurent leurs forces.
Comme nous tous, les jeunes de Nous sommes 1000 tentent de se construire en cherchant à garder un équilibre fragile constamment perturbé. Malgré ses quelques faiblesses, la nouvelle production de Dynamo offre un beau message d’entraide dans un monde où la violence ne devrait jamais être le moyen de s’élever.