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Du 2 au 19 février 2016
Tu dois avoir si froid
pour les 5 à 9 ans
Texte et assistance à la mise en scène Simon Boulerice
Mise en scène Serge Marois
Avec Marie Bernier et Gabriel Szabo

Félix a 5 ans et vit son enfance en 3D, avec beaucoup de profondeur et de candeur, grâce à ses lunettes magiques. À Noël, jouant bien à l’abri dans la montagne de manteaux d’adultes sur le lit de ses grands-parents, il nous prouve qu’il a, effectivement, des pouvoirs merveilleux. Avec son intarissable soif de jeu et grâce à ses visions du monde, pleines de sollicitude, de poésie drôle et d’innocence plus au moins naïve (ses lunettes lui en donnent à profusion), il apprivoise sa cousine « tellement » plus vieille que lui (elle prétend avoir 18 ans plutôt que 9, être une actrice américaine, connaître de grandes stars hollywoodiennes…).

L’humanité très enjouée de Félix, avec son humour craquant et sa tendresse si lumineuse, parviendra à percer la carapace de sa cousine, plus si vieille que ça maintenant. Parce qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi…

La compagnie

L’Arrière Scène

Fondée en 1976, L’Arrière Scène, sous la direction artistique de Serge Marois, a toujours privilégié dans ses créations la métaphore et la poésie. À l’écart des sentiers battus, la compagnie propose à un public dont elle respecte la créativité des environnements où s’unissent divers langages artistiques. Mariant images, gestes et paroles, elle lui fait appréhender l’univers d’une façon ouverte qui sollicite son engagement émotif et cultive son goût des arts.

Si Serge Marois en est le créateur maison, la compagnie a toujours ouvert ses portes à des artistes de la relève par l’accueil en résidence de jeunes compagnies et de jeunes auteurs. Joël da Silva et le Théâtre Magasin, Hélène Ducharme et le Théâtre Motus, Wajdi Mouawad, Marie-Line Laplante, Martin Boileau, Sébastien Harrisson et Simon Boulerice ont tous bénéficié d’un soutien qui a contribué à la création de leurs œuvres.


Section vidéo


Scénographie : Paul Livernois
Conception musicale : Pierre Labbé
Éclairages : Claude Cournoyer
Direction de production : Jean-François Landry
Direction technique : Geneviève Labbée
Photo Suzane O'neill

Durée du spectacle : 50 minutes

Production L’Arrière scène


Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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Dates antérieures (entre autres)

17 novembre 2014, Coups de théâtre
10 avril 2016 - les Gros Becs (Québec)

 
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Critique

Crédit photo : Suzane O’Neill

Tu dois avoir si froid  s’inscrit agréablement, mais sans grande surprise, dans le répertoire du très prolifique Simon Boulerice.

La collaboration entre l’auteur et la compagnie L’Arrière Scène avait donné précédemment Stanislas Walter Legrand de Sébastien Harrisson, La robe de ma mère, écrite par Serge Marois et le très beau solo Les mains dans la gravelle, dans lequel Boulerice incarnait tous les rôles. Tout comme Tu dois avoir…, Marois avait dirigé chacune de ces pièces.

Amorcé en novembre 2011 lors d’une résidence à Mulhouse en France, le texte de Tu dois avoir si froid s’adresse plus particulièrement aux 5 à 9 ans. Pendant cinquante minutes, l’histoire se déroule dans une chambre aux alentours de Noël. Félix, cinq ans, porte des lunettes 3D. Celles-ci lui permettent de croire en des pouvoirs magiques. Il s’amuse sur le lit de ses grands-parents, où se retrouve naturellement une montagne de manteaux. Dans la pièce à côté résonnent des extraits de Jingle Bells Rock et de Twist and Shout. Or, sa petite-cousine Morgane de neuf ans vient le rejoindre. Sa personnalité rude contraste avec celle, plus enjouée, du jeune garçon. Au cours de leurs échanges, Félix en vient à percer sa carapace et à découvrir son lourd secret: ses parents divorcent.

À la fois vive et rythmée, la plume de Boulerice n’hésite pas à creuser également dans les doux chagrins de l’enfance avec un doigté certain. Comme dans le reste de sa production, ses nombreuses références à la culture populaire surgissent ici et là. Entre autres, Morgane s’imagine en orpheline des États-Unis, adoptée par des adultes québécois. Elle parle ainsi de ces «rencontres» avec les stars du cinéma qui font fantasmer bien des jeunes filles : Zac Efron ou Robert Pattinson. Et dans la lignée des Mains dans la gravelle, le recours à la fiction (comme «les dix-huit ans» que s’octroie Morgane) permet aux personnages de teinter leur quotidien de rêves et de démesure. Heureusement, l’humour du dramaturge-acteur empêche le propos de sombrer dans le mièvre conte de fées. Il se répercute dans les revirements de situations : la cousine retire, par exemple, sa gomme à mâcher de sa bouche pour recoller la monture brisée des «lunettes spéciales» de Félix.

Au début de la production, le plateau est recouvert de cintres vides. Très métaphorique, l’image poétique est très belle et revient souvent dans les spectacles pour le jeune public. Par un effet très réussi, des manteaux se retrouvent soudainement accrochés un peu partout sur ces supports. Avec une économie de moyens, la mise en scène de Serge Marois transpose efficacement la parole volubile de l’auteur en un univers fantaisiste, inspiré, selon ses dires, par l’émission La Boîte à Surprise. Par exemple, vêtu d’une combinaison d’hiver rose, Félix se rend dans la salle de bain pour chercher un siphon lors d’une tempête de neige. Il ouvre la fenêtre de la chambre et se lance dans le vide, avant de revenir de son expédition, les bottes en moins. Quelques bruits de vents violents et des effets d’éclairage parviennent à faire surgir une émotion de frisson et d’angoisse.


Crédit photo : Suzane O’Neill

Tout au long de l’intrigue, les deux interprètes nagent comme des poissons dans l’eau dans l’univers de Boulerice. En fillette agacée par les frictions de son entourage, Marie Bernier est formidable. Rebelle, bavarde et un peu mythomane, elle traduit sans fausse note son caractère intrépide qui révèle peu à peu sa sensibilité. Dans Pig auparavant, son partenaire de jeu avait déjà mordu dans les mots de Boulerice avec un personnage similaire à Félix, par son côté attachant (malgré un ton diamétralement opposé). Ici, Gabriel Szabo témoigne lui aussi d’une belle ferveur.

L’une des seules réserves concerne une légère redondance dans les thèmes abordés par l’écrivain dans ses œuvres scéniques ou romanesques antérieures. Nous retrouvions, entre autres, autant dans Simon a toujours aimé danser que Les mains…, un enfant qui se sert de l’art et de son imaginaire pour compenser la laideur, le conformisme ou la banalité de son environnement immédiat. Il manque seulement à cette proposition théâtrale un peu d’originalité et de surprise pour combler totalement le public.   

Pourtant, les sympathiques Félix et Morgane nous accrochent le sourire aux lèvres et nous réchauffent suffisamment le cœur dans ce Tu dois avoir si froid, autrement très accueillant.  

09-02-2016