Dans une ville où tout est un peu étrange, la magie rôde et la lune force les habitants à chanter. À travers des histoires de chasseur et de carpes koïs, quatre adolescents nous racontent avec humour cette année où, pour eux, tout a basculé. Une indécise qui accepte difficilement de grandir, un romantique qui manque de courage, une ensorceleuse incomprise et un nouveau venu qui attise désir et jalousie sont au cœur de ce récit d’amour inavoué, de trahison et de réconciliation. Malgré les lois des vieux et leurs couvre-feux, rien n’empêche ces jeunes héros de chanter leur soif de vivre, la force de leur amitié et leur volonté d’avancer ensemble.
Sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle, les personnages du Chant du koï nous entraînent à leur suite au son de mélodies accrocheuses. Un spectacle ludique où le surnaturel et le réel se côtoient. Du théâtre musical fantaisiste et irrésistible.
La compagnie
Théâtre Le Clou
Le Théâtre Le Clou propose un théâtre de création et privilégie la rencontre avec le public adolescent. Codirigée par Monique Gosselin, Sylvain Scott et Benoît Vermeulen, la compagnie est un collectif de metteurs en scène dont les démarches sont personnelles bien qu’intimement liées.
Les créateurs du Théâtre Le Clou mixtionnent les matières textuelles, formelles et plastiques. De cet exercice de liberté émergent des créations qui oscillent entre exigence et plaisir, provocation et engagement, beauté et chaos.
Depuis 25 ans, Le Clou entraîne tous ceux que la rencontre entre le théâtre de création et l’adolescence inspire. Il accueille aussi les jeunes créateurs stimulés par ce défi artistique. Des milliers de spectateurs au Québec et à l’étranger ont pu applaudir une des 30 créations de la compagnie.
Section vidéo
Musique : Ariane Bisson McLernon
Costumes : Linda Brunelle
Éclairages : Luc Prairie
Mouvement : Mélanie Demers
Maquillage et perruques : Jean Bégin
Assistance à la mise en scène : Dominique Cuerrier
Direction de production et technique : Jean Duchesneau
Régie : Jean-François Bernier et Alexi Rioux
Photo spinprod.com
Durée du spectacle : 75 minutes
Production Théâtre Le Clou
Remarqué dernièrement pour Comment je suis devenu touriste et Napoléon voyage, Jean-Philippe Lehoux explore cette fois-cila dramaturgie pour adolescents avec Le chant du koï, pour la compagnie Le Théâtre du Clou. Sans être inoubliable, le spectacle se regarde et s’écoute assez gaiement.
Pendant une heure et quart, nous suivons les péripéties de quatre jeunes qui refusent de grandir dans une ville qui n’est jamais nommée («mais pas Chibougamau ou Matane», comme il est mentionné en amorce de l’histoire). Dans cette cité où sévit l’expression (jeu de mots facile tout de même) «là-là», la magie semble occuper une place prépondérante. Parmi ces récits de coups de foudre, de déloyautés et de carpes japonaises (carpes koïs, d’où l’inspiration du titre), s’esquissent les tourments de Boucles d’or (en hommage à l’héroïne du conte de fées), une fille qui refuse de faire des choix. Celle-ci fait pourtant battre le cœur d’un garçon surnommé Le Prince, victime autrefois d’un accident de cheval et dont le collet cervical est devenu pour lui une marque de distinction. Un nouveau camarade de classe, joueur de hockey, fait battre le cœur d’une ribambelle d’admiratrices. Une autre fille, surnommée La Sorcière, aime nouer et dénouer les intrigues amoureuses.
L’œuvre reprend des thèmes souvent traités dans ce type de répertoire. Elle aborde le désir de rébellion face au conformisme de la société et la difficulté d’établir des relations sincères, à un âge où tout grouille à l’intérieur de soi. À l’aide de brefs passages de succès repris ici, ou de mélodies originales composées par Ariane Bisson McLernon (pas désagréables pour les oreilles, mais non mémorables), leurs destins prennent une tournure plus fantaisiste. Contrairement à des comédies musicales à la structure dramatique plus traditionnelle comme Belles-Sœurs ou Grease, les interludes chantés surviennent plus spontanément. Par ailleurs, l’influence de Marc Drouin (Pied de poule, Muguette Nucléaire) se répercute également dans ses portraits d’ados («qui veulent plutôt changer de monde et non changer le monde»). Le gangsta rap se pointe également le bout du nez avec, entre autres, l’audition de très couts extraits et une référence à Eminem.
Difficile à apprivoiser, Le chant du koï ne cherche jamais à exposer une vision aseptisée ou idyllique de la génération actuelle. Les créatures issues de l’imaginaire de l’auteur demeurent tangibles dans leurs hésitations et leurs errances affectives. Lorsque le maire de la ville «là-là», également papa de Boucles d’or, fait ses apparitions, un ton volontairement plus cabotin domine l’ensemble. La dimension plus caricaturale du seul adulte sur scène accentue ainsi les caractères plus complexes du quatuor. Ces personnages aux antipodes du manichéisme traduisent leurs états d’âme dans la langue parfois brute et quelques fois contemplative de Lehoux, qui se permet à l’occasion de jolies métaphores poétiques.
La production est soutenue par une mise en scène habile de Sylvain Scott. Ce dernier s’était illustré précédemment dans un spectacle de chansons écrites par Réjean Ducharme et dans une autre excursion ducharmienne pour le Clou, la touchante L’Océantume. Entre celle-ci et Le chant, nous retrouvons des similitudes, notamment dans leurs expositions d’un monde grouillant de vie et de fureur. Les deux pièces se rejoignent dans la création de tableaux aux couleurs disparates et à l’énergie contagieuse. De magnifiques éclairages ajoutent une dimension émouvante à cette proposition, construite comme une mosaïque bariolée.
La distribution se révèle crédible. Dans le rôle du Prince qui apprend peu à peu à se défaire de sa fausse identité pour atteindre une plus grande authenticité, Simon Rivet est très drôle. Kevin Houle confère, quant à lui, une belle énergie, notamment dans ses pas chorégraphiques, à ce nouveau confrère de classe hockeyeur. Par ailleurs, ses pitreries sous les traits du maire à la grosse moustache entraînent immédiatement des réactions de l’auditoire. Leurs partenaires féminines offrent également d’agréables prestations dans leurs portraits antagonistes. Marie-Pierre de Brienne se montre à l’aise en sorcière intrépide et volontaire qui refuse de céder à ses émotions, tout comme la Boucles d’or de Myriam Fournier, à la fois capricieuse et naïve. Lorsque tout ce monde chantonne ensemble ou manie l’un ou l’autre des instruments de musique, le temps devient une partie de plaisir et de collégialité. Le chant du koï déploie ainsi ses ailes en sympathique compagnie.