Rien de plus normal, pour un garçon de 10 ans né au Québec au début des années 1970, que de rêver de patiner comme Guy Lafleur. Et notre jeune héros, attachant, flamboyant et débordant de vivacité, ne déroge pas à cette règle. Sauf que, pour son plus grand et seul malheur, il s’appelle Octavio Casesnoves-Ruiz. Alors, impossible d’être identique à ses camarades de classe. Pour Octavio, cette différence est un poids qu’il refuse de porter. Les vieilles histoires et les valeurs de son Espagnol de père n’ont aucun intérêt pour lui. Octavio le confronte, le renie même. Jusqu’à ce que sa grand-mère, pleine de finesse, lui donne le moyen de comprendre son père.
On assiste à des moments de pure magie où le sensible Octavio, retissant le fil de son histoire familiale, devient plus riche de sa différence. Les personnages, très nuancés, sont incarnés avec beaucoup de relief par trois comédiens remarquables. Quand le plaisir de raconter une histoire devient très contagieux…
La compagnie
Théâtre des Confesttis
Dès sa fondation, le Théâtre des Confettis a choisi de placer les enfants au centre de ses préoccupations : les enfants pour ce qu'ils suggèrent de subversion, de rêve et de poésie, de folie et de tendresse, pour ce qu'ils proposent d'ouverture et d'intimité, pour leurs rires et pour leurs larmes, pour leur regard neuf, curieux et vigilant. À chaque étape du parcours de création, l'enfance comme référence et comme rappel, sans condescendance ni complaisance.
De 1977 à aujourd’hui, de nombreuses tournées ont été réalisées en Amérique du Nord (Canada, États-Unis), en Amérique du Sud (Brésil), en Europe (Angleterre, France, Irlande, Suisse, Allemagne, Espagne) et en Asie (Hong Kong, Japon, Macao et Taïwan) ; des tournées au cours desquelles le Théâtre des Confettis a participé à plus d’une trentaine de festivals internationaux.
Section vidéo
Conseillère artistique : Hélène Blanchard et Judith Savard
Conception Christian Fontaine, Erica Schmitz, Jean-François Mallet et Luc Rondeau
Photo Louise Leblanc
Durée du spectacle : environ 55 minutes
Production Le Théâtre des Confettis (Québec) en collaboration avec le Théâtre Sortie de secours (Québec)
Dates antérieures (entre autres)
9 et 16 février 2014, 15h - les Gros Becs (Québec)
Coproduite à Québec par les Théâtres des Confettis et Sortie de Secours, la pièce Conte de la neige réchauffe le cœur et les esprits.
Créée aux Gros Becs en février 2014, l’histoire focalise sur les aventures du petit Octavio Casesnoves-Ruiz, le fils âgé de dix ans d’un immigrant espagnol. Il habite dans un appartement à Québec avec son père Joan, trop occupé à concevoir des histoires sur sa machine à écrire, et sa grand-mère paternelle qui veut lui transmettre la fierté de ses origines catalanes. Sa mère a quitté temporairement le logis pour s’occuper de son paternel malade en Espagne. Nous nous retrouvons durant la saison froide dans les années 1970. L’attachant Octavio rêve de patiner aussi brillamment que son héros Guy Lafleur. Il doit surtout apprendre à vivre entre deux cultures auprès de sa famille et de ses compagnons de classe, parfois turbulents.
Pendant près d’une heure, le public suit attentivement ces péripéties à la fois réalistes et poétiques. Car les tentatives d’intégration du protagoniste à un milieu hostile, ou trop insistant quant à sa différence, se caractérisent par leurs dimensions universelles et intemporelles. Certaines scènes sont savoureuses, notamment lorsque sa ridicule enseignante (rendue avec éclat par Agnès Zacharie) prend plaisir à le comparer à l’enfant à la «voix d’or», Joselito. Quand un espiègle Octavio échange l’un de ses jouets sans grande valeur marchande contre une carte de hockey du légendaire Maurice Richard, bien des petits garçons de différentes générations sauront se reconnaître. Souffre-douleur de la brute de sa classe, il saura tout de même susciter l’intérêt pour l’une de ses camarades. Par ailleurs, bien que l’action se déroule lors d’une période mouvementée politiquement et culturellement pour le Québec, seules quelques références bien choisies (comme l’écoute des vinyles en classe et une allusion à René Simard durant la période de L’Oiseau) la situent dans son contexte historique.
Conte de la neige constitue en quelque sorte la suite d’une autre production écrite également par le metteur en scène Philippe Soledevila, Conte de la lune. Cette dernière s’inspirait des nouvelles de l’auteur catalan Pedro Calders et traitait de l’enfance du père d’Octavio, Joan, durant la guerre civile espagnole (1936-1939). Son propos demeurait encore plus poignant et plus évocateur par ses métaphores poétiques et son vibrant plaidoyer sur le pouvoir de l’imagination contre la violence commise par les êtres humains. Heureusement, ce Conte de la neige ne souffre toutefois pas trop de la comparaison par rapport à son prédécesseur. Comme ce dernier, l’une de ses plus grandes forces se situe dans la justesse du traitement de l’identité, de l’exil et de l’intégration à une société différente. Parfois abordés avec moralisme ou mièvrerie dans des œuvres similaires, les enjeux s’avèrent ici réalistes et bien circonscrits, sans que l’auteur ait besoin de forcer le trait.
Par son plateau incliné, la scénographie de Luc Rondeau et d’Erica Schmitz permet au trio d’interprètes de se déplacer avec dynamisme d’un lieu à l’autre. Nous passons ainsi allègrement de l’appartement exigu à l’école peu accueillante, sans oublier les passages à l’extérieur, alors qu’Octavio apprivoise la neige et les intempéries de l’hiver québécois. L’approche dépouillée pour les décors, les accessoires et les costumes apporte une dimension artisanale et chaleureuse à l’ensemble.
La pièce est portée par une direction rigoureuse d’acteurs, signée Soldevila. Celui-ci avait également dirigé Christian Essiambre et Agnès Zacharie dans Conte de la lune. Dans le rôle principal, le comédien originaire de l’Acadie insuffle toute l’espièglerie, la tendresse et la détermination de ce garçon prêt à braver bien des épreuves pour intégrer son milieu. Il témoigne d’une grande crédibilité en jeune garçon avec sa moue boudeuse et son jeu très physique. Sa partenaire démontre également une grande sensibilité en grand-mère dévouée au bonheur de son petit-fils, dont elle espère qu’il saura perpétuer les traditions de ses ancêtres. Plongé dans ses fictions, le père au tempérament plus effacé est bien rendu par Hugues Frenette. Son échange avec son fils peu de temps avant le dénouement, après qu’il lui ait démontré une certaine indifférence depuis le début, se démarque comme l’un des moments forts du spectacle par sa sobriété et sa profondeur.
Pour petits et grands, ce Conte de la neige dépeint une leçon de courage et d’honneur face aux difficultés de l’existence.