Les enfants ne savent pas encore que certaines questions demeurent toujours sans réponses. Heureusement ! Leur champ d’exploration est infini. Toutes ces belles et grandes interrogations, aussi nombreuses que les étoiles, la jeune Estelle les lance en rafale au ciel, debout en pyjama sur son lit. Tant et si bien qu’elle finit par provoquer son propre big bang ! Les murs de sa chambre volent en éclats, et la voilà projetée dans une odyssée spectaculaire qui nous offre une illustration ludique et acrobatique de ses réflexions.
Le cirque, avec ses jongleries qui s’illuminent dans le noir, s’invite au théâtre pour nous propulser, en compagnie de la jeune Estelle, au coeur d’un périple fascinant. On pourrait dire que les questions, tout comme les voyages, forment la jeunesse et ouvrent bien des horizons.
Les compagnies
Nuages en pantalon - compagnie de création
Fondée en 2001 à Québec, Nuages en pantalon – compagnie de création rassemble, sous la direction artistique de Jean-Philippe Joubert, des artistes de différentes disciplines autour du corps des interprètes et de ses possibilités expressives afin de créer des spectacles originaux pour tous les publics d'aujourd'hui : jeunes ou adultes.
Cirque-Théâtre des bouts du monde
La compagnie Cirque-théâtre des bouts du monde a vu le jour en 2012. Les cofondateurs, Gaël Della Valle, Andréanne Joubert et Gabrielle Garant, proposent un cirque différent. Un cirque qui courtise le théâtre et qui privilégie la mixité des genres artistiques ainsi que les partenariats avec des artistes de différents horizons.
Section vidéo
Espace, costumes et accessoires : Claudia Gendreau
Musique : Mathieu Campagna
Conception des éclairages et des projections : Jean-Philippe Joubert
Conception des appareils de cirque lumineux : Gaël Della Valle
Assistance à la création : Caroline Martin
Assistant technique: Marc Doucet
Crédit photo : Claudia Gendreau
Durée du spectacle : environ 60 minutes
Production Nuages en pantalon (Québec) en collaboration avec Cirque-théâtre des bouts du monde (Montréal)
Dates antérieures (entre autres)
2 et 9 novembre 2014 - Gros Becs
Autre critique disponible, lors du passage de la pièce aux Gros Becs de Québec
Avec Dans le noir, les yeux s’ouvrent, les compagnies Nuages en pantalon et Cirque-Théâtre des bouts du monde unissent les disciplines théâtrales et circassiennes. Le résultat s’avère assez agréable par ses enjeux philosophiques et ses acrobaties sportives.
Créée en 2014 sous la gouverne du metteur en scène Jean-Philippe Joubert, l’œuvre interdisciplinaire s’amorce alors qu’Estelle (Andréanne Joubert) s’apprête à dormir dans son lit. Elle aime regarder les étoiles dans le ciel par la minuscule fenêtre de sa chambre. Une multitude de questions cogite dans sa tête. Soudain, les murs de sa chambre s’envolent, comme par magie. Entre quelques scènes parlées et une succession de séquences plus athlétiques les unes que les autres, Estelle se retrouve projetée dans un monde noir, telle une métaphore de ses doutes et de ses peurs. Fort heureusement, des créatures parfois étranges, mais surtout très sympathiques, ainsi qu’une lumière déclinée sous différentes couleurs, lui apporteront une aide inestimable dans sa quête personnelle.
Dans un répertoire qui vogue sans difficulté entre le jeune public et les adultes, la compagnie Nuages en pantalon avait précédemment séjourné dans la métropole. Elle avait proposé une magnifique création empreinte de poésie, il y a une dizaine d’années à la salle Fred-Barry, Satie, agacerie en tête de bois. Celle-ci s’inspirait, avec une grande virtuosité, de la vie et du travail du compositeur des Gymnopédies. Au théâtre de la rue Ontario, les adolescents ont pu voir Si tu veux être mon amie, qui a reçu également des critiques fortes élogieuses. Malgré des traitements scéniques diamétralement opposés, nous percevons dans Satie ou Dans le noir, les yeux s’ouvrent, une grande sensibilité pour les corps des artistes-performeurs.
Dans le noir… s’amorce alors que la gamine semble confinée dans un espace aussi restreint qu’une petite maison de poupée. Le décor se caractérise alors par une jolie signature plus artisanale qui tranche avec son évolution, au fur et à mesure des péripéties. Certaines des séquences évoquent le Cirque du Soleil, dans sa meilleure période avec Franco Dragone (Saltimbanco, et plus particulièrement Quidam, qui baignait dans les mêmes teintes sombres). Parmi les passages les plus intéressants, mentionnons d’abord celui où la jeune fille semble voler dans les airs, alors que ses trois partenaires (Gaël Della Valle, Gabrielle Garant et Hugues Sarra-Bournet), tous vêtus de noir et presque invisibles, la soutiennent habilement. Par la suite, certaines parties de son corps peintes en blanc, dont les deux bras, se détachent et se promènent sur le plateau. S’ensuivent un numéro de roue Cyr, de la jonglerie, des pirouettes, des jeux d’équilibre sur une superposition de chaises, ou encore des sauts sur un trampoline géant, qui symbolise également le lit de la petite Estelle.
Les dimensions spectaculaires n’esquivent heureusement pas des segments plus poétiques. Avec une ingéniosité qui amuse beaucoup le public, le mobilier de la chambre se modifie en une forme d’insectes géants avec des pattes. Sur ses deux échasses, Gabrielle Garant pourrait sortir, sans difficulté, d’un film de Fellini avec sa longue robe rouge vaporeuse et son allure de funambule. Souvent dans l'anticipation des performances, la conception sonore de Mathieu Campagna comporte aussi d’agréables moments. Elle séduit, notamment, lors des extraits plus atmosphériques ou encore lors de l’audition de quelques notes d’accordéon. À un moment précis, les lumières se ferment complètement et nous entendons seulement la voix de l’héroïne. Des éclairages s’allument et s’éteignent, alors que nous cherchons une trace visible de cette dernière. L’effet atteint sa cible, tout comme la projection, sur les murs, d’ombres chinoises. La comédienne parvient, entre autres avec ses seules mains, à figurer le vol d’un oiseau. Par contre, les chaises enchevêtrées les unes sur les autres deviennent ici et ailleurs, au fil des années, une image redondante et trop souvent exploitée dans le théâtre pour le jeune public.
Si les yeux sont souvent émerveillés, les oreilles aimeraient certainement être comblées davantage. Après les premières minutes, la place du texte se réduit comme une peau de chagrin. De plus, les mots auraient gagné à occuper plus d’espace entre les tableaux qui s’enchaînent, sans véritable fil conducteur. Par ailleurs, les questionnements d’Estelle, aussi nombreux et pertinents soient-ils, manquent également de progression dramatique. Ils mériteraient une langue plus métaphorique pour dépasser les simples pointes interrogatives.
L’exécution de Dans le noir, les yeux s’ouvrent manque certes d’harmonie dans la réunion de ces composantes théâtrales et circassiennes, mais, en bout de piste, elle conquiert son auditoire.