Des histoires d’ours curieux, racontées avec fantaisie et tendresse, s’enchaînent pour parler avec bonheur des grandes questions de la vie avec les plus petits. D’où vient-on ? Où s’en va-t-on ? Ou, en langage d’ourson : « Comment on fait pour devenir un papa ours ? », « Est-ce que grand-papa est dans le ciel des ours ? » S’ensuivent des péripéties rocambolesques ponctuées de conseils abracadabrants prodigués aux ours par les animaux rencontrés au passage.
Le Teatro Gioco Vita, spécialiste européen de renommée internationale du théâtre d’ombres, nous offre un spectacle d’une remarquable délicatesse, tant par l’émotion transmise que par ses qualités artistiques. Deux comédiens complices, également manipulateurs de figurines et danseurs, oscillent joyeusement entre l’humain et l’animal pour mener à bon port ces histoires d’ours très attachants.
Se demander comment on fait des bébés ou s’ennuyer d’un proche qui nous a quittés sont deux situations remplies de mystère qui peuvent nous amener à scruter le ciel à la recherche de réponses. Au cours de leur périple initiatique, nos deux héros constateront que ce sont surtout les valeurs que l’on partage avec ceux qui nous aiment qui nous font avancer dans notre questionnement.
Silhouettes : Federica Ferrari et Nicoletta Garioni
Chorégraphie : Valerio Longo
Musique : Alessandro Nidi
Costumes : Tania Fedeli
Éclairages : Anna Adorno
Durée 50 minutes
Sera présenté à Québec les 13 et 20 novembre 2016
Une création du Teatro Gioco Vita
Pour amorcer sa présente saison, la Maison Théâtre réinvite une réputée compagnie italienne, le Teatro Gioco Vita. Leur précédent séjour avec la production Chien bleu en avait charmé plusieurs. En ce milieu d’automne, c’est une autre magnifique proposition scénique conçue en 2014, Le ciel des ours, qui séduit petits et grands.
Un demi-siècle après ses débuts dans les années 1970, le Teatro est désormais reconnu au niveau international, notamment pour son travail sur les jeux d’ombres. Il a collaboré, entre autres, avec les prestigieux Royal Opera House Covent Garden de Londres et Piccolo Teatro de Milan. Dans la continuité de Chien bleu, Le ciel des ours s’inspire également d’une matière littéraire, soit Un paradis pour Petit Ours de Dolf Verroen et Wolf Erlbuch. Pendant une cinquantaine de minutes, deux brillants artistes, Deniz Azhar Azari et Andrea Coppone, s’exécutent devant nous avec une souplesse physique singulière. De plus, ils racontent les aventures des protagonistes de leurs voix douces et chaleureuses, en plus de déplacer des éléments du décor, dont des cases rectangulaires comme des morceaux de casse-tête.
Œuvre traitant des liens intergénérationnelle, Le ciel des ours raconte l’histoire de deux de ces mammifères poilus qui cherchent chacun leur chemin. Le premier, adulte robuste, mais néanmoins sensible, rêve de devenir un père attentionné. Le second, tout petit, vit néanmoins un très gros chagrin à la suite du décès de son grand-père («vieux et fatigué») qu’il affectionnait particulièrement. Puisque leurs proches ne répondent pas à leurs profondes interrogations, les deux créatures se tournent vers le ciel. Tout au long de leur périple croisé, elles prennent conscience de leurs douleurs, afin de retrouver la joie et d’affronter les obstacles qui les empêchent d’évoluer dans le cycle des saisons de la vie.
La pièce s’amorce alors que les deux acteurs s’adressent directement aux spectateurs. Par la suite, le plateau est plongé dans de jolies couleurs claires-obscures, avec des échos de vert sur l’écran. Alors que l’ours adulte apparaît, nous voyons une tête en carton qui s’agite et le corps de l’acteur masculin qui reste visible. Contrairement à d’autres expériences de théâtre d’ombres, l’équipe ne se dissimule pas derrière aucun drap de scène. La magie opère tout autant, sinon plus dans cette absence de distance entre le public et les deux comédiens. Par exemple, lors d’une scène, Andrea Coppone se met à quatre pattes au sol et fait bouger des muscles de son dos et de son bassin. Sur la toile, ce mouvement devient les vagues d’une mer légèrement agitée. Par de tels moments d’une précision aussi minutieuse, Le ciel des ours expose une poésie universelle, baignant dans une musique atmosphérique d’Alessandro Nidi et les éclairages sublimes d’Anna Adorno.
Tout au long de leurs péripéties, les deux ours rencontreront divers animaux, autant les plus attachants que les plus féroces. Du renard aux intentions d’abord malignes face à l’ourson, en passant par la girafe curieuse, chacun d’eux apporte des teintes distinctes à l’intrigue, sans tomber dans la caricature. Lors de l’échange entre le renard prédateur et le petit ours, la débrouillardise et le sens de la répartie de ce dernier lui évitent de se retrouver englouti au fond de la gorge de son interlocuteur roux.
La plus grande surprise demeure la maestria des créateurs à traiter de sujets épineux et parfois graves. En effet, de tels thèmes, comme le désir de fonder une famille avec une partenaire aimante et l’envie de mourir pour rejoindre un proche qui nous manque terriblement, n’explorent pas tout à fait des réalités légères. Pourtant, ces dilemmes vécus par les personnages d’un adulte et d’un enfant sont exploités avec intelligence et une candeur qui ne tombe jamais dans l'infantilisation. Quand l’ourson demande aux êtres croisés sur sa route de le «manger tout rond» pour qu’il puisse rejoindre son grand-père, sa volonté altruiste amuse et émeut tout à la fois.
Vers la fin de la représentation, tout juste après des applaudissements nourris, Deniz Azhar Azari et Andrea Coppone reviennent pour un bref rappel. Comme deux gymnastes expérimentés, ils s’amusent dans un numéro de main à main. Par son ingéniosité et sa tendresse palpable jusqu’à la tombée du rideau, Le ciel des ours du Teatro Gioco Vita apporte de la grandeur et de la beauté à un monde qui en a bien besoin.