DE L'HORLOGERIE THÉÂTRALE
L’intrigue soutenue du spectacle, sans aucun temps mort et avec ses moments cocasses et légers, évite toute dramatisation inutile. Cette œuvre se grave profondément en nous grâce à la magie de ses images et à ses courtes scènes remarquablement jouées, ponctuées de musiques, de voix d’enfants et de bruits de la nature. Les mouvements précis comme des rouages d’horlogerie de toutes les composantes du spectacle font naître beaucoup d’émotions.L’histoire racontée en cache une autre. C’est parce que le texte du spectacle est métaphorique et symbolique, qu’il porte un autre sens caché derrière les mots. On peut imaginer plus que ce qu’on nous dit. Chaque spectateur comprendra donc, selon sa sensibilité, son expérience et son âge, une histoire différente, qui fera écho à sa réalité. Les grands textes ont souvent ce pouvoir, leur sens se démultiplie à l’intérieur de chacun.
Texte Philippe Dorin
Mise en scène Éric Jean
Interprétation Louise Laprade, Marie-Pier Labrecque et Michel-Maxime Legault
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène : Chloé Ekker
Scénographie et costumes : Geneviève Lizotte
Coiffures et maquillages : Sylvie Rolland Provost
Musique : Laurier Rajotte
Environnement sonore : Olivier Gaudet-Savard
Éclairages : Martin Sirois
Direction technique : Louis Héon
Direction de production : Caroline Ferland
TARIFS |
Spectacles |
Spectacles intimes* |
À LA CARTE (à partir du 5 juin 2017) | 17,00 $ | 20,00 $ |
Abonnement 2 spectacles | 15,00 $ | 18,00 $ |
Abonnement 3 spectacles et + | 13,00 $ | 18,00 $ |
Tarif par personne par spectacle. Taxes en sus.
Frais d’administration inclus. Frais de 2 $ pour envoi des billets par la poste.
*Les spectacles intimes, parce qu’ils sont présentés devant un petit nombre de spectateurs installés sur la scène, vous font vivre une expérience de proximité avec les artistes. Places limitées.
Durée 45 minutes
Production Les Deux Mondes
critique publiée en 2016
Devant une grande porte se tient une blondinette aux souliers et veston rouge. Elle nous fait visiter sa maison imaginaire, qui vient remplacer petit à petit celle bien réelle, puis décrit le paysage fantasmé qu’elle peut apercevoir par la fenêtre : la mer, non. La montagne, non. Le désert... Un pré, avec un berger et des moutons. Le temps de fermer les yeux, elle se retrouve au crépuscule de sa vie. Ses cheveux blancs ne la trompent pas, pourtant elle ne comprend pas comment elle a pu vieillir si vite. Un passant lui annonce alors qu’elle doit mourir. Quand, demande-t-elle. Quand je le dirai. Et tu le diras quand ? Maintenant.
Largement inspiré du conte La petite fille aux allumettes, Dans ma maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu est un texte profond et fort qui aborde avec doigté et une intelligente légèreté la vie, l'amour, l’insécurité, le vieillissement, la mort. Sommes-nous à l’intérieur d’une petite fille qui se transpose dans le corps d’une vieille femme, réagissant pour la première fois à l’idée de la mort, ou rencontrons-nous une dame d’âge mûr, qui, devant l’inévitable, revisite cet enfant en elle, qui ne l’a jamais quitté, pour la rassurer une dernière fois ? Chaque spectateur aura assurément une réponse différente à cette question, et elles seront aussi valables les unes que les autres.
« Tous les enfants sont à l’intérieur d’une vieille personne, mais ils ne le savent pas encore » est une phrase du Français Philippe Dorin, l’auteur de la pièce, qui revient à deux reprises lors de la représentation. Éric Jean, qui dirige cette version québécoise signée Les Deux Mondes – Les Gros Becs a déjà accueilli dans le passé la création originale française de la compagnie Pour ainsi dire, dont en 2005 – transpose cette pensée à la mise en scène, jouant avec ses multiples possibilités. Il dynamise aussi les nombreuses scènes qui étaient, à l’origine, très lentes et cérébrales, notamment grâce à un dispositif scénique tournant sur lui-même, comportant un toit, une porte, un plancher surélevé faisant office de corridor et une fenêtre, qui vient fermer ce dernier. Fragmenté, sans linéarité, ni dans le temps, ni dans l’espace, le récit évoque davantage qu’il ne raconte : ce sont des pensées fugaces, enfantines, débutant par Allume! et se terminant toutes par Éteint!, se balançant entre le jeu et la crainte de constater la disparition de l’autre ou d’être oublié. Les personnages – jeune, vieille, passant – se juxtaposent, échangent parfois leur place et leurs paroles.
Que ce soit dans le nom des deux femmes, Emma et Aimée (« le même mot, c’est le temps qui change »), lors d'une histoire sur la création de la lune et des étoiles ou encore au coeur de quelques dialogues entre les deux personnages, une certaine poésie émane de ce spectacle beau, mais absolument étrange et atypique, assez éloigné des propositions jeunesse habituelles. Marie-Pier Labrecque et Louise Laprade jouent superbement les deux facettes de cette femme-enfant. Michel-Maxime Legault, en passant anonyme, est tout aussi distant qu’omniprésent. Son interprétation de la Faucheuse (ou du moins son messager) intrigue. La trop grande rapidité du débit de sa voix, à plusieurs moments, transmet une curieuse jovialité qui, d’un côté, fait légèrement décrocher, de l’autre, vient annihiler l’angoisse qui pourrait se dégager du spectacle alors qu’elle aborde directement la mort. D’ailleurs, la vieille femme, tout au long du spectacle, semble sereine devant cette annonce qui lui est faite, concluant même la représentation avec « j’aurai tout vu » : une piste de réflexion fort intéressante qui occasionnera, espérons-le, de nombreuses discussions entre enfants et parents (ou même, encore mieux, grands-parents).
Dates antérieures (entre autres)
Coups de théâtre 2014
20 mars 2016 - Les Gros Becs