UN SPECTACLE AUDACIEUX ET MARQUANT
Fort de son succès lors de son passage au Edinburgh Festival Fringe (2016) et au National Theatre de Londres (2017), Nous/Eux fait la démonstration qu’un sujet aussi dramatique qu’un attentat terroriste peut être traité avec un certain degré de légèreté et d’humour, sans pour autant amoindrir la gravité du propos. Un exploit audacieux que les deux comédiens relèvent de façon remarquable. Leur jeu très physique est tout en nuances et nous amène avec émotion au cœur même du drame, tel qu’il a été vécu et compris par deux jeunes.Le point de départ de ce spectacle est la prise d’otages qui a eu lieu dans une école de Russie en septembre 2004. Ce qui a donné envie à l’auteure et metteure en scène de créer Nous/Eux, c’est la réaction des enfants, en particulier celle de son fils de neuf ans, devant ces faits terrifiants. Les jeunes ont un regard différent de celui des adultes, et BRONKS souhaite parler des choses graves de la vie, mais toujours du point de vue de l’enfant.
Texte et mise en scène Carly Wijs
Interprétation Gytha Parmentier et Roman Van Houtven
Crédits supplémentaires et autres informations
Créé avec : Thomas Vantuycom
Dramaturgie : Mieke Versyp
Scénographie : Stef Stessel
Lumière : Thomas Clause
Son : Peter Brughmans
TARIFS |
Spectacles |
Spectacles intimes* |
À LA CARTE (à partir du 5 juin 2017) | 17,00 $ | 20,00 $ |
Abonnement 2 spectacles | 15,00 $ | 18,00 $ |
Abonnement 3 spectacles et + | 13,00 $ | 18,00 $ |
Tarif par personne par spectacle. Taxes en sus.
Frais d’administration inclus. Frais de 2 $ pour envoi des billets par la poste.
*Les spectacles intimes, parce qu’ils sont présentés devant un petit nombre de spectateurs installés sur la scène, vous font vivre une expérience de proximité avec les artistes. Places limitées.
Durée 60 minutes
Production BRONKS (Belgique)
Peut-on traiter de tous les sujets au théâtre, et plus précisément auprès du jeune public? Et de quelles manières? À la Maison Théâtre, la compagnie belge BRONKS tente le pari audacieux d’aborder la réalité d’un attentat terroriste dans NOUS/EUX, un spectacle écrit et orchestré par Carly Wijs. À la sortie, les impressions demeurent fulgurantes, accentuées par un traitement scénique dépouillé d’artifices distrayants.
D’une durée avoisinant une heure, la pièce s’inspire d’une réelle prise d’otage qui a eu lieu dans une école de Brelan (ville située dans la République d’Ossétie du Nord en Russie) en septembre 2004. Les deux jeunes de l’histoire portent un regard lucide, mais se permettent aussi de l’humour et des faits cocasses. C’est le fils de neuf ans de la metteure en scène qui a servi d’inspiration à cette production reçue à bras ouverts depuis sa création en 2014, notamment au National Theatre de Londres et au Festival Méli’Môme à Reims en France l’année dernière.
Dans ce théâtre bruxellois où s’illustrent les deux interprètes Gytha Parmentier et Roman Van Houtven (danseur de formation), la scénographie de Stef Stessel se distingue durant les premières minutes par son traitement épuré, pour petit à petit, récréer parfaitement un climat d’étouffement et d’enfermement. La pièce s’amorce alors que les deux jeunes surgissent sur la scène. À l’arrière, nous voyons un bouquet de ballons foncés. Une fille et un garçon dessinent sur le sol à la craie le plan de l’école. D’abord sages, leurs mouvements deviennent de plus en plus saccadés, notamment lorsque le garçon lève rapidement pendant quelques secondes la jambe de sa partenaire pour la replacer immédiatement. La fébrilité grimpe de quelques crans, malgré le ton souvent joyeux, entre autres avec une anecdote sur le métier de pompier d’un de leurs camarades de classe. L’évocation de la catastrophe et les phrases dites sur un ton badin s’entremêlent. L’auditoire rigole à diverses reprises, entre autres lors d’une allusion à « des saucisses mêlées à du pipi », quand Roman Van Houtven écrit l’adjectif « exigeant » avec des erreurs d’orthographe, ou encore quand sa camarade se permet quelques déhanchements de danse du ventre lorsqu’elle tente de retirer sa jupe.
Par la suite, l’enchevêtrement des nombreux fils blancs sur le plateau donne la sensation que les deux protagonistes se retrouvent prisonniers d’une toile d’araignée. Pourtant, le tandem s’amuse à glisser entre les espaces. Sur le mur du fond, les personnages écrivent à la craie comme sur un tableau d’école le nombre d’élèves et de professeurs détenus (1140) et le nombre de preneurs d’otage (35) avant de tracer une ligne de démarcation entre les mots Nous et Eux (d’où le titre). Des pas de danse contemporaine apportent une tension supplémentaire, notamment lorsque Gytha Parmentier se jette à répétition au sol pour symboliser les bombes qui tombent et tuent des innocents. La musique évoque différentes atmosphères, parfois le vacarme, mais aussi la douceur avec le Nocturne opus 9 no.2 de Frédéric Chopin (dont le nom est également mentionné vers la fin de la représentation).
Or, curieusement, c’est dans un moment de silence et de retenue que la violence se déploie dans ses dimensions le plus douloureuses. Les deux interprètes cessent de parler, apeurés, et lèvent ensemble leur main lentement comme un signe de résignation. L’effet ne laisse pas indifférent. Un peu plus tard, les ballons, qui représentaient au départ des retrouvailles et des célébrations d’enfants, sont crevés avec une énergie guerrière, soulignant avec une poésie sombre la fin de l’innocence et des illusions.
Quand les lumières s’éteignent et qu’émerge un nuage de fumée, nuage qui se propage dans de nombreuses rangées de la salle, l’attaque cesse d’être une abstraction. Et lorsque le noir cesse, de superbes éclairages, comme des rayons de soleil, suscitent l’émerveillement, tout comme la tendresse et la solidarité entre les deux artistes, en symbiose dans leurs gestuelles et leurs répliques souvent lancées en chœur.
Dans le programme, le directeur général de la Maison Théâtre Alain Grégoire explique que lors de la présentation de la pièce Le Bruit des os qui craquent de Suzanne Lebeau en 2010 : « plusieurs enfants nous ont dit qu’ils se sentaient fiers qu’on leur parle du sort que subissent leurs semblables du bout du monde ». Petits et grands ont certainement ressenti une fierté similaire devant la présence d’une œuvre comme Nous/Eux qui nous plonge dans la terreur pour mieux nous parler d’espoir.