Du 1er au 26 avril 2008 (salle intime)
Supplémentaires du 29 avril au 3 mai 2008
Macbett
Texte : Eugène Ionesco
Mise en scène : Renaud Paradis, Serge Mandeville
Avec Serge Mandeville, François-Xavier Dufour, Stéfan Perreault, Marie-Ève Bertrand, Olivier Morin, David Laurin
Jouée à guichets fermés l’an dernier, MacbeTT est de retour! Une histoire d’ambition et de corruption. Après que les sorcières lui ont prédit qu’il allait devenir roi, MacbeTT tue le roi Duncan ainsi que son complice Banco et prend le trône. Il s’apercevra en bout de ligne que le destin s’est joué de lui. Furieusement comique et efficace, ce texte est considéré comme la plus noire et la plus drôle des comédies de Ionesco.
PÉRIODE PREMIÈRES
Toutes les représentations
régulier 21 $
carte premières 10,50 $
Une production Absolu Théâtre
Théâtre Prospero
1371, rue Ontario Est
Billetterie : 514-526-6582
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Dates antérieures
Du 20 février au 17 mars 2007, 20h15 - Prospero
par David Lefebvre
Ce sont les événements qui règnent sur l'homme...
- MacbeTT
«[...] Le comique étant l'intuition de l'absurde, il me semble plus désespérant que le tragique. Le comique n'offre pas d'issue.»
Eugène Ionesco, Notes et contre-notes
Eugène Ionesco, ce maître de l'absurde comme on le surnomme parfois, n'a pas connu la gloire immédiatement, malgré la notoriété qu'on lui connaît aujourd'hui partout à travers le monde. La création de l'une de ses premières pièces, La cantatrice chauve, en 1950, est accueillie froidement et déroute les critiques plutôt conservateurs de l'époque. Les spectacles s'enchaînent : Les chaises, Victimes du devoir, Amédée ou Comment s'en débarrasser mais les bancs des théâtre restent vides. Pourtant, un petit public se forme, qui acclame l'homme pour son humour né de l'absurde et son avant-gardisme dans l'absence d'intrigue, son «langage dégradé» et ses nombreux non-sens. C'est grâce à Rhinocéros, mis en scène par Jean-Louis Barrault en 1960, que Ionesco connaît enfin la consécration. Notons quand même quelques autres titres importants à son répertoire : Tueurs sans gages, Le Roi se meurt, La soif et la faim et Jeux de massacre, tous écrits entre 1959 et 1970 - l'année où il est admis à l'Académie française. C'est en 1972 que l'auteur s'attaque à la satire d'une des plus grandes oeuvres de Shakespeare, MacbeTT. Pouvoir, ambition, vengeance, fatalité, mais surtout absurdité et non-sens du monde, absurdité des relations humaines et de l'ambition outre-mesure et absurdité de l'existence qui ne tient souvent qu'à un fil.
La mise en scène de Renaud Paradis, aidé par Serge Mandeville, est énergique, dénonciatrice et joue beaucoup avec le potentiel comique qu'offre la pièce, avec un peu d'imagination. Par exemple, les deux T du nom du personnage principal sont prononcés, ce qui donne sensiblement Macbet-te-te - déjà on ne peut s'empêcher de rire. Très moderne et très politique internationale, on décèle rapidement ce qui a pu inspirer l'équipe d'Absolu Théâtre : les États-Unis, Guantanamo, l'Irak, l'Afghanistan... On y ajoute même quelques clins d'oeil publicitaires et télévisuels forts efficaces qui accentuent l'adaptation de cette pièce d'Ionesco - une conférence de presse, un bulletin de nouvelles, une parodie d'une émission matinale de Radio-Canada ou l'explication d'une des intrigues du spectacle, un peu à la manière du théâtre de marionnettes Foufoune et Patachou de Marc Labrèche. Les différents comédiens, au talent indéniable, passant, en une réplique, du comique au tragique, et vice versa, dégagent une énergie folle. Marie-Ève Bertrand, qui joue Lady Duncan, Lady MacbeTT et la première sorcière, réussit à être tour à tour solennelle, impitoyable, charmante, séductrice, victime. Sa magnifique voix basse se transforme facilement en un son grinçant et aigu pour incarner une sorcière de contes de fée. François-Xavier Dufour (Banco) et Serge Mandeville (MacbeTT) performent individuellement mais forment aussi un excellent duo. Comme le texte est formé de plusieurs répétitions de monologues, ils réussissent à garder la même forme en glissant quelques traits de caractère typiques à leurs personnages respectifs. Olivier Morin incarne bon nombre de personnages, dont Glamiss, ainsi que le fait David Laurin (Candor, entre autres). Le roi Duncan est ici l'antithèse de ce que Shakespeare a pu imaginer : fourbe, peureux, avare, égoïste, un tantinet gay, il est magnifiquement interprété par Stéfan Perreault. La gestuelle de chacun est étudiée, pratiquée, éprouvée. Sans tomber dans le burlesque total, la caricature grotesque ou encore la comédia, elle est souvent la cause des rires du public. Parlant de celui-ci, il n'est pas en reste : dès le départ, il est convié à répéter le rôle du peuple, à scander des paroles (Vive MacbeTT!) ou à applaudir. Mis à part l'intégration de la petite foule du Prospero au processus créatif du spectacle, cet exercice (qui aurait pu être davantage poussé, surtout à la fin du spectacle) est aussi une dénonciation de l'inertie des gens qui finalement agissent comme la majorité et ne se questionnent pas.
La troupe compose admirablement bien avec l'exiguïté de la salle. On se change sur scène ou derrière des rideaux translucides, en arrière-scène, qui sont très bien utilisés tout au long de la pièce. Les éclairages orangés et bleutés de Mélanie Fortier, sont tantôt englobants, tantôt spécifiques. On crée avec peu de moyen une tempête de tous les diables, des effets simples mais efficaces de spectres ou de sensation de guerre... La bande son de Josianne Laberge joue un rôle particulier : son sens tragique, avec les emportées lyriques, pousse le ton dramatique vers l'absurde - à l'image de tout le spectacle. Carol Éveno s'occupe des décors (qui se résument par les rideaux rapportés précédemment), des costumes (modernes et bien choisis) et des accessoires, qui ressemblent à ce que la troupe française Théâtre 13 avait employés lors de leur création de Macbett, à Paris, en 2005, soit des tables basses et des chaises rouges qui dépassent le rôle de leur fonction originale.
La deuxième partie, qui assume plus concrètement son côté comico-absurde, est légèrement plus intéressante que la première. Une scène en particulier vaut le coup d'oeil, car on y retrouve tous les styles de la pièce, soit celle du dîner de la rébellion, mettant en scène MacbeTT et Banco qui désirent s'approprier le pouvoir. Elle se passe dans un restaurant ; les deux compères reprennent mot pour mot le discours des gens contre qui ils ont combattus, en début de spectacle, pour protéger et servir l'Archiduc. Le comique et le tragique se croisent et l'absurde fait son apparition quand le serveur doit improviser une fenêtre, lorsque Banco se lève pour y jeter un coup d'oeil. Ces quelques moment provoquent le rire sans condition.
Grâce à la performance de tous les acteurs, aux différentes idées ajoutées au spectacle et à une mise en scène soignée et bien orchestrée, qui s'éloigne de la tragédie élisabéthaine pour embrasser un humour et des dénonciations actuelles, personnelles et engagées, MacbeTT plaît à coup sûr et nous fait passer un moment très agréable et amusant.
24-02-2007