Texte et mise en scène de Serge Mandeville
Avec Monia Chokri, Caroline
Tanguay, François-Xavier
Dufour et Alexis Lefebvre.
S’inspirant de ses origines égyptiennes, l’auteur traite
de la quête d’identité, de la
recherche de soi et la pièce
trouve sa structure dans le
mythe d’Osiris.
Carte Prem1ère
Régulier : 21$
Abonnés : 10,50$
Dates Prem1ères : du 21 au 27 octobre 2008
Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582
par Mélanie Viau
Olivier revient d’un long voyage sur les terres lointaines d’Alexandrie, terres de ces origines. Un retour bien morne pour le jeune homme habité par l’imagerie de ces royaumes ancestraux puisqu’ici, à Montréal, sa Têta n’est plus. À qui raconter maintenant ces histoires fondatrices de son identité ? À son frère aîné, cet enseignant chargé de cours à l’Université du Québec pour qui l’Histoire se raconte en faits vérifiables, pour qui la mythologie égyptienne n’a d’attraits que ses symboles sexuels ? À cette fille, Alice, mystérieusement apparue dans ses bras alors qu’en elle germe toujours la présence de cet autre qui a le même sang qu’Olivier ? Ses histoires, Olivier peut bien les raconter à qui veut les entendre, car il sait bien que la voix de sa grand-mère ne s’est pas tu, qu’elle est encore là, tout près, pour lui rappeler d’où il vient et où le destin doit le mener. Après tout, il détient la Boîte à musique renfermant les secrets gardés du fond de l’Égypte ancienne …
D’une richesse sans pareil, la pièce Ailleurs de l’auteur-metteur-en-scène-et-comédien Serge Mandeville nous fait traverser le temps en déplaçant les mythes et en les condensant sur notre Amérique, terre natale et terre d’accueil. Ce qu’il met sur papier, c’est l’Histoire des conquêtes et des vengeances, celle des dieux-rois, des Palestiniens, des Israéliens, des Montréalais, l’histoire des idéologies militantes, des fantasmes de séduction, des querelles familiales douces et amères. Après douze ans de gestation créatrice et un périple d’écriture en Égypte offert par le CEAD, Mandeville a réussi à produire une œuvre dont chaque morceau, chaque pièce de document, chaque mot portent l’héritage de cinq mille ans d’histoires à transmettre sur la scène. Et c’est en 2003, au cœur du Plateau Mont-Royal, que ces images s’activent à l’intérieur de personnages fictifs qui nous ressemblent, des personnages aux figures mythiques, des Osiris, des Isis, des Seth, des Horus. Un récit qui transcende la réalité quotidienne pour l’éclairer, pour ouvrir ce qui, en elle, est de l’ordre du sacré.
La mise en scène se joue en mode minimal dans un décor fait de boîtes en carton-pâte. Ici et là, des tablettes où trônent des reliques et des objets cultes, une table de travail, deux chaises. La simplicité de l’espace et la parfaite maîtrise des conventions théâtrales donnent une unité sans failles au récit construit en ellipses. Le rythme, étudié avec soin, nous entraîne dans l’action et nous tient en alerte jusqu’au point limite de la tension. Et quelle performance de la part des acteurs ! Revêtant leurs personnages comme une seconde peau, Benoît Drouin-Germain, Véronique Marchand, Monia Chokri et François-Xavier Dufour (retenez bien leur nom) font preuve d’un immense talent, jouant de la technique et du plaisir du jeu pour nous présenter des scènes très fortes en émotion sans user d’effets de grandeur. L’œuvre leur appartient dans ses moindres nuances et on y réagit, au gré du mouvement.
Ailleurs est, sans contredire, un véritable bijou de théâtre offert à un large public. Les références à l’Histoire nous donnent envie d’aller voir plus loin, d’en connaître plus sur le sujet, de plonger dans les images évoquées. Un immense bravo à Absolu Théâtre qui poursuivra son voyage de saison avec des textes de Beckett, Ionesco et Shakespeare. On y sera !