Du 20 janvier au 14 février 2009
Retour à l'accueil Imprimer cette page Archives Accueil Facebook del.icio.us

Coeur de chien

D’après le roman de Mikhaïl Boulgakov
Conception et mise en scène Gregory Hlady
Adaptation Téo Spychalski
Avec Paul Ahmarani, Annie Berthiaume, Denis Gravereaux, Frédéric Lavallée, Sergiy Marchenko, Sacha Samar, Nadia Vislykh.

Les années 20 du XXe siècle, à Moscou, au lendemain de la révolution communiste où tout semble permis et même radieux. C’est là - mais pas seulement là - qu’on pensait pouvoir créer la société nouvelle et l’homme nouveau. Le professeur Preobrajenskij, un bon vivant de l’ancienne classe bourgeoise, médecin, sommité mondiale, effectue déjà des greffes d’organes dans le but de rajeunissement et de renforcement sexuel. Tout ça demeure encore anodin. Mais qui plus est, le professeur a l’ambition d’effectuer des transferts entre les espèces, entre l’animal et l’humain.

Il recueille alors un chien errant tout à fait sympathique et somme toute, à sa façon, intelligent, auquel il greffe l’hypophyse d’un homme – un vagabond poignardé dans une bagarre. Et voilà, plus qu’un récit du
genre utopie médicale, le roman se présente au fond comme une tranchante satire politique. Car l’animal, chien sympathique et dégourdi, se transforme graduellement en un être humain abominable aux penchants douteux. L’«homme nouveau» de la révolution – ou le chien nouveau, pour ainsi dire – manifeste des préférences personnelles extrêmes et très vulgaires, peut-être politiquement conformes au totalitarisme en germe de l’époque, mais certainement pas à l’ancienne culture bourgeoise du professeur
Preobrajenskij et de son entourage.

Cette satire n’a jamais été pardonnée à Boulgakov par le pouvoir en place, Staline en personne et ses héritiers. Et même si Boulgakov a évité le peloton d’exécution - ce qui ne fut pas le cas d’Isaac Babel, de Meyerhold et bien d’autres - il fut soumis à des réprimandes, des harcèlements et ses oeuvres ne furent publiés en Russie que soixante ans plus tard et même – pour Coeur de chien - à la fin de XXe siècle.

Décor, lumières et costumes Vladimir Kovalchuk

Une production du Groupe de La Veillée

Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

par Aurélie Olivier

Pour sa 2e production de la saison 2008-2009, Le Groupe de la Veillée adapte pour la scène une nouvelle de l’auteur russe Mikhaïl Boulgakov, Cœur de chien, une fable fantastique écrite en 1925, et qui fut censurée par le régime stalinien en raison de son contenu clairement antibolchevique.

À Moscou, dans les années 1920, un chien errant mal en point est ramassé et ramené chez lui par un éminent scientifique, le Pr Philippe Philippovitch Transfigouratov (Denis Gravereaux). Outre le soigner et le nourrir, le chercheur a pour ambition de l’utiliser pour une expérience de son cru. Il greffe ainsi sur le cerveau du chien l’hypophyse et les testicules d’un voyou fraîchement décédé. Après quelques semaines, le chien commence à présenter certaines caractéristiques humaines : il perd ses poils, se met à parler et développe les traits de caractère du donateur d'organes : vulgarité, alcoolisme, fourberie, etc. Lorsque celui qui se fait désormais nommer citoyen Boubouloff (Paul Ahmarani) s’acoquine avec Schwonder (Sasha Samar), un membre du parti à la tête du comité d’administration de l’immeuble, ennemi personnel du professeur, celui-ci, tel Dr Frankenstein, réalise qu’il pourrait payer cher son expérience.

S’il y a dans ce texte une fervente dénonciation du totalitarisme et de l’homme nouveau que souhaitait faire naître la révolution bolchevique, on peut également y lire une mise en garde prémonitoire contre les dérives de la science, un sujet pour le moins d’actualité, si l’on pense aux débats d’ordre éthique qui entourent actuellement les recherches sur les cellules souches et autres organismes génétiquement modifiés.

Dans l’univers de Boulgakov, réalisme et surnaturel sont étroitement mêlés, inscrivant l’auteur dans la lignée de Gogol, Dostoïevski ou Kafka. C’est dans ce réalisme magique que le metteur en scène Gregory Hlady avait à cœur de faire pénétrer les spectateurs, afin de leur livrer ce qui se cache derrière les mots de Boulgakov. Malheureusement, l’utilisation excessive des symboles à caractère quasiment mystique nous donne plutôt l’impression désagréable d’assister à une cérémonie secrète dont le sens nous échappe.

L'adaptation de la nouvelle est le fait de Téo Spychalski, directeur artistique de La Veillée. On peut lui reprocher sa longueur exagérée et son côté brouillon, comme si, par souci de nous livrer toute la complexité de l’œuvre de Boulgakov, Spychalski avait répugné à faire des coupes salutaires. La première partie du spectacle, avant la métamorphose du chien Bouboule en être humain, est particulièrement déstructurée et le spectateur peine à en saisir l'enjeu. La mise en scène ajoute à la confusion avec son avalanche de chants, de bruitages, de personnages qui s’agitent en tout sens…

Il faut toutefois souligner que l’utilisation que fait le metteur en scène de l’espace est fort intéressante, avec quatre blocs escaliers placés au centre de la scène, entre lesquels et sur lesquels les comédiens vont et viennent en un ballet bien réglé, le tout au milieu d’un bric-à-brac évoquant la boutique d’un brocanteur.

Le principal intérêt du spectacle réside dans la remarquable performance de Paul Ahmarani, dans le rôle à la fois du chien Bouboule et du citoyen Boubouloff. Le comédien a su développer une gestuelle, des réactions et des gémissements tout à fait « canins », absolument fascinants à regarder.

26-01-2009

Retour à l'accueil