Textes de huit dramaturges et auteurs-compositeurs québécois dont
François Archambault
Michel Marc Bouchard
Catherine Léger
Pierre-Yves Lemieux
Richard Séguin
Jasmine Dubé (d’autres auteurs à venir)
Mise en scène Luce Pelletier
Distribution Catherine De Léan, Jean-François Nadeau, Benoît Rousseau, Marie-Hélène Thibault
Depuis 2006, le Théâtre de l’Opsis explore les États-Unis à travers les propos de ses auteurs dramatiques et de ses romanciers. Quatre ans plus tard, le Cycle états-unien se termine au Prospero. Après avoir laissé huit auteurs états-uniens, dont Adam Bock, Lisa D’Amour, William Faulkner, Clifford Odets et Paula Vogel, nous raconter leur pays, la parole est maintenant donnée à huit dramaturges et auteurs-compositeurs d’ici.
Un seul spectacle qui réunira des paroles multiples et variées, passant du rire aux larmes, tout en jetant un regard sur les États-Unis : plusieurs courts textes théâtraux et les chansons de trois auteurs compositeurs.
Les interprètes se partageront tous les rôles. Un spectacle pour confronter votre opinion sur ce pays voisin du nôtre. Une création festive pour terminer un cycle riche d’expériences diverses.
Une création du Théâtre de l'Opsis
Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582
par Olivier Dumas
Après les cycles Tchekhov et Oreste, le Théâtre de l’Opsis a voulu saisir l’âme des États-Unis à travers la parole de ses auteurs dramatiques et romanciers. Après avoir découvert ou redécouvert entre autres William Faulkner, Clifford Odets et Paula Vogel, Luce Pelletier a donné et a mis en scène la parole de huit artistes québécois, cinq dramaturges et trois auteurs-compositeurs afin qu’ils nous livrent leur vision personnelle du pays de Barack Obama. Le résultat s’avère souvent heureux avec ses moments où le rire côtoie certaines prises de conscience.
Les États-Unis vus par… est ainsi l’assemblage de cinq textes inédits de Michel-Marc Bouchard, Jasmine Dubé, François Archambault, Catherine Léger et Pierre-Yves Bernard, accompagné de trois chansons originales de Richard Séguin, Martin Léon et Émilie Proulx. Catherine de Léan, Marie-Hélène Thibault, Jean-François Nadeau et Benoit Rousseau chantent et incarnent différents personnages tout au long du spectacle.
L’initiative de Luce Pelletier aurait pu facilement donner l’impression d’un concept plutôt cérébral et idéologique. Heureusement, le talent de la metteure en scène permet d’éviter cet écueil par le choix de proposer les univers fragmentés plutôt qu’une succession classique de courtes pièces. Nous ressentons une volonté de sortir des ornières du théâtre linéaire par le télescopage des points de vue de dramaturges mis ici en parallèle. Par ailleurs, la disposition de la scène avec ses différentes aires de jeu rend la compréhension fluide alors que les comédiens gardent toujours les mêmes costumes.
Ce genre de spectacle aux allures de casse-tête peut toutefois entraîner des résultats inégaux, où certaines plumes se démarquant de celles moins réussies. Impression key of success de Michel-Marc Bouchard demeure sans contredit le récit le plus hilarant de la soirée. L’auteur des Muses Orphelines excelle dans son analyse d’une société québécoise engluée dans son obsession d’être les meilleurs et les plus performants au monde, souvent dans le déni de sa propre culture et de sa propre identité profonde. L’échange entre les deux comédiennes de générations différentes se révèle une brillante enfilade de répliques plus venimeuses les unes que les autres qui soulignent le talent comique d’un dramaturge plutôt reconnu pour la noirceur de ses tragédies contemporaines. Perdus, lost de Catherine Léger, dépeint un triste et lucide constat de l’ambivalente relation avec l’American way of life pour un Québec qui peine à s’assumer et à faire son indépendance. Cette auteure de la jeune génération possède déjà un style prometteur. Quant à Batman et les deux tours, François Archambault a concocté une histoire, certes, amusante, avec un soupçon de sarcasme sur la politique américaine et internationale, mais qui s’oublie rapidement malgré sa vision caustique du superhéros. Sirènes et gyrophares de Jasmine Dubé décrit avec sensibilité le destin d’une femme et mère prisonnière des mensonges de sa société que rend avec justesse Catherine de Léan. Texte au style redondant, Vox Pop de Pierre-Yves Lemieux fait un peu rire et grincer des dents par son portrait d’une bande d’Américains souvent hypocrite et obsédé par le sexe et l’argent sous des apparences puritaines.
Les trois chansons s’insèrent harmonieusement dans cette mosaïque. La composition la plus surprenante m’a paru être la parodie désopilante I’m a toy, I’m toy, un rap engagé de Martin Léon qui nous révèle une facette méconnue de son répertoire que l’on associe davantage à l’univers chansonnier. Inspirées, les pièces In God we trust de Richard Séguin et la touchante Les États d’Émilie Proulx s’inscrivent avec brio dans la continuité de leur univers folk.
Par sa diversité, ses prises de paroles et le dynamisme de la proposition de Luce Pelletier, Les États-Unis vus par… clôt en beauté un cycle qui nous a donné de bons moments théâtraux et fait entendre les voix d’un pays voisin toujours en ébullition.