De James McLure
Traduction Martin Plouffe
Mise en scène Sébastien Gauthier (pour Lone Star) et Bernard Lavoie (pour Private Wars)
Avec Patrick Beauchemin, Martin Plouffe, Christian E. Roy
Lone Star
Roy aime trois choses : son pays, sa femme, sa Thunderbird ‘59. Derrière le bar Angel, il se remémore les vieux souvenirs du temps où il était un héros local. Il boit sa Lone Star, discute avec son jeune frère et tente de se repositionner dans la société. Tout baigne pour lui sous les étoiles de Maynard, Texas, jusqu’au moment où arrive Cletis.
Private Wars
Trois soldats passent le plus clair de leur temps sur la terrasse extérieure d’un hôpital pour vétérans où ils soignent leurs blessures. Gately répare la radio, Silvio flashe les infirmières et Natwick écrit des lettres à sa mère. Trois gars diamétralement opposés qui finiront par se confier les uns aux autres. Au fil de leurs rencontres, nous découvrons leurs angoisses, leurs incertitudes et leur fragilité.
Deux pièces, un auteur, deux metteurs en scènes, trois comédiens, un spectacle. Le Théâtre du Chien mouillé présente sa première production, son périple américain… un programme double.
Assistance à la mise en scène, éclairages et régie Sylvain Letendre
Décor et costumes Camille Hébert-Boisclair
Date Premières : du 4 au 8 mai 2010
Régulier 21$
Abonné 10,50$
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Une production du Théâtre du Chien mouillé
Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582
par David Lefebvre
Avec le programme double Lone Star / Private Wars, le Théâtre du Chien Mouillé nous invite deux fois plutôt qu'une à découvrir l'écriture tragicomique de l'auteur américain contemporain James McLure. Ces deux courtes pièces, d'environ 50 minutes, ont déjà été présentées ensemble, à leur création en 1979-1980, jusqu'à ce que l'auteur accouche d'une version plus complète de Private Wars et écrive Laundry and Bourbon, proposant l'opposé féminin à Lone Star.
Lone Star raconte l'histoire de Roy, vétéran du Vietnam revenu depuis deux ans, qui se saoule tous les soirs derrière le roadhouse Angel, en criant à qui veut l’entendre qu'il a fait son temps. Avec son Thunderbird rose 1959, sa femme et ses souvenirs aigris, stigmatisé par la guerre et le monde qui lui échappe, il essaie tant bien que mal de retrouver ses repères. Il est rejoint par son frère Ray, homme simple d’esprit. Les bouteilles de Lone Star se suivent, les hommes se remémorent plusieurs coups, jusqu'à ce que Cletis "Skeeter", l'éternel nerd de la ville socialement et sexuellement déficient, qui a épousé la première fille qui n'a pas craché dessus, vienne les déranger. La terrible gaffe que Cletis veut confesser viendra provoquer l'explosion de certaines vérités cachées qui sommeillent en Ray.
Ce premier texte du programme double, dirigé par Sébastien Gauthier, explore le mâle alpha fragilisé par des blessures diverses, devenu imprévisible, au tempérament de désinvolture coupable. Même s'il est entouré des mêmes personnes, même s'il habite dans la ville qui l'a vu grandir, plus rien n'est pareil. La souffrance qui le perturbe le hantera toute sa vie, jusqu'à ce qu'il fasse la paix avec celle-ci et qu'il reparte sur de nouvelles bases, ce que Cletis et Ray pourraient bien, malgré tout, lui offrir. La mise en scène de Gauthier, à l'américaine, fait ressortir beaucoup l'arrogance et la violence du personnage principal. On flirte avec le stéréotype, mais la fiction est parfois un pas en arrière de la réalité.
Private Wars
Dans un hôpital militaire, trois soldats souffrant du syndrome de stress post-traumatique récupèrent tranquillement. Gately, cloué à son fauteuil roulant, tente de réparer une radio défectueuse. Il est tour à tour dérangé par Silvio, un soldat à moitié dingue qui s'amuse à "flasher" ses parties génitales mutilées aux infirmières et par Natwick, un homme plus réservé, cultivé, mais persécuté. Tous trois peuvent partir quand ils veulent, mais redoutent le monde extérieur.
Le travail de Bernard Lavoie à la mise en scène propose une approche différente de celle de Gauthier. Séparé en plusieurs courts tableaux, Private Wars s'avoue légèrement plus comique que Lone Star. Les points communs entre les deux textes sont nombreux : la souffrance humaine, la perte d'une partie de soi, la déconnexion avec la réalité quotidienne. Lone Star propose, en un sens, une métaphore du passage de l'adolescence à l'âge adulte, alors que Private Wars aborde la détresse des hommes atteints physiquement et mentalement. Si les thèmes du deuxième récit nous parlent davantage que le premier, c'est possiblement à cause des récentes guerres auxquelles les soldats canadiens participent et dont ils reviennent affectés, et ce, s’ils reviennent en vie.
Les comédiens Christian E. Roy, Patrick Beauchemin et Martin Plouffe ont la chance d’explorer des personnages assez éloignés, lors des deux pièces. Il est passionnant de voir le travail effectué, le changement d’attitude et la manière dont ils abordent leurs rôles. Confinés dans un petit espace scénique, bordélique pour la première pièce, plus épuré pour la seconde, ils ne donnent jamais l’impression d’enfermement, sauf en soi. Et c’est ce qui est le plus touchant : que ce soit Ray, Roy, Cletis, Gately, Silvio ou Natwick, tous sont aux prises avec un coin sombre, une souffrance sourde et un réconfort jamais atteint. Au final, rire est peut-être le remède le plus approprié.
Les textes de Lone Star / Private Wars ne déclenchent pas les passions ; heureusement, la qualité des mises en scène et du jeu des acteurs font de ce doublé une soirée théâtrale masculine très intéressante.