Du 15 septembre au 3 octobre 2009, salle intime
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La maman du petit soldat

De Gilles Granouillet
Mise en scène Odette Guimond
Avec Danny Carbonneau, Odette Guimond et Isabelle Leclerc

Un jeune soldat entre dans une maison. C’est sa première mission. Il doit trouver des hommes. Il n’en trouve pas. Il n’y a là qu’une mère et sa fille. « Where is the papa ? »

Ailleurs, une mère et sa fille font des cauchemars, rêvent qu’elles vivent une guerre. Dans le rêve de la mère, le fils revient pour l’interroger. « Qu’est-ce que je fais, maman ? »

En s’adressant au personnage central de la mère, la fille assure une narration qui met en lumière le personnage du fils, au sein d’une dramaturgie fondée sur le repliement du temps et de l’espace de l’action. « Moi je ne dis pas que c’est un cauchemar. Moi je dis que c’est vrai. Je pense vraiment que mon frère et le cauchemar de mon frère sont une seule chose. »

Percussions Yannick Parent
Éclairage et assistance à la mise en scène Jérémi Guilbault Asselin
Décor et costumes Geneviève Lizotte, Elen Ewing

Carte Premières
Date Premières : du 15 au 23 septembre 2009
Régulier 21$
Abonné 10,50$

Une production Réverbère théâtre
Texte publié chez Actes Sud, en 2007.

Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

par Mélanie Viau

Dans la nuit de vendredi à samedi, une explosion, suivi du cri des voisines. Dans la maison, une gamine, qui n’est pas tout à fait une gamine, appelle la mère, dormant à poings fermés. Un soldat entre, seul. Pourquoi ne pas avoir prévenu la mère de son retour ? Il est si jeune, si effrayé. Il est en opération. Il cherche des hommes dans la maison. Il ne sait quoi faire de la mère et la fille. Il ne comprend pas leur langage. Cette guerre ne lui appartient pas, mais sa mère devrait être fière de lui : il a trouvé un métier. Il s’est grandi pour faire ce qu’il devait faire. Pour la mère et la fille, le fils et le cauchemar du fils deviennent une seule et unique chose.

Présenté en première mondiale par Réverbère Théâtre, La maman du petit soldat de Gilles Granouillet, auteur français méconnu de ce côté-ci de l’Atlantique, porte un regard sur ces guerres contemporaines que l’on ne comprend pas toujours, ces guerres lointaines articulées en langage inconnu, pour les « ramener à la maison ». La fusion subtile des espaces-temps du rêve et d’une réalité perçue superficiellement par le filtre médiatique entraîne le spectateur dans un univers panique dont il ne peut décrocher facilement.

La mise en scène de Odette Guimond s’articule dans un air de jeu minimaliste, laissant aux corps des acteurs toute la charge dramatique. Et quelle charge dramatique ! L’intensité du jeu en scène happe littéralement les spectateurs de la salle intime du Prospero avec une force quasi surhumaine. Pour les trois interprètes, c’est l’état de grâce.

Odette Guimond offre une performance magistrale de cette mère désemparée face au chaos indescriptible d’une guerre qui a emporté son fils pour le lui ramener d’une bien étrange et cruelle façon. Nervosité, tremblotements et hystérie étouffée se traduisent par un contrôle inébranlable du corps de cette comédienne spécialiste en éducation somatique. La gamine, assurée par Isabelle Leclerc, est d’une justesse époustouflante, tant au niveau vocal que physique. Déjà, on sent chez la jeune femme une maturité d’actrice qui, sans aucun doute, lui assure déjà une prolifique carrière artistique. Danny Carbonneau campe un jeune homme de 20 ans excessivement troublant, oscillant entre la peur indescriptible d’accomplir d’ignobles tâches dont il ne connaît pas encore les raisons et la force brutale imposée à son « métier ». Ses délires psychotiques et ses élans de paranoïa soulèvent des enjeux devant lesquels le spectateur ne peut rester indifférent. Peut-on jouer la guerre en gardant en tête que tout cela reste inoffensif et loin de nous, comme nous le montre tous les médias d’information ?

L’environnement scénique, créé par Geneviève Lizotte et Elen Ewing demeure très sobre, jouant la carte du réaliste d’une demeure presque vide (à l’exception d’un fauteuil antique et d’une télé diffusant des captations apocalyptiques) où les murs, porte, plafond et corridor deviennent support à la modulation de l’éclairage de nuit jusqu’au petit matin. Percussionniste en scène, Yannick Parent enrichit l’ambiance de grondements sourds, de bruits secs, et même de vrombissements d’une cafetière électrique (et pourquoi pas y ajouter l’odeur du café ?). La cohérence de tous les éléments vient solidifier l’œuvre pour en faire un objet véritablement pertinent.

La maman du petit soldat fait partie de ces pièces nécessaires qui apportent un point de vue éclaircissant sur notre monde à l’heure où on le vit. À voir absolument.

19-09-2009

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