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Du 2 au 27 novembre 2010, salle intime
Premier amourPremier amour
Texte de Samuel Beckett
Mise en scène de Jean-Marie Papapietro
Avec Roch Aubert

Lorsque Jean-Marie Papapietro a choisi, il y a plusieurs mois déjà, ce texte de Beckett pour la salle intime du Prospero, il voulait le livrer sur le ton de la confidence. Faire en sorte que le spectateur assiste à l’écriture même du texte, comme s’il devenait complice de la jubilation éprouvée par l’auteur lui-même au moment où il renaissait dans cette langue nouvelle qui serait celle de toute son oeuvre à venir.

Transfiguré par sa rencontre avec un Beckett amoureux des mots et d'un infini drôlerie, Roch Aubert incarnera cet anonyme qui pourrait être un de ces exclus que la société rejette et qui nous raconte comment, au fil de ses errances, il a rencontré une certaine Lulu qui l’initie aux mystères de l’amour.

Avec la collaboration de Martin Sirois et Benoît Rolland

Du mardi au samedi à 20 h 15, le mercredi à 19 h 15

Une production du Théâtre de Fortune

Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

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 Critique
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par Sara Fauteux

Beckett n’était pas chaud à l’idée de voir Premier Amour porté à la scène. Il redoutait sans doute que l’incarnation du personnage lui enlève la distance que lui confère l’écriture.  Pour installer cette distanciation du personnage qui est au cœur de l’œuvre du dramaturge, il suggérait que le texte soit mis en scène de manière à ce que l’acteur n’interprète pas le personnage de l’histoire, mais plutôt un clochard qui, découvrant le manuscrit dans une poubelle ou sur un banc, en entame la lecture.

Comme Samy Frey, qui nous a présenté ce texte en septembre à L’Usine C, le metteur en scène Jean-Marie Papapietro et le comédien Roch Aubert n’ont pu résister à l’envie de se l’approprier malgré les réticences de l’auteur. Et ces deux metteurs en scène n’ont pas cédé aux craintes de Beckett et se sont mesurés à ce texte sans avoir recours au stratagème que proposait ce dernier. En effet, Aubert incarne ici le narrateur et comme Frey, relève le défi d’interpréter ce texte sans en atténuer la portée et la beauté littéraires.

Aubert est visiblement à l’aise dans son personnage un peu vagabond, l’air hagard, distrait, distant. Il maîtrise parfaitement la musicalité savoureuse de l’écriture, rythmée à coup de « dis-je » et « dit-elle » et adroitement teintée d’une lenteur calculée. Par une grande connaissance du texte qui laisse deviner un travail détaillé au niveau du sens,  il parvient à incarner cette fameuse distance, cette nonchalance face au monde qui l’entoure, inhérente à tous les personnages de Beckett. 
 
Dans ce cas-ci, il s’agit d’un homme qui, depuis la mort de son père, erre dans les cimetières, les parcs, sur les bancs. Loin de tout romantisme, Premier Amour raconte un amour qui naît d’un l’agacement. Et qui ne se transforme jamais en rien d’autre finalement. Pour le narrateur, la présence de l’être aimé, cette Lulu ou Loulou ou Anne, n’est salutaire que dans la mesure où elle lui permet de penser enfin à autre chose. Et plus tard, parce qu’elle le loge et le fait vivre.

L’écriture sobre et infiniment précise de Beckett ne permet aucun faux pas au metteur en scène. De surcroît, elle a le pouvoir de rendre le spectateur méfiant et scrupuleux devant tout geste, toute intention appliquée sur le texte plutôt qu’imposée par lui. Malheureusement, la mise en scène de Papapietro se ne laisse pas toujours oublier et malgré sa sobriété, on préférerait parfois que le comédien reste stagnant sur sa chaise plutôt que de chercher à meubler l’espace.

On pourrait en dire de même de la scénographie inspirée des lumières de Martin Sirois et de l’ambiance sonore créée par Benoît Rolland, qui viennent toutes deux extraire le spectateur de l’atmosphère dans laquelle il est plongé plutôt que l’y enfoncer plus profondément. L’éclairage qui agit directement sur le personnage est toutefois particulièrement réussi en apportant un aspect presque onirique à la scène.

05-11-2010

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