Le Théâtre Camera Obsura présente la première oeuvre d'un trypique consacré à la Lorca : Noces de sang. Par la main qui sait manier le couteau se joue le destin de deux familles liées par l’amour et le sang. Sur la terre souillée des crimes anciens, une mère laisse partir, contre son gré, son dernier fils vers des contrées lointaines pour y marier sa promise. Mais sous le soleil andalou, un autre homme, à la passion sauvage et au coeur furieux, galope sur un cheval fou vers cette même femme pourtant interdite. Dans les bois sombres, les deux hommes se rencontrent, guettés par des créatures surnaturelles qui déjà connaissent la fin sanglante de ce jour de noces. Ce qui, à l’origine, était un fait divers, devient sous la plume de Lorca une tragédie moderne des plus poétiques, une pièce centrale de son œuvre.
De retour au Prospero, après La chambre noire, présentée en 2003, le Théâtre Camera Obscura se consacre à la création de poèmes scéniques pluridisciplinaires basés sur le mouvement et l’image. Il présente un théâtre du corps ouvert sur le rêve. Un théâtre cherchant à entrer dans le territoire intime du spectateur en lui offrant une expérience sensitive unique. Un événement viscéral et puissant, alimenté par la parole d’auteurs contemporains dont les textes sont porteurs d’une vérité toute charnelle.
Concepteurs Sylvain Arsenault, Julie Emery et Josiane Fontaine-Zuchowski
Du mardi au samedi à 20 h, le mercredi à 19 h
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Une production Théâtre Camera Obscura
Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582
par Sara Fauteux
Noces de sang est une des plus célèbres pièces de Federico Garcia Lorca. Cet auteur espagnol, qui a vécu de 1898 à 1936, est moins connu au Québec. Pourtant, ses textes ont voyagé à travers le monde et ont été traduits dans plusieurs langues. Noces de sang fut créé en 1932 et s’inspire d’un fait divers survenu à Almeria, en 1928. Le matin d’une noce, alors que les invités attendent l’heure de la cérémonie, la fiancée est introuvable. À quelques kilomètres de la propriété, on retrouve le corps d’un homme, ensanglanté. La jeune femme avoue alors avoir tenté de s’enfuir avec celui-ci, qu’elle aimait véritablement.
Lorca s’inspire librement de cette anecdote pour écrire Noces de sang. Le Théâtre Camera Obscura a également pris quelques libertés en portant son texte à la scène. La pièce a fait l’objet d’une nouvelle traduction par l’auteure Amélie Hébert et la comédienne Eloisa Cervantes, qui interprète la fiancée. Dans une volonté de le moderniser, celles-ci ont travaillé à adapter la pièce de Lorca plutôt qu’à la traduire littéralement. Elles ont fait le choix de conserver certains passages en espagnol, en plus d’y intégrer un poème de l’auteur. De son côté, le metteur en scène Patrice Tremblay a choisi de situer l’action dans un espace indéfini, un non-lieu, et d’intégrer au spectacle plusieurs passages chorégraphiés.
L’amour interdit et passionnel qui lie la jeune fiancée à son ancien fiancé, Léonard, voue les personnages de Noces de sang à une existence tragique qui nous rappelle celle des personnages mythiques du théâtre. La mise en scène de Tremblay tente de mettre ce lien en évidence en intégrant un chœur au spectacle et en utilisant le mouvement dans des chorégraphies où le travail sur le corps évoque le rêve. Mais on se demande si la pièce de Lorca possède vraiment cette puissance tragique qui la porterait au-delà de l’anecdote. Ou peut-être est-ce seulement la mise en scène de Tremblay qui, en alternant entre onirisme et réalisme, atténue la portée du texte.
Effectivement, les passages où le mouvement des corps dans l’espace crée une ambiance onirique ne s’intègrent pas toujours de manière organique à l’ensemble du spectacle. Tous les acteurs ne sont pas aussi à l’aise les uns que les autres dans ce jeu physique et l’ensemble manque parfois de fluidité. De plus, la mise en scène oppose ces moments qui mettent en évidence la dimension charnelle et passionnelle de la pièce aux passages extrêmement concrets où le lieu abstrait qu’occupent les personnages est soudain transformé en un salon par quelques chaises et sofas que les acteurs déplacent eux-mêmes.
Le personnage de la mère, interprétée par Louise Laprade, est certainement le plus intéressant. Actrice chevronnée, Laprade nous offre ici une interprétation puissante et maîtrisée d’une mère brisée, condamnée au silence, refusant de se laisser porter la vie et préférant vivre dans la douleur et le souvenir de ses morts. Le personnage de Léonard est interprété avec justesse par Frédéric Cloutier qui réussit à porter la puissance sensuelle et violente du personnage à son extrême. Le couple formé par Cervantes et Mathieu Lepage est cependant un peu moins solide. Ils évoluent moins bien dans l’aspect physique de la mise en scène et l’on regrette qu’ils ne parviennent pas toujours à nous transmettre l’intensité de l’émotion qui habite ces personnages centraux.
Aux éclairages, Josiane Fontaine-Zuchowski a su créer des ambiances scéniques magnifiques qui accompagnent parfaitement bien l’action se déroulant sur scène. Le travail effectué au niveau sonore par Sylvain Arsenault est également réussi, mais trop omniprésent pour ne pas déranger le spectateur et diminuer l’effet recherché.
Cette adaptation de Noces de Sang est la sixième production du Théâtre Camera Obscura et la première pièce d’un projet de triptyque autour du dramaturge espagnol, que la compagnie se propose d’entreprendre dans les prochaines années. Malgré quelques faiblesses et un manque de cohérence au niveau de la mise en scène, Noces de sang est un spectacle qui présente plusieurs propositions intéressantes et qui nous laisse dans l’expectative de ce «Triptyque Lorca» à venir.