Norway.today développe le récit de deux jeunes en quête d’une prise sur le réel qu’ils entrevoient dans la rencontre véritable avec l’autre.
Né à Prague, puis établi en Suisse, Igor Bauersima est un prolifique auteur pour la scène comme pour l’écran. Il est également architecte, musicien, scénographe et metteur en scène. Norway.today fut la pièce la plus jouée dans les théâtres de langue allemande en 2003-2004.
« Bauersima a saisi les sentiments de la génération Web avec précision. […] adroit et complexe, simple et plein d’humour. »
(Süddeutsche Zeitung).
Pour cette création, Le Groupe de la Veillée réitère sa volonté de donner une voix aux metteurs en scène nouveaux en offrant à Philippe Cyr, qui a monté Les escaliers du Sacré-Cœur de Copi en 2007 et Et si je n’étais pas passée par là en 2008 au Prospero, de diriger cette pièce profondément actuelle.
Lumières : Marie-Ève Pageau
Scénographie : Geneviève Lizotte
Concepteur de son Thierry Gauthier
Réservez vos billets promotionnels pour Norway.Today sur atuvu.ca
Production du Groupe de la veillée
Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582
par David Lefebvre
"Si on en veut aux gens qui se suicident, c'est parce qu'ils ont toujours le dernier mot." Nelly Arcan
Avoir le dernier mot. En finir. Décider d'en finir. Que ce soit parce qu'on est désabusé, rassasié, comme si on avait fait le tour et que plus rien ne pouvait nous satisfaire. Ou que tout nous semble fake, que rien ne soit vrai. C'est le cas de Juliette et d’Auguste, qui se rencontrent dans un chat room. Elle veut passer à l'acte, mais pas seule. Il décide de la suivre. Ils sont pourtant en bonne santé, ils sont beaux, jeunes, sans problèmes apparents. Qu'est-ce qui peut ainsi ternir leur esprit, qu'est-ce qui gruge leur désir de vivre, pour les pousser au bord d'une crevasse, en face d'un fjord norvégien, pour y plonger et fermer à jamais les yeux sur la grandeur et la beauté de l'existence?
Norway.Today, du dramaturge Igor Bauersima, explore de manière tout aussi existentialiste que contemporaine ce dur sujet universel qu'est le pacte de suicide. Dans un monde de plus en plus individualiste et virtuel, comment se retrouver réellement, comment s'identifier, s'afficher, être soi?
Philippe Cyr, qui signe ici sa troisième mise en scène après Les Escaliers du Sacré-Coeur et Si je n'étais pas passé par là, réussit à trouver un certain équilibre dans la façon d'aborder le thème principal, malgré les risques d'imposer une morale ou de plonger dans une ironie décevante. Dès le départ, avec l'apparition sur fond rouge de la comédienne Sophie Desmarais, le ton est donné. Musique électro emballante, couleurs vives, mots projetés, la mise en scène est actuelle, contrastante, voire adolescente, et dépeint peu à peu cette pulsion funèbre qui se transforme en une quête de vie tout aussi romantique qu'originelle. Cyr évoque bien le mode de communication des deux protagonistes de la génération Internet, sans tomber dans le cliché des écrans d’ordinateur. Les éclairages, de Marie-Ève Pageau, au départ bien cadrés, fusionnent avec les projections multimédia et la vidéo. D’abord des mots, pour le monde du chat room, puis des images fixes et du direct, on assiste alors à la mise en scène finale de leur ultime moment, aux derniers mots qu’ils veulent laisser pour la postérité. Expliquer l’inexplicable, rassurer, laisser une trace. Alors que Juliette tente désespérément d'obtenir la meilleure vidéo, ce sont les mots réfléchis, sentis et simples d'Auguste qui feront pencher définitivement la balance.
Sophie Desmarais et Jonathan Morier interprètent ces deux êtres qui se confrontent, tentant de prouver qu'ils sont en pleine maîtrise de la situation, alors qu'ils sont, au fond, totalement effrayés. Juchés sur une plate-forme surplombant une mer de vêtements colorés (conception de Geneviève Lizotte), ils passent du fantasme virtuel au contact d'un réel tout à fait saisissant. L'authenticité est au coeur des recherches des personnages et des comédiens : Sophie Desmarais nous propose une Juliette qui contrôle tout, incluant son image online et sa façon de bouger. Elle est ainsi radicalement détachée, désabusée, presque méchante. Jonathan Morier joue avec brio le jeune Auguste avec plus de fragilité, de doute.
La musique a une place de choix dans le spectacle, si ce n'est un rôle majeur. Concoctée par Thierry Gauthier, la remarquable trame sonore propose quelques morceaux originaux, mais est composée essentiellement de très courts extraits de plusieurs groupes et artistes, dont Le Tigre, Georges Moustaki, Dolly Parton, Omnikrom, Justice, Joy Division, Nirvana, The Beach Boys, Bon Iver et The Velvet Underground. La chanson Waffenladen Platin du groupe allemand Jeans Team, grâce aux sonorités germaniques et scandinaves, ouvre parfaitement bien le spectacle, et se veut, peut-être, un clin d'oeil à la nationalité de l'auteur. Un titre revient tout au long de la pièce : Death of An Angel, de The Kingsmen. Que ce soit par un extrait de courte durée ou magnifiquement interprétée par Jonathan Morier sur une adaptation musicale de Gauthier, la chanson devient immanquablement le thème musical principal de la création théâtrale.
That was the death of an angel now
I don't know why
I want to be beside her but
I'm afraid to die