C'est la radio qui lui a offert pour la première fois la possibilité d'incarner ce texte. C'était le 6 avril 2009, France Culture et le Théâtre National de la Colline s'étaient associés pour présenter en public un enregistrement d'Extinction. Un an après cette première lecture, le Théâtre de la Madeleine offrait à Serge Merlin la possibilité de réaliser complètement son rêve de dire Extinction, d'aller à la rencontre du public avec ce très grand texte, et de servir encore et toujours la langue de Thomas Bernhard.
Ainsi, depuis mars 2010, Serge Merlin monte sur scène pour livrer à un public captivé ce monologue incroyable, obsessionnel et contradictoire, drôle et féroce. Dans cette œuvre, Bernhard se tourne vers son passé, la mémoire familiale - qu'il a fuit: l'esprit étriqué et mercantile, la haine de l'art et de la pensée, la complaisance vis-à-vis du nazisme… Il lâche prise, c'est l'extinction, l'effondrement. «Seul l'exagération rend les choses vivantes» dit Bernhard. Serge Merlin fascine, gronde et tempête; ses bras, son visage et sa voix font vivre l'auteur dans toute sa puissance. Son excellence nous confond, car il est tout à la fois la voix tragique du personnage, celle de Bernhard et la sienne.
La présentation exceptionnelle de ce spectacle à Montréal est née du désir commun du Groupe de La Veillée, du FIL, du directeur du Théâtre de la Madeleine et enfin de l'interprète lui-même, de faire entendre ce texte dit par un acteur d'exception au public québécois.
Source : Scène indépendante contemporaine (SIC) et Théâtre des Bergeries.
Avec l'aimable autorisation de Peter Fabjan
35 $ taxes et redevances incluses
Billets en vente au guichet du théâtre Prospero et sur le Réseau Admission ainsi qu'à la billetterie centrale du FIL située à la Place des Arts
Production Scène indépendante contemporaine (SIC )
Co-présentation du Festival international de littérature (FIL), du Groupe de la Veillée et de Scène Indépendante Contemporaine (SIC)
par David Lefebvre
Tu vas à la bibliothèque pour y cultiver tes pensées aberrantes…
C'est à une rencontre avec non pas une, mais deux grandes voix européennes que nous convient le Festival International de littérature, le Groupe de la Veillée et Scène Indépendante Contemporaine, en présentant en sol montréalais le monologue/lecture Extinction, de l'écrivain autrichien Thomas Bernhard et l'acteur Serge Merlin. Si le premier est connu grâce à certains textes de théâtre, tels Une fête pour Boris, Dramascules, ou plusieurs romans, récits et autres nouvelles, Serge Merlin restera l'inoubliable fragile et sage voisin d'Amélie Poulain. Serge Merlin est un habitué des mots de l'auteur autrichien, ayant joué certaines pièces de celui-ci, dont Le Réformateur, en 2000, puis, récemment, Minetti, en 2009. Quoi qu'il en soit, Merlin affirmait ne pas pouvoir mourir sans avoir relevé le défi d'interpréter - ou de proférer, comme les metteurs en scène se plaisent à dire - l'un des plus grands romans de Bernhard, Extinction.
Extinction est le récit introspectif d'un écrivain autrichien, né à Wolfsegg, exilé à Rome. Un télégramme lui annonce soudainement la mort de ses parents et de son frère. Il devra retourner dans sa patrie, qu'il déteste du plus profond de son être. Son retour aux origines ouvre des portes et des fenêtres qu'il voudrait fermer à jamais, exterminer complètement Wolfsegg de sa mémoire et du monde. Il tentera de faire le récit de son village, de ses habitants, de sa famille, de cette mentalité «nationale-socialiste-catholique», un endroit où les fantômes et la turpitude des nazis rôdent encore.
Lettre politique, lettre de vengeance, lettre de répugnance, Extinction est une délivrance par dépossession, par autodestruction, un «récit de tout ce qui ne (me) laisse pas en paix». Le texte de Bernhard est une rivière réflexive aux remous moraux et politiques, à l'humour souvent acéré ou même, si c’est possible, bon enfant.
Une première lecture est créée par France Culture, le 6 avril 2009, au Théâtre National de la Colline. Puis, le Théâtre de la Madeleine accueille cette lecture théâtralisée, adaptée par Jean Torrent, au printemps 2010. Le projet, réalisé par Blandine Masson et Alain Françon, connaît un franc succès. Serge Merlin entre en scène, fragile, tremblotant, dépose ses feuilles sur une table nue, éclairée par trois projecteurs sur pied. L’endroit semble tout aussi retiré du monde, intime, que public, comme une conférence. Incandescent, l’acteur nous fera la lecture durant 80 minutes, passant par toute une gamme d’émotions ; neutralité, rage, abattement, hystérie, sarcasme, désespoir, Merlin emprunte au personnage principal son «art de l’exagération», élevant la voix de façon brutale, vociférant, transformant quelques passages en véritables tragédies. Si l’on réussit à s’adapter au ton exubérant de l’acteur (ce que certains n’ont pu faire), nous pénétrons alors au cœur de la beauté et de la laideur du texte de Bernhard, aux descriptions impitoyables d’une Autriche socialiste, d’une ville souillée et d’une famille qui voue une haine à la culture et à l’art.
Extinction : une lecture singulière, une rencontre étonnante et fascinante avec l’acceptation de la disparition.