Lorrie veut refaire sa vie. Entre son travail de serveuse au Buffalo Grosses Boules et ses projets de mannequinat à Tokyo, elle doit composer avec les avances de Dave, un vendeur de boulons angoissé, et celles de Michaël, un petit proxénète arriviste. Ceux-ci l’entraînent dans une série de quiproquos qui retardent la réalisation de ses ambitions. Heureusement, il y a Sophie, la concierge et physicienne russe, avec qui elle peut parler veuvage, maternité et KGB.
Issue de la série Motel de passage de George F. Walker, l’un des dramaturges les plus populaires au Canada, la pièce Les débuts de Loretta est empreinte d’une grande humanité, portée à la fois par ses personnages colorés et par un humour noir décapant.
Il s’agit de la seconde production de Til.T après Moribonds, un spectacle dirigé par Dave St-Pierre avec les mots de Sarah Berthiaume.
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Scénographie: Julie-Christina Picher
Conception musicale: Steve Lalonde
Lumières et régie: Robin Kittel-Ouimet
Crédit photo: Caroline Laberge
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 17 au 25 janvier
Régulier : 23$
Carte premières : 11,50$
Une production Til.T
par David Lefebvre
Après un premier spectacle-choc mis en scène par Dave Saint-Pierre, intitulé Moribonds, et une incartade dans l’univers de Camus par l’entremise d’un laboratoire, la toute jeune compagnie Til.T s’attaque à l’auteur canadien George F. Walker, avec Les débuts de Loretta. La plume de Walker est singulière, cynique, et propose une trame tout aussi noire que comique, mettant à l’avant-plan des personnages plus perdants les uns que les autres.
Les débuts de Loretta, traduit par Maryse Warda, est tiré d’un cycle de six pièces regroupées sous le titre Motel de passage (Suburban Motel). Soyons franc, ce texte n’est malheureusement pas le plus intéressant, comparativement à Le génie du crime, par exemple, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 2006, avec Gilles Renaud et Anne-Marie Cadieux, et qui a pris l’affiche au Prospero en novembre 2003, monté à l’époque par le Théâtre L.I.F.T. En 98-99, quatre des pièces du cycle, traduites aussi par Maryse Warda, avaient été jouées au Théâtre de Quat’Sous.
Lorrie, jolie serveuse, s’échappe de la maison après la mort tragique et absurde de son mari. En quête de liberté, rêvant d’une carrière à l’étranger, elle ne veut plus jamais dépendre de quelqu’un. Prise entre Dave, un amoureux molasse, et Mike, qui s’occupe de « booker » les filles dans les bars du coin et qui voit en Loretta une mine d’or du film XXX, elle essaie de trouver rapidement le meilleur moyen de faire le maximum d’argent pour atteindre son but. Logeant dans un hôtel appartenant à un gueulard ex-agent du KGB, Lorrie trouvera étrangement en la fille du tenancier une amie à qui elle parlera, et qui se confiera.
Ce qui frappe d’emblée de ce Walker est la décision du metteur en scène Sébastien Gauthier (Roomtone, Lone Star) de réellement enfermer les protagonistes à l’intérieur de la chambre d’hôtel ; une jolie scéno signée Julie-Christina Picher. Pour que les spectateurs puissent bien suivre l’action, les murs sont translucides ; l’effet accentue ainsi l’idée de voyeurisme et d’isolement. La tension est bien soutenue par la trame sonore de Steve Lalonde et les effets d’éclairage parfois stroboscopiques de Robin Kittel-Ouimet.
La troupe campe correctement les personnages, en jouant un peu trop à fond la carte du pathétisme de chacun d’eux. Ainsi, leur unidimensionnalité parfois caricaturale ennuie à la longue, ne permettant pas d’apprécier tout le potentiel qu’offrent ces êtres sans avenir. Si Isabelle Duchesneau interprète une Loretta frondeuse, enragée de liberté et qui a de la gueule, on se demande pourquoi, avec tant de détermination, elle séjourne encore dans ce trou perdu au lieu de tenter sa chance ailleurs. Mickael Lamoureux a déjà davantage épaté le public montréalais que dans la peau de ce Dave trop geignard, mais qui réussit, on ne sait comment, à toucher Loretta. Christian E. Roy provoque sans équivoque les plus grands éclats de rire de la salle grâce à son Mike, personnage flegmatique, qui aime un peu trop tout, et qui se dévoile rapidement comme un autre profiteur et maquereau dans la vie de Lorrie. Et Joëlle Paré-Beaulieu amuse, grâce à Sophie, jeune femme soviétique au langage particulier, sous le joug d’un père à la poigne de fer, qui, au moment d’accéder enfin à une certaine liberté, se voit dépourvue, seule. Alors que Sophie devrait être le ciment entre les personnages, la pause précise et bienfaitrice dans tous ces quiproquos, elle n’est ici qu’un ajout de plus aux deux autres protagonistes qui entrent et sortent de la chambre d’hôtel.
Sans prétention, la pièce divertit, certes, mais n’arrive malheureusement pas à convaincre totalement, manquant légèrement de profondeur et d’audace, au profit d’un certain suspens, du rythme et de l’humour, un humour qui aurait pu s’avérer encore plus noir et mordant.