Contre toute attente, le prince Philippe se fiance à la repoussante Yvonne. Sa laideur, son silence, sa mollesse, son manque de forme et sa totale absence de charisme suscitent fascination, incompréhension et consternation chez tous les membres de la cour de Bourgogne. Ceux-ci, qui tentent d’abord de changer et de former la misérable à leur image, doivent se soumettre à l’évidence : ils n’ont aucune emprise sur elle. L’échec de leurs multiples tentatives causera rapidement la panique, puis le chaos.
L’un des auteurs polonais les plus marquants du XXe siècle, Witold GOMBROWICZ est sans contredit subversif et fin observateur du genre humain. Il use de son talent pour la parodie et pour manier le langage afin de cerner de manière désarmante l’absurdité des rapports humains. Dans Yvonne, princesse de Bourgogne, première pièce de l’auteur, naît sa prédilection pour « l’anarchie illimitée de la forme » et son « éloge de l’immaturité ».
Yvonne, princesse de Bourgogne pose de sombres réflexions sur l’identité et les comportements en société. Les filiations tordues et parfois perverses entre les personnages nous confrontent à notre humanité, plus précisément à la « forme » que nous choisissons de prendre dans nos rapports et dans le regard des autres.
Assistance à la mise en scène Sonia Montagne
Scénographie Karine Galarneau
Musique originale Michel Smith
Lumières Nancy Bussières
Une production Théâtre Point d'Orgue
par Mélanie Thibault
La pièce de Witold Grombrowicz inspire le ludisme, ne serait-ce qu’en lecture, ne serait-ce que pour entendre cette créativité dans l’écriture, saisir le sens que donne l’auteur à l’esprit tordu des personnages. Grombrowicz a écrit ce trésor de la dramaturgie en 1938, pour revendiquer la liberté de choix et d’expression, encore trop rare dans les cadres qu’impose la société.
De surcroît, la pièce se situe au cœur de la maison royale, là où les bonnes manières sont de rigueur.
Or, Yvonne, la fiancée qu’aimerait, par provocation, épouser le prince Philippe, ne correspond à aucun des critères établis par la convenance. Yvonne, dans son mutisme, sa mollesse, sa peur de l’autre, aura tôt fait d’outrager tout le royaume.
La reine incarnée par Markita Boies est mesurée et tout en subtilité autant que délirante au fil des scènes. Une performance redoutablement efficace qui donne du tonus au bon moment. L’interprétation du chambellan par Sébastien David, dont le personnage est calculateur et autoritaire, porte admirablement le chœur, qui pour sa part a tendance à s’affaisser, spécialement dans les premiers tableaux.
La mise en scène de Louis-Karl Tremblay, concise, soignée et éclatée à point nommé, mise sur la force des images. La pièce le permet amplement. Il a audacieusement choisi de placer Yvonne de dos, anonymement, renvoyant bien le jugement de valeur porté sur quelqu’un dont le plus grand tort (et la plus grande qualité au départ pour le prince) est de ne pas correspondre à l’image attendue.
Les costumes de Fannie Breton-Yockell donnent un ton actuel à la pièce et en imposent. Les filles du chœur en talons aiguilles et minijupe, par exemple, les aliènent, pour répondre aux critères de la « cour ». Et, idée simple, mais efficace, plus la pièce avance, plus les costumes se délient suivant la continuité dramatique. Les décors de Karine Galarneau habitent l’espace adroitement avec des paravents fixes dont la matière souple permet aux comédiens de se lover dans les murs tout en laissant passer la lumière des projecteurs.
Une compagnie à surveiller de près, ayant de la suite dans les idées et l’énergie nécessaire pour les transmettre.