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Du 15 au 26 octobre 2013, 20h, mercredi à 19 h, samedi 16h
OleannaOleanna
Texte de David Mamet
Traduction de Vincent Côté
Mise en scène de Vincent Côté et Olivia Palacci
Avec Vincent Côté et Olivia Palacci

Faisant face à l’échec pour un cours, une jeune universitaire vient voir son professeur qui lui propose un « A » si elle le rencontre dans son bureau pour reprendre le cours d’une autre façon. Se déclenche alors un surprenant affrontement maître-élève.

Auteur contemporain incontournable, Mamet écrit dans une langue acérée, elliptique, rythmée ; sous des apparences d’hyperréalisme et d’ambiguïté, il écrit du théâtre (et sur le théâtre !) sans aucun compromis.

Présenté dans un rapport de proximité avec le public, lespectacle pose des questions mordantes et actuelles sur l’éducation, la nature de l’abus, le jeu de pouvoir et la nécessité de réussir.


Section vidéo
deux vidéos disponibles

     

Scénographie, costumes et accessoires Fruzsina Lanyi
Éclairages et régie Stéphanie Raymond
Photo Sandrine Brodeur-Desrosiers

Rencontre avec les artistes le mercredi 23 octobre, après la représentation

Une production du Théâtre du Vaisseau d'Or - Oleanna sur Facebook


Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

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Dates antérieures

Du 22 août au 8 septembre 2012, École nationale de théâtre, salle Pauline McGibbon

 
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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge


Crédit photo : Vaisseau d'or

Certains spectacles, jouissant parfois d'une visibilité moindre que d'autres, glissent sous notre nez sans même qu'on le sache, sans qu'il ne puisse se faire une petite place dans notre agenda culturel, et ce, sans pourtant manquer de qualité. Dans cette saison théâtrale marquée par les reprises assez nombreuses, nous avons la chance de nous attarder à certains petits bijoux dont nous nous doutions à peine de l'existence. Tel est le cas d'Oleanna, présenté l'an dernier à l'École Nationale de Théâtre, de retour pour s'installer cette fois au Prospero.

Le texte du dramaturge américain contemporain David Mamet oppose un enseignant universitaire à l'une de ses élèves, venue se présenter à son bureau dans l'espoir d'obtenir une révision de note. Prenant une tournure insoupçonnée, renversant le jeu de pouvoir initial, ce duel ébranle de grandes idées dans un cadre qu'on croyait d'abord intime.

Dans l'amas de ces grandes idées, nommons simplement les perversités qui découlent du pouvoir, tel que, dans cette pièce, le harcèlement et l'humiliation. Ici, l'éducation est la forme que prétend prendre le pouvoir, d'abord chez l'enseignant, rapidement repris ensuite par l'étudiante, qui apprend drôlement vite d'ailleurs. Les mots, arme par laquelle l'élite intellectuelle d'aujourd'hui prétend pouvoir se défendre de notre système, géré par l'argent, deviennent ici les tortionnaires et ne valent guère mieux que le papier monnaie. Mamet met le doigt sur un danger sous-estimé : l'éducation peut, elle aussi, nous soumettre à une guerre de classe, de race et de sexe. Le professeur est d'ailleurs un excellent exemple de cette méfiance qu'il faut avoir face à une telle institution et ce qu'elle transporte comme malaise social. Retournant le rapport de force à son avantage, l'étudiante répond aux attaques qu'on lui porte avec autant de mépris, répète et nourrit cette guerre qu'elle a d'abord tenté de vaincre.

Vincent Côté, qui signe la mise en scène avec sa collègue de jeu ainsi que la traduction, juste et forte, interprète un enseignant d'abord prétentieux et tout en puissance, mais avec grand talent, nous entraînant avec lui dans une chute honteuse et difficile. Olivia Palacci, quant à elle, prend la charge d'un rôle complexe dans ses retournements et ses intentions avec beaucoup de précision et de couleur. La mise en scène jouant sur la proximité et la « trifrontalité », veut d'abord nous inclure dans ce duel difficile, mais ne poussera pas plus loin notre implication. Dans un jeu précis et pertinent avec les multiples chaises en scène, le rapport de force nous est bien illustré et nous apparaît ainsi tel qu'il est : changeant, dynamique et instable. Jouant visiblement sur l'ambiguïté des envies de chacun, ce choix dramaturgique de l'équipe de production accentue le besoin de pouvoir, même inconscient ou involontaire, qui se cache derrière cette situation qui semblait d'abord banale.

Oleanna est un spectacle qui remue beaucoup de questions, sans jamais avoir la prétention – ou le désir –  d'y répondre. Frôlant divers sujets tabous, nous présentant la manipulation et ses conséquences graves et des caractères complexes et dangereux chez ses personnages, la pièce à la structure parfaite, mais difficile à aborder pour metteurs en scène et comédiens, nous surprend à plusieurs égards. Le travail de toute l'équipe nous offre une lecture qui sort de l'ordinaire et qui ne manquera pas de faire réfléchir. Cette reprise est certainement à ne pas manquer.

22-10-2013



par David Lefebvre

Vous n’avez pas le POUVOIR.
- Carole

Montée pour la toute première fois il y a maintenant 20 ans comme production initiale du Back Bay Theatre Company de David Mamet, Oleanna a depuis connu un certain succès : au cinéma, avec William H. Macy et Debra Eisenstadt, et sur scène, notamment à Londres, dans une mise en scène signée par le célèbre Harold Pinter, et récemment sur Broadway, avec Bill Pullman et Julia Stiles. La troupe du Vaisseau d’Or, fondée par Jean-Guy Legault et maintenant dirigée par Vincent Côté, réunissant d’anciens étudiants du Collège Jean-de-Bréboeuf, s’approprie avec habileté ce texte de Mamet et nous fait (re)découvrir, grâce à une nouvelle traduction et une astucieuse adaptation de Vincent Côté, toute la force et la qualité d’écriture du prisé auteur américain.

Oleanna n’est pas une pièce facile. Elle pousse autant les acteurs que les spectateurs à prendre parti, en forçant ceux-ci à foutre au centre de l’arène ses préjugés et ses valeurs pour s’apercevoir, en fin de partie, que personne n’aura raison, quels que soient les arguments. Ce texte, brillant, fait s’affronter un professeur légèrement imbu de lui-même, prônant « l’inutilité du système et de l’éducation universitaire » tout en profitant de celui-ci, qu’il critique pourtant avec dédain dans ses cours, et une élève qui se bat pour y entrer, pour faire partie de ce système, et qui arrive à peine à comprendre la matière. Devant lui, elle a de la difficulté à s’exprimer, et dès qu’elle essaie, il est dérangé incessamment par des appels téléphoniques concernant l’achat d’une maison. Il tente pourtant de l’aider, parce qu’il « l’aime bien », mais après cette première rencontre, elle fait une plainte contre lui, l’accusant de sexisme, de racisme et d’attouchements sexuels : si chaque geste inscrit dans le rapport est réellement arrivé, donc irréfutable, la description biaisée (ou non?) de cesdits gestes jette un tout autre regard sur leur nature et leurs intentions premières. L’homme perd ainsi sa crédibilité, une chance d’accéder à un poste de tutorat et la nouvelle maison qu’il désire acquérir pour sa famille.

Oleanna est une pièce sur le pouvoir ; celui possédé par l’autorité, mais surtout celui des perceptions, des perspectives. Elle démontre comment une personne se sentant offensée, désabusée, peut manipuler l’information intentionnellement ou pas (là est tout l’intérêt de la pièce) et faire tomber de son piédestal celui qu’elle croit être le symbole ou la source de son incompréhension. S’insurger et agir contre l’outrance portée à ce qu’elle considère d’une importance capitale, soit son intégrité en tant que femme et en tant qu’étudiante, dépassant même sa propre personne, et faire en sorte d’avoir le dessus, sans équivoque, quitte à ébranler la vie de l’autre, comme elle sent sa propre vie en jeu à chaque test ou examen auquel elle doit répondre, à chaque décision arbitraire du corps professoral.

La mise en scène à quatre mains, de Vincent Côté et de sa partenaire de jeu et ancienne étudiante Olivia Palacci, est naturelle et précise. Le choix de l’endroit (l’École nationale de théâtre) et la configuration de la salle – les spectateurs prenant place, en cercle, autour du bureau du professeur – s’avèrent tout à fait judicieux ; assis tout près des protagonistes, le spectateur devient le témoin invisible et privilégié de ce drame tout aussi glacial qu’incendiaire. Le texte est sans contredit l’attrait principal de la pièce, grâce à la performance des deux excellents comédiens. Si la Carole d’Olivia Palacci est d’abord timide et confuse, manquant totalement de confiance en elle, elle gagne en assurance et devient rapidement malicieuse, voire dangereuse, alors que le professeur de Vincent Côté attire rapidement la sympathie, malgré son côté pédant et possiblement prétentieux – un trait de personnalité qui mériterait, par contre, d’être davantage exploité.

Mais là où la mise en scène se démarque, possiblement, des autres moutures connues, c’est dans le choix d’écarter de l’enjeu de la pièce l’ambigüité de l’attirance physique ou sexuelle du professeur envers l’élève – jouée traditionnellement par une très belle jeune femme – pour plutôt exploiter et fouiller avec un réel plaisir tous les questionnements et les réflexions sur l’éducation, l’autorité et la manipulation consciente ou inconsciente des événements vers l’obtention d’un but très précis : donner une sévère leçon. Mais quelques questions demeurent : l’homme la méritait-il à ce point? Pourquoi fait-elle tout ceci exactement? Est-elle simplement naïve ou profite-t-elle de cette situation pour enfin se faire voir et entendre, mais surtout, pour gagner?

Fascinante et passionnante lecture de ce texte très près de l’actualité, avec les récents soulèvements étudiants et les questionnements sur la réalité de l’enseignement universitaire, cette version d’Oleanna du Vaisseau d’Or offre un match oratoire qui ébranle et qui déclenche, après la fin du spectacle, de nombreux débats sur nos positions envers les deux personnages ; à voir absolument.

23-08-2012