Un acteur de peep-show nous livre ses peurs, ses cauchemars et ses humiliations. Il évoque la disparition de ses repères, laquelle le conuit parfois à céder à la violence. Malgré cela, on ne peut s’empêcher de rêver avec lui d’un avenir meilleur et plus juste.
Endossant un texte cru et criant de vérité, l’auteur-acteur Paul Van Mulder dénonce, dans ce spectacle solo, la fragilité des liens sociaux et la place qu’occupe le travail, même précaire, dans notre quête de dignité. Sur le mode intime, et au-delà de la simple confession déroulée à mots heurtés, une étrange relation se tisse entre l’acteur et les spectateurs. Qui est cet homme qui se tient devant nous ? Où souhaite-t-il nous emmener ?
Visuel : Joanna Van Mulder
Publication Éditions Maelström
Tarifs
Au guichet : régulier 25 $, aîné 21,50 $, 30 ans et - et membres 20 $, groupes (15 personnes +) 17 $, étudiant en théâtre 15 $
Par téléphone et en ligne : régulier 27,50 $, aîné 24 $, 30 ans et - et membres 22,50 $, groupes (15 personnes +) 17 $, étudiant en théâtre 17,50 $
Dune Productions en collaboration avec Le Groupe La Veillée
Avec l'aide de Wallonie-Bruxelles International et de la Délégation Wallonie-Bruxelles au Québec
par Sara Thibault
Solitude de l’homme moderne
Dans la petite salle dépouillée du théâtre Prospero, un acteur de peep-show se présente seul en scène, dans un lieu entre une cellule et une salle d’attente. Une chaise droite est placée devant les spectateurs et une ampoule nue pend du plafond. C’est dans cet espace que se tiendra la rencontre en tête-à-tête entre un homme fatigué et esseulé et des spectateurs venus observer le spécimen. Car c’est bien ce qu’implique le peep-show : la curiosité, le voyeurisme, la volonté de voir tout en restant anonyme.
L’acteur de peep-show a souvent mauvaise presse : le bizarre, l’exclu, le raté. C’est de ces mécanismes d’exclusion qu’il est question dans Solitude d’un acteur de peep-show avant son entrée en scène. Dans un moment d’attente, pendant les quarante-cinq minutes qui précèdent sa prestation, le personnage se confie. D’ordinaire voué au silence, l’acteur de peep-show s’exprime sur la fragilité des liens sociaux, sur l’importance du travail dans la quête de reconnaissance sociale, sur les femmes qui n’arrivent pas à combler son manque d’affection. La rencontre se fait à la fois humiliante et violente, l’acteur s’imposant comme porte-parole des laissés pour compte. Les lumières très minimalistes de Joanna Van Mulder accompagnent bien les souvenirs, les appréhensions et les confidences du personnage qui se met à nu devant nous.
L’acteur de peep-show à qui donne vie l’auteur et acteur Paul Van Mulder est loin du prototype de la bombe sexuelle jeune et fringante que l’on retrouve généralement dans le peep-show. Il incarne plutôt l’homme mûr effacé au sourire mal à l’aise, aux gestes malhabiles, l’individu qui subit les individus de toutes classes et qui doit jouer la pute pour qui sort le cash. Malgré ses élans de colère (parfois un peu trop appuyés) qu’il exprime en solo dans ses moments d’attente, cet acteur de peep-show est pris dans un rapport de complète soumission envers ses clients : « Je suis à vous, vous savez, parce que moi, je peux tout vous donner. Vous pouvez faire de moi ce que vous voulez. » Même quand son patron « change les règles du jeu », son obéissance reste inébranlable.
Paul Van Mulder arrive à mettre en scène avec une grande délicatesse la solitude d’un individu qui cherche sa place dans un monde auquel il se sent étranger. La chanson Hope there’s someone d’Antony and the Johnsons qui clôt le spectacle transmet bien la tristesse et la mélancolie qui ressort du monologue. Le jeu d’acteur suscite une fascination qui donne envie de percer le mystère de l’homme qui se tient devant nous. Il fait ressortir l’humanité qui se cache derrière ces individus souvent vus comme de vulgaires créatures. Même si la pièce se termine de façon un peu précipitée et sans grande surprise, l’interprétation de Van Mulder (qui lui a d’ailleurs valu une nomination en Belgique au prix de la critique 2007-2008 pour le « Meilleur Seul en Scène ») et la qualité de l’introspection à laquelle se livre le personnage en font un spectacle à découvrir.