Ils sont trois : Rudolf Holler, ancien officier devenu juge et président du tribunal d’une petite ville, juste avant sa retraite, et ses deux soeurs, Vera et Clara.
Cette journée est particulière. Le 7 octobre marque l’anniversaire d’un personnage politique notoire. C’est en l’honneur de ce dernier, leur grande idole, que Rudolph et Vera se préparent à une cérémonie reprise chaque année ; une célébration clandestine, nostalgique et ridicule. Tout est prêt, l’uniforme, les accessoires, le repas. Amas de ressentiments, d’histoires personnelles irrésolues et de rages idéologiques. Or, la journée avance, le mauvais sang monte, la cérémonie se terminera plus tôt que prévu.
Thomas Bernhard dirige son mépris contre tout esprit fascisant, qu’il se manifeste ouvertement ou de façon latente, drapé sous les exaltations patriotiques. L’auteur n’est pourtant pas l’écrivain des « bonnes intentions » ; il est beaucoup plus ambigu et farouchement perspicace. Aussi, est-il nécessaire de voir, tant dans ce texte que dans le spectacle qui en résultera, d’abord et surtout, un acte artistique. La metteure en scène et les acteurs s’approprieront cette matière riche et puissante en soulevant les réincarnations possibles et latentes de l’un des plus grands maux de notre civilisation, lesquelles hantent toujours notre époque.
Éclairages François Marceau
Conception sonore Francis Rossignol
Scénographie Geneviève Lizotte
Costumes Elen Ewing
Assistance à la mise en scène Alexandra Sutto
Visuel : Adrienne Surprenant
Photos : Marie-Claude Hamel – Marie-Christine Abel – Paul-Antoine Taillefer – Panneton-Valcourt
Tarifs
Au guichet : régulier 33 $, aîné 26 $, 30 ans et - et membres 24 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 16 $
Par téléphone et en ligne : régulier 35,50 $, aîné 28,50 $, 30 ans et - et membres 26,50 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 18,50 $
Jeudi 2 pour 1
: Remise des billets en personne au guichet du
théâtre de 18 h 30 à 19 h 15. S’applique sur le tarif
régulier et aux spectacles présentés sur la scène
principale. En quantité limitée.
Les rendez-vous du mercredi : 26 novembre
Une production du Groupe de La Veillée
par Pascale St-Onge
Dans une maison au visage d’antan où vivent Rudolf, un ancien officier nazi, ainsi que ses deux sœurs, Vera et Clara, une célébration grotesque a lieu chaque 7 octobre. Les anciennes allégations politiques de l’homme étant demeurées secrètes depuis que la guerre est terminée, la cérémonie qui s’organise en l’honneur d’un grand nazi est le seul moment où Rudolf peut se souvenir de la belle époque. Entre cette homme et Vera, qui passe la journée à repasser les habits d’officiers de son frère avec qui elle entretient une relation taboue, l’autre sœur, Clara, est prisonnière. Celle-ci, qui ne partage aucunement les croyances politiques de son frère, est handicapée depuis un bombardement et par son silence, pèse sur les deux autres dans la maison.
Le texte de Thomas Bernhard est une partition difficile, dense et exigeante, qui met en lumière des rapports de cruauté, mais aussi tout un mépris autour de l’esprit fasciste et ses différentes déclinaisons. Les discours de Rudolf et Vera se traduisent comme deux approches différentes d’une politique discriminatoire, l’une agressive et l’autre, celle de Vera, plus passive, mais tout aussi dangereuse et nocive. Avec cette cérémonie, on nous présente la figure d’une bête qu’on garde enfermée et qui ne peut être libre qu’une fois par année, l’intensité en est donc à son paroxysme.
La mise en scène de Catherine Vidal est le grand serviteur du texte, ne s’encombrant pas d’une proposition pompeuse, mais jouant sur les détails pour appuyer toutes les subtilités du texte, comme la cruauté et la présence constante de la menace d’un mouvement d’une ampleur aussi destructrice que le fascisme. L’espace créé par Geneviève Lizotte va de pair avec la proposition : une grande salle (jamais la salle principale du Prospero n’aura semblé aussi grande) aux murs couverts de vieilles tapisseries, avec de vieux rideaux qui montent jusqu’au plafond. Au centre de la scène prend place la pièce de résistance autour de laquelle s’articule toute la mise en scène : un vieux piano tout démonté, comme le symbole de la chute des idéaux de Rudolf et Vera, qui attendent la retraite pour vivre librement. Cette maison est le symbole d’une époque défaite qu’on refuse de laisser aller. Refusant d’avancer, la maison, qui fut un jour une belle et décente demeure, ne fait qu’accumuler la poussière. Dans cet espace, un trio grandiose d’acteurs : Gabriel Arcand, Violette Chauveau et Marie-France Lambert, qui nous transmettent toute la complexité de leurs rapports avec une grande finesse, une présence forte et une précision nécessaire pour faire passer ce texte chez le public.
Car il faut le dire, Avant la retraite n’est pas une pièce facile. Ce n’est pas du divertissement : c’est un théâtre intelligent qui nous met en garde contre les comportements qui pourraient mener à une nouvelle dérive similaire au nazisme. Cette pièce refuse de banaliser les gestes intimes et quotidiens pouvant mener à l’ostracisme et à l’oppression d’une population. Une grande pièce, à voir sans fautes, mais qui demande une grande concentration pour absorber ce texte dense et nécessaire.