Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 26 janvier au 20 février 2016, 20h, mercredi à 19 h, samedi 16h, supplémentaires 14 et 21 février 15h
Le joueur
Texte de Fédor Dostoïevski
Mise en scène et adaptation Gregory Hlady
Avec Paul Ahmarani, Peter Batakliev, Alex Bisping, Stéphanie Cardi, Frédéric Lavallée, Danielle Proulx, Évelyne Rompré, Jon Lachlan Stewart

Jouer. Jouer à la roulette, jouer ses passions, son argent ou celui des autres. Mais l’argent n’a pas grande importance ici. L’argent se fait pure expression de l’« être en amour ». L’argent gagné ou perdu, peu importe. Être amoureux et ne pas le dire, être amoureux et ne pas se l’avouer — l’exprimer à travers le jeu. Pour lui, Alexeï Ivanovitch, jouer à la roulette est la plus haute et la plus brutale confession amoureuse. En bonne partie, il est question ici de Dostoïevski lui-même, car ce roman est le plus autobiographique qu’on lui connait. —— Puis, il y a ces Russes toujours, assurément. Les Russes « touristes du jeu », les « estivants », dans une enclave des jeux de hasard, un endroit de villégiature allemand que Dostoïevski a nommé, avec un certain humour, Roulettenbourg. Les Russes dans un état second, exacerbés, échauffés par les désirs, les fantasmes, les lubies de chacun. Les Russes dans une zone d’esprit « carnavalesque » comme le dit Bakhtine à propos de ce roman. Les Russes chez les « Occidentaux », chez leurs éternels adversaires. —— Sur le plan sentimental, la situation est pour le moins extravagante : une rivalité, qu’on pourrait dire internationale. Trois rivaux pour une femme, Pauline, qui de son côté, joue un autre jeu, autrement dangereux, elle peut perdre, tout perdre — elle joue sa vie… —— Avec Gregory Hlady à la mise en scène (La noce de Brecht, Cœur de chien de Boulgakov), on peut s’attendre au songe d’une folle nuit de jeu, sans fin.


Section vidéo

    

    

Scénographie, éclairages et costumes Vladimir Kovalchuk
Conception sonore NIKITA U
Chorégraphie et mouvement Jon Lachlan Stewart
Assistance à la mise en scène Marie Fannie Guay
Visuel Jean-François Brière

Tarifs
Au guichet : régulier 33 $, aîné 26 $, 30 ans et - et membres 24 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 16 $
Par téléphone et en ligne : régulier 35,50 $, aîné 28,50 $, 30 ans et - et membres 26,50 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 18,50 $
Jeudi 2 pour 1 : Remise des billets en personne au guichet du théâtre de 18 h 30 à 19 h 15. S’applique sur le tarif régulier et aux spectacles présentés sur la scène principale. En quantité limitée.

Les rendez-vous du mercredi : 3 février

Production Le Groupe de La Veillée


Théâtre Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : 514-526-6582

Youtube Facebook Twitter
 
______________________________________
            
Critique

Crédit photo : Matthew Fournier

Plus de quarante ans après avoir présenté une première adaptation de L’idiot de Dostoïevski, le Groupe de la Veillée replonge dans l’univers de l’auteur russe en offrant ces jours-ci une adaptation du Joueur dans sa salle principale du Prospero. Le texte, une œuvre à part, a été écrit très rapidement par Dostoïevski, tenu par son éditeur de produire un manuscrit en 27 jours. Il en a résulté un roman à l’écriture spontanée et intuitive, qui a manifestement su inspirer Gregory Hlady qui signe l’adaptation et la mise en scène de cette nouvelle production de La Veillée.

À Roulettebourg, toutes les pensées sont tournées vers le casino et son jeu de roulette. Tous les espoirs, tous les rêves de faire ou refaire sa fortune… tout pulse au rythme bondissant et circulaire de la boule blanche en mouvement. Au service d’un général ruiné qui attend la mort de sa baboulinka (flamboyante Danielle Proulx) pour se renflouer, Alexeï (un Paul Ahmarani en grande forme) est convaincu qu’en jouant son argent, il gagnera et, ce faisant, n’apparaîtra plus comme un esclave aux yeux de la belle Paulina, dont tout le monde est amoureux.

Roman plus proche du journal personnel (le narrateur en est Alexeï), Le Joueur parle un peu aussi de l’auteur, qui fut lui-même joueur compulsif pendant 10 ans, au point d’y perdre presque tout. Avec cette adaptation, Hlady ne prend toutefois pas parti pour le réalisme. Au contraire, sa mise en scène, dense et onirique, multiplie les couches de lecture des personnages. Le spectacle se présente comme un kaléidoscope de pensées, d’actions, de pulsions sous-jacentes et de morceaux de dialogues. Autour du personnage central d’Alexeï, ces éclats bondissent et rebondissent à pleine vitesse dans tous les sens. De fait, sur le fond, la nouvelle production de La Veillée excelle ; c’est sur la forme qu’elle pêche par excès de symbolisme. Le public est stimulé de toutes parts, bombardé de sons, de répliques, de mouvements, au point de saturation en première partie. Hlady y dispose les personnages du Joueur et nous dévoile l’écheveau complexe des relations qui les lie tous d’une manière ou d’une autre à la fameuse roulette. Un brin déroutant pour les spectateurs qui ne connaissent pas le roman.


Crédit photo : Matthew Fournier

La roulette est par ailleurs partout. Omniprésente, envahissante, elle est dans les pensées et les décisions de chaque personnage et se répercute partout dans la scénographie, du plancher (véritable tapis de jeu) au plafond, où un train russe miniature traverse une mer de nuages. Les personnages eux-mêmes ne cessent d’osciller, de se fracasser contre leurs propres émotions ou obsessions. Entre les parties de roulette, magnétiques et magnifiquement chorégraphiées, et le personnage de valet-croupier qui surgit quand on ne l’attend pas (l’énigmatique Mr. Zéro incarné par Jon-Lachlan Stewart), Le Joueur prend des allures carnavalesques, qui ne sont pas sans rappeler les excès délicieux de La Noce, montée par Hlady en 2012.

Le Joueur parle du plaisir du risque à travers ses personnages, qui misent tout sur les lois du hasard dans une volonté de contrôler leur destin qui relève presque du désespoir. Ils se trouvent dans un perpétuel état de crise; une perte de contrôle qui explose à chaque mise au jeu. Le metteur en scène réussit à transmettre efficacement cette tension physique et intérieure des épaves qui continuent de danser sous nos yeux. Chaque perte à la roulette les incite à revenir jouer pour regagner l’argent perdu, redevenir maîtres de la roulette et pouvoir être celui ou celle qui l’aura vaincue.

Au-delà de l’aspect échevelé et par moments surchargé de cette adaptation, il faut saluer le travail d’analyse de l’œuvre dans une mise en scène qui prend le risque de s’éloigner du roman tout en y restant férocement fidèle.

..