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Du 13 au 31 octobre 2015, 20h, mercredi à 19 h, samedi 16h
Si les oiseaux
ENTREVUE AVEC GENEVIÈVE L. BLAIS ET MARIE-ÈVE MILOT
Texte de Erin Shields
Traduction de Maryse Warda
Mise en scène Geneviève L. Blais
Avec Florence Blain Mbaye, Pascal Contamine, Catherine De Léan, Isabel Dos Santos, Jean Maheux, Marie-Ève Milot, Marie Pascale, Estelle Richard, Alice Tran

Tragédie contemporaine obsédante, Si les oiseaux retrace le sombre destin de deux soeurs, Procné et Philomèle, la plus jeune broyée par une agression aussi terrible qu’inattendue, entraînant un effroyable acte de vengeance de son aînée. Inspirée des Métamorphoses d’Ovide, leur histoire s’entrelace aux témoignages d’un choeur de femmes ayant survécu aux atrocités de différents conflits armés du XXe siècle. Transformées en oiseaux errant dans un purgatoire intemporel, ces femmes tissent le fil du mythe, incitant Philomèle à briser le silence. Au fil des mots de cette jeune princesse dont le corps est abandonné à moitié dévoré, ces femmes prennent la parole malgré la honte et la terrible difficulté de dire ce qu’elles ont vécu au Rwanda, en Bosnie, au Bangladesh, à Nankin ou à Berlin. —— C’est en 2003 que Geneviève L. Blais a fondé le Théâtre à corps perdus au sein duquel elle a récemment mis en scène, avec justesse et audace, la pièce Himmelweg de Juan Mayorga. Elle orchestre cette fois-ci une œuvre chorale percutante d’Erin Shields, d’une beauté troublante et d’une actualité dérangeante, qui laisse sans voix.


Collaboration artistique Éric O. Lacroix
Scénographie Jean Brillant, sculpteur
Costumes Fruzsina Lanyi
Musique originale Symon Henry
Éclairages Nancy Bussières
Assistance à la mise en scène Josianne Dulong-Savignac
Visuel Julie Artacho

Tarifs
Au guichet : régulier 33 $, aîné 26 $, 30 ans et - et membres 24 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 16 $
Par téléphone et en ligne : régulier 35,50 $, aîné 28,50 $, 30 ans et - et membres 26,50 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 18,50 $
Jeudi 2 pour 1 : Remise des billets en personne au guichet du théâtre de 18 h 30 à 19 h 15. S’applique sur le tarif régulier et aux spectacles présentés sur la scène principale. En quantité limitée.

Les rendez-vous du mercredi : 21 octobre

Production Théâtre À Corps Perdus


Théâtre Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : 514-526-6582

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Critique

Crédit photo : Maxime Côté

Si les oiseaux consiste en une tragédie contemporaine écrite par l’auteure ontarienne Erin Shield et traduite par Maryse Warda. Avec ce spectacle élaboré sur une période de trois ans, le Théâtre à corps perdu poursuit son mandat d’oser aborder des sujets qui nous laissent sans voix.

Le texte original, If We Were Birds, a gagné le Prix littéraire du Gouverneur général en 2011. À partir de témoignages de survivantes des massacres au Rwanda (1994), en Bosnie-Herzégovine (1992-1995), au Bangladesh (1971), à Nankin (1937) et à Berlin (1945), Shield a créé une fiction autour du viol des femmes en temps de guerre. C’est par le recours au mythe et à des héroïnes plus grandes que nature que l’auteure arrive à dépasser la simple démonstration explicite d’un acte odieux.

L’action se déroule au milieu d’un chœur de cinq femmes métamorphosées en oiseaux ravagés. Le spectacle commence avec une scène très forte, alors que Philomèle entre avec la langue coupée, affirmant que les dieux la lui ont recousue pour qu’elle raconte la violence qu’elle a subie. Le public assistera au récit du mariage du roi Térée de Thrace avec Procné la fille aînée du roi d’Athènes, puis au viol de la jeune Philomèle. Sur le navire devant la conduire à sa grande sœur, elle se fait abuser par Térée, celui-là même en qui elle voyait le mari idéal.


Crédit photo : Maxime Côté

Pascal Contamine incarne d’ailleurs de manière nuancée la dualité qui compose le roi de Thrace, à la fois père et époux dévoué, mais aussi guerrier, tueur et violeur. Il excelle autant comme héros de guerre qui raconte son apport aux grandes batailles que comme père de famille qui s’amuse tendrement avec son fils. Marie-Ève Milot et Catherine de Léan rendent bien la complicité qui règne entre Procné et Philomèle, qui semblent parfois même être deux facettes du même personnage tant elles sont fusionnelles. Malheureusement, cette impression d’unité qui aurait été souhaitable entre les cinq comédiennes du chœur est loin d’être aussi bien maîtrisée. Les interprètes ont des registres de jeu différents et ont de la difficulté à susciter de l’empathie chez le public. Plusieurs répliques prononcées ensemble sont décalées, voire inintelligibles. Alors qu’on les aurait voulues fortes, à l’image des célèbres Érinyes, elles semblent plutôt apitoyées et plaintives.

Le décor conçu par l’architecte Éric Olivier Lacroix et le sculpteur Jean Brillant est magnifique, rappelant à la fois le mémorial et le purgatoire. D’immenses structures en métal rouillé permettent d’évoquer une multiplicité de lieux à la fois, en plus de dynamiser la composition visuelle de la scène. L’utilisation de l’acier et de vestiges industriels récupérés donne aussi une touche moderne à un récit qui prend sa source dans l’Antiquité et à des costumes rappelant les drapés de la Grèce antique.

La mise en scène de Geneviève L. Blais comporte de belles idées, comme le choix de recourir au jus de grenades dans les scènes clés du spectacle. Le fruit juteux sert autant à sceller l’union entre Térée et Procné qu’à évoquer le sang de Philomèle lorsqu’elle se fait violenter. L’image finale de la pièce, alors que les sœurs sont toutes les deux souillées d’une peinture noire très opaque, est également à couper de souffle.

Malgré certaines maladresses dans le rendu de certaines scènes, saluons le courage d’aborder haut et fort un fléau dont personne n’ose parler, le fait que la femme est encore considérée en temps de guerre comme un objet, un tribut offert aux vainqueurs, et que le féminisme est encore aujourd’hui un combat quotidien.

16-10-2015