Corinne et son mari médecin, Richard, ont emménagé à la campagne, comme pour fuir un passé qu’eux-mêmes cernent mal. Dans une ambiance qui aurait dû – dans leurs fantasmes – être champêtre, la jeune et troublante Rebecca, par sa présence au milieu de la nuit, lézarde leur monde fragile.
Corinne, Rebecca et Richard se regardent, mais ne se voient pas. Leurs yeux glissent sur l’enveloppe. Ils sentent à peine les bas-fonds qui pourtant ne cessent de se manifester. Et dans la pénombre, il y a des seringues, un châle et une sacoche. Il y a aussi des souliers, une roche, des enfants qui ne se doutent encore de rien, et des malades qui meurent de solitude. Et ça craque, tout autour, et il vente, dehors, dans une nuit poisseuse qui n’en finit plus, malgré le soleil qui se lève lentement et qui, un peu, aide à la simulation. Parce que c’est justement ce qu’ils font, simuler, en s’y accrochant comme un héroïnomane à sa dose, comme nous tous à nos vies étroites et fragiles, sans vouloir entendre le monde qui gronde.
Martin Crimp, dramaturge du théâtre contemporain anglais qui a traversé largement les frontières du Royaume-Uni, présente une écriture cisaillée où les violences actuelles sont traitées avec humour et cruauté. « Un théâtre post-humain qui s’articule sur la construction de l’absence. » d’après É. Angel-Perez. Ce texte écrit en 2000 a été suivi de nombreuses autres pièces dont Face au mur, La Ville, La Pièce et autres morceaux, Dans la république du bonheur.
Photo Jean-François Brière
Tarif Scène principale
Régulier : 35 $
Senior (65 ans et +) : 28 $
30 ans et - : 26 $
Dans la solitude des champs de coton 38 $
Tarif Salle intime
Régulier : 28 $
Senior (65 ans et +) : 25 $
30 ans et - : 23 $
Tous les prix incluent les taxes.
Aucun frais de service pour l’achat de billets au guichet
Commande en ligne et téléphonique : 3$ de frais de service par billet.
Horaire scène principale :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h
Mercredi à 19h
Samedi à 16h
Horaire salle intime :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h15
Mercredi à 19h15
Samedi à 16h15
Le Groupe de la Veillée en coproduction avec Pétrus
Dates antérieures (entre autres)
Une version fut montée au M-A-I du 4 au 14 mai 2005 par Pétrus, avec Delphine Bienvenu, Justin Laramée et Catherine Lépine-Lafrance
Avec La campagne, présentée jusqu’au 22 octobre prochain, le Groupe de La Veillée puise dans la dramaturgie contemporaine pour sa première production de la saison 2016-2017. L’auteur Martin Crimp est toutefois bien connu du public montréalais qui a pu voir, au cours des dernières années, plusieurs de ses textes montés à l’Espace GO (La ville) ou encore à la Place des Arts (Dans la république du bonheur).
Les pièces de théâtre de Crimp mettent en place un travail sur la forme caractéristique du théâtre postdramatique : un éclatement des personnages et de la fable au profit d’un théâtre où la parole prend toute la place. En ce sens, La campagne se rapproche de ce que Sandrine Le Pors qualifie de « théâtre des voix ». C’est l’auteur Guillaume Corbeil qui assure la traduction de la pièce de Crimp, rendant justice au rythme de la langue quotidienne marquée par les silences, les signes d’oralité et les répétitions présents dans le texte original. Les seules actions violentes de la pièce sont racontées sans être représentées sur scène. La scénographie se résume à une table de cuisine au centre de la scène et à un décor vidéo conçu par Jérémie Battaglia projeté sur le mur du fond : un arbre au milieu d’un champ.
Le metteur en scène Jérémie Niel avait déjà monté La campagne en 2005, au moment de la fondation de sa compagnie Pétrus. Deux des trois comédiens de la distribution actuelle – Delphine Bienvenu et Justin Laramée – se retrouvaient d’ailleurs dans cette première production. On reconnaît dans cette nouvelle mouture les traits caractéristiques des mises en scène de Niel, notamment une direction d’acteurs ancrée dans le réel et dans l’intime, et une attention portée à la musique et au silence.
La campagne débute alors qu’un médecin ramène une femme évanouie chez lui en plein milieu de la nuit sous prétexte qu’il l’a retrouvée inconsciente au milieu de la route alors qu’il rentrait du travail en voiture. Durant tout le spectacle, les personnages chuchotent pour éviter de réveiller les enfants à l’étage et la salle est plongée dans l’obscurité. Dans cette ambiance feutrée, les spectateurs n’ont d’autres choix que de rester attentifs à ce thriller aux allures hitchcockiennes. Écrite par Crimp en 2000, La campagne commande une esthétique à mille lieues de celle de Dans la république du bonheur, mis en scène par Christian Lapointe il y a deux ans, qui brillait par sa démesure et son kitsch.
Le jeu des comédiens est bien nuancé et participe à l’atmosphère étrange, tumultueuse et inconfortable de la campagne dans laquelle se déroule l’histoire. La comédienne et danseuse Victoria Diamond, qui incarne la mystérieuse Rebecca, est particulièrement bien choisie avec sa beauté énigmatique, son accent étranger et son attitude trompeuse.
La campagne instaure un rythme lent et ressassant. Une langue répétitive qui met en relief l’impossibilité des personnages de communiquer efficacement entre eux. Pour ceux qui arrivent à plonger dans l’état contemplatif que la pièce exige, il s’agit d’une expérience théâtrale forte et hypnotique.