Don Juan n’est plus un aristocrate de Séville. Il a perdu de sa superbe au sortir de la guerre de 1914-1918. L’homme est détruit. En revenant le jour de l’Armistice, il redécouvre un pays en pleine mutation, en perte de repères, en proie à la crise. Il va son chemin à la recherche de la fiancée qu’il a jadis abandonnée.
Dans cette pièce chorale composée de 24 tableaux, von Horváth nous présente, sans concessions, le destin de 35 femmes que la vie et la guerre ont transformées ; c’est le paysage d’une société bouleversée que l’auteur fait ressurgir, le terreau dans lequel s’est enraciné le pire de l’Histoire. Et Don Juan, en quête d’un idéal perdu, apparaît tel un mythe qui s’effondre.
C’est cette œuvre sans précédent, née dans l’entre-deux-guerres, que La Veillée souhaite faire entendre. Cette voix concise et visionnaire de l’auteur de Légendes de la forêt viennoise et des fameux romans Un fils de notre temps et Jeunesse sans dieu. « La patrie de Horváth est utopique : elle se nomme Liberté ».
Scénographie et costumes Romain Fabre
Éclairages Nicolas Descoteaux Conception sonore Julien Éclancher
Vidéo David Ricard Assistance aux costumes Catherine Goerner Potvin
Assistance à la mise en scène Valéry Drapeau
Photo Jean-François Brière
Tarif Scène principale
Régulier : 35 $
Senior (65 ans et +) : 28 $
30 ans et - : 26 $
Dans la solitude des champs de coton 38 $
Tarif Salle intime
Régulier : 28 $
Senior (65 ans et +) : 25 $
30 ans et - : 23 $
Tous les prix incluent les taxes.
Aucun frais de service pour l’achat de billets au guichet
Commande en ligne et téléphonique : 3$ de frais de service par billet.
Horaire scène principale :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h
Mercredi à 19h
Samedi à 16h
Horaire salle intime :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h15
Mercredi à 19h15
Samedi à 16h15
Production Le Groupe de la Veillée
Après avoir présenté Illusions d’Ivan Viripaev en 2015, le metteur en scène Florent Siaud collabore à nouveau avec le Prospero en montant Don Juan revient de la guerre, de l’auteur croate Ödön von Horváth. La pièce, écrite en 1935, raconte le retour de la guerre d’un soldat allemand le jour de l’Armistice de 1918. Alors que les œuvres de Tirso de Molina, de Mozart ou de Molière ont participé à construire le mythe du conquérant qui entoure le personnage de Don Juan, le portrait qu’en fait Von Horváth fait davantage ressortir la déchéance et la fragilité du séducteur, qui retrouve son pays en ruine et une population allemande ravagée par le chômage. Il n’a plus besoin de courtiser les femmes, puisque celles-ci sont brisées par la guerre et trouvent naturellement en lui un semblant de réconfort. L’auteur faisait d’ailleurs partie des artistes qualifiés de « dégénérés » par les nazis.
À travers 24 courts tableaux aux allures cinématographiques, Don Juan (excellent Maxim Gaudette) parcourt plusieurs villes d’Allemagne à la recherche de sa fiancée. Si le public sait d’entrée de jeu que celle-ci est décédée il y a déjà quelques années, le personnage n’apprend la nouvelle qu’à la toute fin de la pièce. Sur sa route, il rencontre près de 35 femmes en qui il croit reconnaître certains traits de sa belle. Kim Despatis, Danielle Proulx, Marie-France Lambert, Mylène Saint-Sauveur, Evelyne de la Chenelière et Evelyne Rompré se partagent donc l’incarnation de tous ces personnages secondaires féminins. Celles-ci forment un microcosme de la société allemande d’après-guerre, un chœur de femmes qui rappelle que la collectivité représentée sur scène constitue la somme de douleurs individuelles réunies autour du même cataclysme social. Cette « choralité » est d’ailleurs accentuée par certaines phrases prononcées simultanément, à la manière des avertissements du chœur dans la tragédie grecque. Les comédiennes sont irréprochables lorsqu’elles prêtent leur voix aux multiples personnages, et l’on se prend à regretter que le metteur en scène n’ai pas pu exploiter davantage leur potentiel.
Alors que la force des textes d’Heiner Müller (Quartett, 2014) et de Sarah Kane (4.48 Psychose, 2015) donnait à Florent Siaud beaucoup de matériel pour assoir sa mise en scène, la trame narrative de Don Juan revient de la guerre parait mince. Les personnages sont nombreux et anonymes, l’histoire est parfois inconséquente et, malgré ce que le metteur en scène en dit, les liens que Siaud cherche à tisser avec l’actualité sont minces. Abordant un sujet similaire, la mise en scène de Brigitte Haentjens d’Une femme à Berlin, à l’automne dernier, offrait somme toute une réflexion beaucoup plus riche sur l’impact de la guerre sur les femmes.
Comme pour ses spectacles précédents, Florent Siaud porte une grande attention au mouvement dans son travail de mise en scène. À plusieurs reprises, les femmes feignent de crier, la bouche grande ouverte, rappelant l’iconographie du célèbre Cri d’Edvard Munch, et préfigurant aussi le cri de détresse ultime poussé par Don Juan lorsqu’il apprend la nouvelle de la mort de sa fiancée. Le scénographe Romain Fabre a conçu un décor et des costumes sombres et expressionnistes qui font écho à la lourdeur de l’atmosphère de la pièce. Une plateforme au centre de la scène, surélevée d’à peine quelques marches, permet les allers et venues des personnages, alors qu’un rideau noir est parfois déployé à l’avant de la scène pour permettre des projections vidéos montrant le visage de Don Juan impassible.
Don Juan revient de la guerre démontre à nouveau le grand talent de metteur en scène et de directeur d’acteurs de Florent Siaud. Toutefois, si le texte d’Horváth constitue une œuvre connue et appréciée du public européen, il semble moins bien rejoindre le public québécois.