Un garçon, seul dans le Skytrain de Vancouver, entend des coups de feu. En une fraction de seconde, l’action se rejoue sous tous les angles possibles dans son esprit pétri d’images hollywoodiennes, recréant peu à peu une scène troublante.
Big Shot déconstruit avec précision la tension croissante menant à une fusillade qui porte toutes les marques d’un profilage social des plus classiques et les personnages qui y participent : un policier tirant sur un toxicomane qui tente de s’en sortir, un vieux Japonais ayant provoqué l’incident, une mère à laquelle on a arraché son fils et un mystérieux cinéaste inspiré par cet horrible évènement.
Ce spectacle est écrit et interprété par Jon Lachlan Stewart, l’énigmatique M. Zero dans Le Joueur de Dostoïevski présenté en janvier 2016 au Prospero. Depuis sa création en 2012, Big Shot a été joué partout au Canada et sera présenté, dans une version bilingue, pour la première fois sur une scène québécoise.
Section vidéo
Tarif Scène principale
Régulier : 35 $
Senior (65 ans et +) : 28 $
30 ans et - : 26 $
Dans la solitude des champs de coton 38 $
Tarif Salle intime
Régulier : 28 $
Senior (65 ans et +) : 25 $
30 ans et - : 23 $
Tous les prix incluent les taxes.
Aucun frais de service pour l’achat de billets au guichet
Commande en ligne et téléphonique : 3$ de frais de service par billet.
Horaire scène principale :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h
Mercredi à 19h
Samedi à 16h
Horaire salle intime :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h15
Mercredi à 19h15
Samedi à 16h15
Production Surreal SoReal Theatre
Conte cinématographique assumé, Big Shot, de Jon Lachlan Stewart, propose en soixante-quinze minutes de revisiter un fait divers tragique par le regard de ceux qui l’ont vécu. En tournée depuis 2008, la production du Théâtre Surreal SoReal s’arrête ces jours-ci au Théâtre Prospero dans une version bilingue inédite, et elle n’y perd rien de son style percutant ni de son rythme.
Dans un wagon du Skytrain, ce train sans conducteur à Vancouver, un adolescent lucide observe les lumières de la ville, nous confie son admiration pour le cinéma, son envie de voir la vie autour de lui se transformer en film, puis nous décrit la scène dont il est témoin ce soir-là, en rentrant d’un festival de cinéma.
Porté par son auteur et unique acteur, et soutenu par une technique visuelle simple, mais irréprochable, Big Shot nous propulse au cœur des ressorts cinématographiques et de drames cruellement humains. Sous nos yeux, Lachlan Stewart rejoue la scène du train sous tous les angles en se glissant dans la peau de chacun des protagonistes présents (ou témoins) et remontant le fil des événements qui ont mené à cet instant dans ce wagon, ce soir-là. Histoire de naufrages humains sur fond de ville animée, bruyante, pleine de petites et de grandes solitudes. Chaque personnage semble pris au piège de son propre univers étriqué, de ses problèmes, de sa colère. Ils sont sans horizons alors que le monde défile à toute vitesse autour d’eux.
Jon Lachlan Stewart, qu’on avait déjà pu apprécier en 2016 en M. Zero dans l’excellent Le joueur, offre une performance exceptionnelle pour chacun des personnages qu’il incarne, changeant voix, physique, accent et occupation de l’espace tout en maintenant la connexion entre eux. Sa narration se révèle captivante et terriblement efficace, faisant émerger les pensées des personnages pour peu à peu dévoiler les lieux et les situations qui les unissent, à la manière d’un film choral (on ne peut s’empêcher de tracer des parallèles avec Crash de Paul Haggis). L’auteur et comédien évoque par petites touches les aspirations, les envies et les souvenirs douloureux. Et c’est ainsi que se mettent implacablement en place les éléments du drame final.
Le langage cinématographique fait partie prenante de Big Shot, dans cette mise en scène de Georgina Beaty. On le reconnaît tant dans le vocabulaire employé par les personnages, que dans le style de description (on jurerait par moment voir le traveling dévoilant la scène du train) et dans le style visuel du spectacle. Chaque personnage se retrouve encadré dans un univers, représenté par une texture, une lumière, une image, comme autant de cadres de caméra ou de compartiments de train, toujours fermés sur eux-mêmes.
Au-delà du drame qui unit les personnages et de leur grande solitude, la pièce aborde de front le besoin viscéral des humains de connecter avec autrui, de communier pendant un moment, de faire partie d’un tout. N’est-ce pas d’ailleurs pour cette raison qu’on se réunit dans une salle, dans le noir, pour voir un film… ou assister à une pièce de théâtre, comme le souligne malicieusement l’auteur? Big Shot parle aussi de la difficulté de communiquer, de se faire entendre ou même comprendre, et des barrières sociales et culturelles qui se dressent, on qu’on dresse, entre nous. Parfait bilingue, le comédien et auteur navigue sans difficulté d’une langue à l’autre, ajoutant même quelques phrases en japonais, et s’amuse avec les surtitres et le public en se jouant du quatrième mur. De fait, cette version bilingue (même trilingue) enrichit le discours d’une façon qui paraît si naturelle qu’on jurerait que la pièce a été écrite ainsi.
Dotée d’une trame multicouche parfaitement maîtrisée et menée par le grand talent d’acteur de Lachlan Stewart, Big Shot offre un mariage réussi du théâtre et du cinéma.