Un dealer et un client. Ils se jaugent et s’évaluent dans un espace hors du temps, à une heure entre chien et loup. Puis, une joute verbale s’engage : fulgurances poétiques et trivialités se succèdent, se chevauchent dans un échange qui se révèle davantage lutte de pouvoir et lutte de désir.
Au plateau, le rituel du commerce illicite mené ici par deux femmes renouvèle le regard sur cette pièce culte de Koltès. Les spectateurs, casques aux oreilles, plongent dans l’intimité des comédiennes jusqu’au moindre de leurs souffles.
Un spectacle immersif et émotionnel de Roland Auzet. Une occasion exceptionnelle de découvrir deux actrices importantes de la scène théâtrale française.
Visuel Jean-François Fernandez et Livia Saavedra
Tarif Scène principale
Régulier : 35 $
Senior (65 ans et +) : 28 $
30 ans et - : 26 $
Dans la solitude des champs de coton 38 $
Tarif Salle intime
Régulier : 28 $
Senior (65 ans et +) : 25 $
30 ans et - : 23 $
Tous les prix incluent les taxes.
Aucun frais de service pour l’achat de billets au guichet
Commande en ligne et téléphonique : 3$ de frais de service par billet.
Horaire scène principale :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h
Mercredi à 19h
Samedi à 16h
Horaire salle intime :
Mardi, jeudi, vendredi à 20h15
Mercredi à 19h15
Samedi à 16h15
Coproduction La Muse en circuit et Act Opus ( France)
une présentation du Groupe de la Veillée
Production déléguée : La Muse en Circuit, Centre national de création musicale. Coproduction : Act-Opus, Compagnie Roland Auzet – Les Célestins, Théâtre de Lyon – CICT / Théâtre des Bouffes du Nord, Paris. Avec le soutien du DICREAM et de la SPEDIDAM du CALQ et du CAC
Le Théâtre Prospero ouvre sa saison 2016-2017 avec une production française qui revisite l’un des textes les plus connus de Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton, en le tirant de la boîte fermée du théâtre pour le projeter dans l’espace public. Sitôt son billet récupéré, on est en effet invité à enfiler un casque d’écoute et à suivre un guide jusqu’au stationnement derrière le théâtre.
L’endroit est sommairement éclairé par les lumières extérieures, enserré entre trois murs et un plafond bas, tout en béton. C’est sale comme un stationnement, ça sent un peu la merde de chien, mais il y flotte un frisson d’excitation quand une première voix nous apostrophe. On met un temps à en trouver la source. Le Dealer se fraie un chemin parmi la foule comme si elle n’y était pas, trace sa ligne droite (ou un peu courbe?) jusqu’à retrouver le Client, planté au milieu du cercle instinctivement formé par les spectateurs.
Sans être un texte aride, Dans la solitude des champs de coton exige la plus complète attention, une écoute attentive, ici encouragée et stimulée par un environnement sonore qui tisse un cocon autour de chaque spectateur. Casque sur les oreilles, celui-ci est à la fois coupé de son environnement et branché directement sur celui des deux personnages, dont les chemins se croisent fortuitement au cœur de la nuit.
Leur rencontre donne lieu à une valse dangereuse sur le thème de la différence, de la violence et du désir : celui du vendeur de satisfaire son client, celui du client de ne pas dévoiler ses envies, celui de l’un de dominer l’autre... Écrite pour un acteur noir et un acteur blanc, la pièce gagne une tout autre dimension dans cette production, créée en mai dernier dans le centre commercial de la Part-Dieu, à la gare de Lyon, grâce notamment à son interprétation par deux femmes de générations dissemblables et aux allures androgynes.
Le metteur en scène Roland Auzet mise tout sur ses deux actrices (exceptionnelles Anne Alvaro et Audrey Bonnet), dont les voix se glissent au creux de l’oreille, et sur une scénographie sonore faite de bourdonnements, de battements et d’accords électriques. L’accent des voix et des sons donnent à l’ensemble de la production une tension sous-jacente que le spectateur ressent d’autant plus en première partie, tandis qu’il demeure sur ses aguets, prompt à changer de position (pour tenter de voir l’action) et de point de vue selon les déplacements des actrices dans l’espace. La tension, qui monte pourtant de plusieurs crans en deuxième partie, se fait moins sentir à partir du moment où le public retrouve sa position confortable dans les fauteuils du théâtre, où il s’assied sagement.
Le jeu des actrices brille quant à lui de plus en plus violemment, alors que les échanges entre le Dealer et le Client deviennent aussi précis que la lame d’un couteau chirurgical. Chaque mot, chaque inspiration cisèle la relation instaurée entre ces deux inconnues qui se croisent entre chien et loup, ce moment du jour où les contours de la réalité se font plus flous. Les deux femmes se jaugent et se mesurent pendant près d’une heure, comme deux combattants évaluant les forces de l’adversaire, tendant des pièges et attendant le premier coup, mais l’objet du désir n’est jamais nommé. « Qu’espérez-vous tirer de moi? » finit par demander avec exaspération le Client incarné par Audrey Bonnet, aux gestes secs et à la langue cassante. « Tout geste que je prends pour un coup s’achève comme une caresse ; il est inquiétant d’être caressé quand on devrait être battu. » Leur danse de haute voltige finira bien par les jeter l’une contre l’autre…
Laissant toute la place aux propos philosophiques de Koltès, cette réinterprétation de Dans la solitude des champs de coton offre une expérience immersive exigeante, et donne à voir la rencontre de deux âmes solitaires incapables de se dévoiler à l’autre.