Bienvenue dans la classe de madame Catherine.
Votre professeure de troisième année sait que le monde dans lequel vivent ses élèves est irrémédiablement violent et dangereux. C’est pourquoi, en cette dernière journée d’école, elle vous a préparé une leçon d’une importance capitale. Votre survie en dépend… mais les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu.
Dans cette nouvelle mise en scène de Jon Lachlan Stewart (Big Shot, Salle intime, Prospero 2017), madame Catherine vous plonge dans sa propre paranoïa, passant du profilage racial à l’obsession sécuritaire, avec en arrière-plan, la crainte viscérale d’une tuerie de masse, et le besoin de s’en prémunir par tous les moyens. Mais derrière toute paranoïa se cache une indicible vérité.
Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l’irrémédiable est une comédie noire d’une inquiétante étrangeté sur un monde en dérive, un monologue abordant notre rapport aux armes à feu, où le tragique nous guette et plane au-dessus de la tête de tous les petits adultes en devenir.
Texte Elena Belyea
Traduction Olivier Sylvestre
Mise en scène Jon Lachlan Stewart
Avec Alice Pasqual
Crédits supplémentaires et autres informations
Scénographie Cédric Lord
Éclairages et costumes Zoe Roux
Assistance à la mise en scène Amanda Goldberg
Mardi 20h15, mercredi 19h15, jeudi-vendredi 20h15, samedi 16h15
TARIFS
Scène principale - régulier 35$, sénior 65 ans et + 28$, 30 ans et - / membres 26$
Scène intime - régulier 28$, sénior 65 ans et + 25$, 30 ans et - / membres 23$
Les prix incluent les taxes, commande en ligne ou par téléphone : frais de service de 3$ par billet
Production Surreal Soreal
Jusqu’à la mi-avril, le Théâtre Prospero présente Madame Catherine prépare sa classe de troisième pour l’irrémédiable, une pièce dramatiquement d’actualité d’Elena Belyea traduite par Olivier Sylvestre et mise en scène par Jon Lachlan Stewart. Si le texte a été créé en anglais en 2014, sa pertinence est constamment réitérée par les manchettes des bulletins de nouvelles.
Pour la dernière journée de l’année, Madame Catherine a préparé un programme tout spécial pour sa classe de 3B. Considérant que la société québécoise n’est ni assez informée ni assez inquiète des dangers que courent les enfants dans les écoles, elle choisit de prendre les choses en mains et de donner une leçon de survie aux principaux intéressés. Avec une franchise désarmante, elle leur explique la signification des mots « tireurs », « confinement » ou « profilage », leur apprend comment « courir », « se cacher » et « attaquer » lors d’une situation d’urgence, et leur fait un bref historique des tueries survenues dans les écoles au cours des dernières décennies. Colombine, Sandy Hook et Great Mills, mais aussi Polytechnique, Concordia et Dawson. Pour montrer à ses élèves avec quelle facilité il est possible de faire entrer une arme entre les murs de l’école, elle va même jusqu’à sortir le fusil qu’elle traîne dans son sac depuis plus d’une semaine sans qu’aucun garde de sécurité n’en ait eu connaissance. D’une façon ludique et originale, le spectacle aborde le rapport que l’on entretient avec les armes à feu au Québec et la paranoïa qui peut facilement nous envahir si l’on se laisse aller à une trop grande lucidité quant à la fragilité de l’existence. Même à l’école, qui consiste en un lieu où les enfants devraient se sentir en sécurité, le danger les guette. Et ni Carl le gardien de sécurité qui dort constamment, ni le directeur, ni même les enseignants, ne pourront les protéger contre l’« irrémédiable ».
La performance d’Alice Pascual est magistrale dans le rôle de cette professeure tellement aimante et préoccupée par la sécurité de ses élèves qu’elle en vient à alimenter le climat de peur envahissant plutôt qu’à le prévenir. Tous les détails de son interprétation sont pleinement contrôlés, jusqu’à ses tics trahissant son manque de sommeil et son inconfort à donner sa « leçon de survie » clandestine. Tout au long du spectacle, la comédienne interagit avec le public comme elle l’aurait fait avec une classe d’enfants du primaire. Les spectateurs assis dans les deux premières rangées se font même attribuer un nom permettant à Madame Catherine de les interpeler directement. La mise en scène de Jon Lachlan Stewart mise justement sur cet échange constant entre la scène et la salle, qui oblige l’actrice à s’adapter aux réactions et à la participation des spectateurs. Elle les fait se lever, leur demande de placer leur main en position de « coyote », les fait pratiquer des techniques de défense, et les invite à remettre en question la gentillesse et la fiabilité de leurs voisins de siège.
En recourant à différentes techniques d’enseignement adaptées à un auditoire d’enfants – le jeu masqué, le rap, la marionnette – Madame Catherine cherche à adoucir l’horreur du drame qu’elle évoque, sans se rendre compte que ses « stratégies pédagogiques » ne font que redoubler sa maladresse à aborder un sujet préoccupant de manière aussi décalée. À partir du portrait type du tireur – un homme blanc, seul, originaire d’une petite communauté –, la professeure identifie les élèves de la classe ayant le plus de chance de commettre une tuerie. Plus tard, elle enfile des demi-masques de différents tireurs, Marc Lépine notamment, pour raconter les circonstances et les motivations de leurs gestes irréparables, puis elle colle leurs visages sur le devant de son bureau comme une murale.
En plus de mettre en évidence le choc entre la candeur de l’enfance et la violence du monde actuel, Madame Catherine prépare sa classe de troisième pour l’irrémédiable oblige le spectateur à réfléchir aux dérives de la peur panique cultivée par certains dirigeants politiques, à commencer par Donald Trump qui proposait il y a quelques semaines de munir les enseignants américains d’armes à feu sous prétexte de leur assurer une plus grande sécurité sur leur lieu de travail.