Deux femmes, deux amies, doivent quitter précipitamment leur pays. Elles doivent fuir rapidement. De cet arrière-plan politique, on saura peu de choses : une trahison, une catastrophe, une guerre ? Elles doivent partir. Elles quittent non seulement une vie confortable mais sont jetées hors de leurs repères, hors d’elles-mêmes. Leur vie était sans histoire, une vie normale tout à coup bouleversée.
Exode ou exil intime ? Est-ce pour parer à ce qui les menace qu’elles s’inventent d’étranges jeux de rôles ? Est-ce que l’imaginaire sert de paravent à leur détresse ?
« Poème sur l’absence », la disparition, le départ, l’éloignement, Arne Lygre évoque aussi le sentiment d’insécurité de plus en plus envahissant qui obsède nos sociétés, celui des doutes, des incertitudes. Et ce malaise des identités se conjugue dans les replis d’une écriture minimaliste, toute fine, épurée qui fait la force des pièces de Lygre. Je disparais en présente une allégorie poignante et intime.
Texte Arne Lygre
Traduction Guillaume Corbeil
Mise en scène Catherine Vidal
Avec Larissa Corriveau,
James Hyndman,
Marie-France Lambert,
Marie-Claude Langlois,
Macha Limonchick
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Alexandra Sutto
Costumes Marilène Bastien
Élaboration de l’espace Catherine Vidal, Marilène Bastien, Pierre Mainville
Éclairages Pierre Mainville
Conception sonore Francis Rossignol
Stagiaire assistance à la mise en scène Ariane Brière
Mardi 20h, mercredi 19h, jeudi-vendredi 20h, samedi 16h
Rencontre avec le public : 4 octobre
TARIFS
Scène principale - régulier 35$, sénior 65 ans et + 28$, 30 ans et - / membres 26$
Scène intime - régulier 28$, sénior 65 ans et + 25$, 30 ans et - / membres 23$
Les prix incluent les taxes, commande en ligne ou par téléphone : frais de service de 3$ par billet
Une production du Groupe La Veillée
Jusqu’au 21 octobre, le Théâtre Prospero présente la pièce Je disparais, de l’auteur norvégien Arne Lygre, dans une mise en scène minimaliste de Catherine Vidal. Sur le plateau, seules deux chaises font office de décor, alors que le public entoure les acteurs grâce à une disposition trifrontale. Une femme (excellente Marie-France Lambert) entre en scène et explique qu’elle attend son mari, son amie et la fille de celle-ci, puisqu’ils doivent partir. Elle doit donc faire le deuil de sa vie d’avant pour fuir un danger dont la nature restera inconnue tout au long du spectacle.
Le principal intérêt de la pièce réside dans la particularité de sa mise en récit, trouée, qui fait s’entrecroiser plusieurs points de vue narratifs. Au no man’s land d’où les personnages prennent la parole s’ajoute un espace fictionnel délimité par les éclairages de François Marceau. À l’occasion, un rectangle de lumière est projeté sur le sol et permet à la narratrice d’imaginer un récit alternatif, souvent catastrophique, voire apocalyptique. Ces scénarios imaginés semblent avoir un effet cathartique sur les personnages, qui font preuve d’une sincérité extrême. Ainsi, une femme en phase terminale du cancer exprime qu’elle aurait préféré se retrouver seule plutôt qu’avec l’amie qui l’accompagne. À un autre moment, un homme à bord d’une embarcation de fortune explique à son épouse que contrairement à ce qu’il aurait pensé, il ne serait pas prêt à donner sa vie pour lui permettre d’arriver saine et sauve sur la terre ferme. La simplicité de ces différents constats invite le spectateur à réfléchir à l’empathie qu’il ressent pour son entourage. Cette question de l’empathie traverse d’ailleurs la pièce, alors que la femme déplore de ne pas être en mesure de se mettre à la place des autres. À la toute fin de la pièce, son mari (James Hyndman) racontera même l’histoire d’un homme qui cherche à se rappeler ce qu’il a ressenti à la mort de son fils, sans toutefois y arriver. À mesure que la pièce avance, ces scènes imaginées fusionnent avec les scènes « réelles » vécues par les personnages, de manière à ce que la frontière entre les deux univers ne soit plus possible à délimiter.
La conception sonore de Francis Rossignol ajoute aussi énormément de force à certaines scènes clés de la pièce. C’est le cas lorsque les personnages incarnés par Marie-France Lambert, Macha Limonchik et Larissa Corriveau s’imaginent pris sous les décombres d’un immeuble suite à un tremblement de terre. La salle est plongée dans un noir presque complet alors que les personnages discutent en attendant d’être secourus. Une femme demande même à son mari de lui fracasser le crâne d’un coup de pied pour lui permettre d’échapper à une mort lente et douloureuse. Privés de quatre de leurs sens, les spectateurs n’ont d’autre choix que de s’imaginer l’horreur de la scène et de rester attentifs au moindre bruit de l’atmosphère sonore oppressante créée par Rossignol.
La fin du spectacle n’est malheureusement pas digne de la complexité philosophique et esthétique de l’ensemble de la pièce. Une grande attente se tisse autour de l’absence du mari au rendez-vous que le couple s’était fixé pour fuir, et la scène finale déçoit par sa simplicité et par un jeu d’acteur décalé. Le sentiment d’étrangeté qui traversait le spectacle jusqu’alors perd de sa puissance en fin de parcours et laisse finalement le public sur sa faim.