C’est une séparation. On ne s’aime plus, pas question de faire semblant d’être copains, quittons-nous. Alors il part, laisse la maison à elle et à la petite, leur laisse tout. La nuit précédant son départ, le poisson combattant de la petite saute hors de son bocal et meurt au pied de la console. Dès lors, pour lui, un seul but : trouver quelque part l’endroit pour enterrer le poisson, va savoir où, un endroit idéal, on imagine qu’un endroit est prévu pour chaque créature, c’est ce qu’on dit. Comme s’il en allait de sa propre existence, remisée, défaite, à recoudre, il prend la route à la recherche « d’un endroit pour faire mourir sa vie présente, et renaître dans un endroit vierge de tout souvenir ».
Texte et mise en scène Fabrice Melquiot
Avec Robert Bouvier
Crédits supplémentaires et autres informations
Voix Line Richard
Scénographie et costumes Elissa Bier
Univers sonore Julien Baillod
Assistance à la mise en scène Adrien Minder
Lumières Mathias Roche
Création vidéo Janice Siegrist
Photo Cosimo Terlizzi
Mardi 20h, mercredi 19h, jeudi-vendredi 20h, samedi 16h
Rencontre avec le public : 14 mars
TARIFS
Scène principale - régulier 35$, sénior 65 ans et + 28$, 30 ans et - / membres 26$
Scène intime - régulier 28$, sénior 65 ans et + 25$, 30 ans et - / membres 23$
Les prix incluent les taxes, commande en ligne ou par téléphone : frais de service de 3$ par billet
Une production Compagnie du passage (CH)
Après vingt ans d’absence, le comédien suisse Robert Bouvier remonte sur les planches du Théâtre Prospero pour y présenter Le poisson combattant, une pièce qu’a écrite pour lui l’auteur français Fabrice Melquiot. Entre fable et récit initiatique, Le poisson combattant raconte l’histoire d’un homme récemment séparé, qui cherche le lieu de sépulture idéal pour enterrer le poisson de sa fille, mort le matin de son départ.
Seul en scène, Robert Bouvier interagit avec différents personnages, principalement son ex-femme et avec sa fille, représentées par des chaises vides, des ombres ou encore par des vidéos. Les murs blancs qui entourent le protagoniste servent de surface de projection pour représenter sa psyché sous la forme d’images figuratives (une avalanche, par exemple) et d’images abstraites en mouvement, mais aussi grâce à des phrases décrivant avec beaucoup d’humour certaines de ses réflexions. Outre l’utilisation de la vidéo, l’analogie avec le cinéma traverse la pièce, puisque l’homme semble orchestrer le fil de sa vie au rythme des zooms, des travellings et des plans panoramiques qu’il commente et critique. Le rapport à la mémoire traverse aussi le spectacle, alors que l’homme s’adonne à une introspection de son passé, de ses aspirations et des traumatismes de son enfance. Ainsi, la mort d’un simple poisson devient un prétexte pour admirer avec un peu de recul le cours labyrinthique de sa vie. À cet effet, la citation de Textes pour rien de Samuel Beckett, affiché en exergue du spectacle, préfigure bien la langue mélangeante et acrobatique de Melquiot qui entraîne le spectateur dans de multiples directions.
Si c’est en se glissant sous l’un des murs de cet espace cubique que Bouvier entre en scène, le comédien paraîtra cloîtré durant tout le reste de la représentation dans cet espace onirique et envoûtant, alors qu’accessoires et éléments de décor lui seront glissés au fur et à mesure par une collaboratrice en coulisses. Ainsi, cette scénographie, conçue par Janice Siegrist, contribue à enfermer le comédien dans un espace clos dont il peine à s’extirper, à l’image du poisson combattant confiné à son bocal. Avec beaucoup d’ingéniosité, les éléments de décor se transforment au gré de l’imagination du personnage, devenant tour à tour voiture, banc de parc ou table de cuisine. La musique de Julien Baillod participe aussi à donner l’impression au public d’entrer dans la tête du protagoniste, la conception sonore mélange voix humaines, bruits organiques et murmures de l’environnement extérieur.
Tous les éléments de la mise en scène accompagnent le jeu précis et énigmatique de Robert Bouvier, qui happe le spectateur avec son sourire complice et son regard pénétrant. Tout au long de la pièce, le comédien enfile et désenfile compulsivement des dizaines de tenues différentes passant de la sobriété du jeans-camisole à l’original chandail Winnie the Pooh-casquette orangée. Cette artificialité de la gestuelle crée une distance avec le réel, qui laisse présager la fin du spectacle, originale et particulièrement réussie. Rares sont les comédiens dont l’aura pousse autant à la fascination.
Enfin, Le poisson combattant constitue une belle occasion de découvrir le fruit de la rencontre des univers créatifs de Robert Bouvier et Fabrice Melquiot, deux figures importantes du théâtre européen trop peu connues du public québécois.