Perdu dans les rues de Londres, Jasmin, jeune loup de la finance débarqué de Montréal, rencontre Hadi, un jeune homme qui cherche à lui vendre un tapis précieux aux motifs fascinants. Ce qui pourrait être une banale transaction se transforme en une véritable énigme quand le vendeur demande à Jasmin le mot de passe qui conclura le deal. Warda nous transporte comme dans les légendes de tapis volants de Londres à Anvers, en passant par Paris, Bagdad et Québec. D’escale en escale, les questions surgissent : qui est Warda ? Quel est son lien avec le tapis ? Et surtout, comment son existence et celle de Jasmin se retrouvent-elles inextricablement liées ? Warda, un conte à clé, une quête initiatique, un voyage dans l’espace et le temps.
Texte Sébastien Harrisson
Mise en scène Michael Delaunoy
Avec Violette Chauveau,
Hubert Lemire,
Salim Talbi,
Christina Toth,
Mieke Verdin
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Lénaïc Brulé
Scénographie et costumes Gabriel Tsampalieros
Création sonore Eric Ronsse
Lumière Laurent Kaye
Mardi 20h, mercredi 19h, jeudi-vendredi 20h, samedi 16h
Rencontre avec le public : 24 janvier
TARIFS
Scène principale - régulier 35$, sénior 65 ans et + 28$, 30 ans et - / membres 26$
Scène intime - régulier 28$, sénior 65 ans et + 25$, 30 ans et - / membres 23$
Les prix incluent les taxes, commande en ligne ou par téléphone : frais de service de 3$ par billet
Une production Les Deux Mondes et le Rideau de Bruxelles (BE)
Spectacle créé le 14 avril 2016 au Rideau de Bruxelles.
Coproduction des compagnies de théâtre Les Deux Mondes (Québec) et Le Rideau de Bruxelles (Belgique), Warda de Sébastien Harrisson aborde des univers où des cultures diverses se côtoient, se frôlent et se chevauchent. Dans une mise en scène de Michael Delaunoy, l’aventure s’avère un périple parfois décoiffant, mais surtout attrayant sur la scène principale du Théâtre Prospero.
Réalité de plus en plus tangible, la mondialisation se répercute même dans le texte avec quelques phrases en anglais, en flamand et en néerlandais. La pièce d'une heure et demie voyage d’un pays et d’un continent à l’autre. Elle s’amorce alors qu’une femme, Anneleen (Mieke Verdin) s’avance seule devant la scène et s’adresse au public. Celle-ci s’allume une cigarette (la «controverse» du Théâtre du Trident survenue l’automne dernier nous revient rapidement en mémoire). Puis, nous nous retrouvons à Londres dans une boutique de tapis. Jasmin, un jeune financier de Montréal assez arrogant (Hubert Lemire) rencontre Haidi (Salim Talbi) qui cherche à lui vendre un tapis assez intriguant, «très rare avec un mélange de laine et de soie». Comme dans certains contes traditionnels, l’objet en question semble posséder des pouvoirs magiques. Jasmin passe par Paris où il rencontre une amie québécoise, Colombe (Violette Chauveau), qui héberge Lily, une étudiante canadienne-anglaise (Victoria Diamond) qui se passionne pour la French Theory («une fille de gauche, comme cela m’attire», lance Jasmin avec un certain sarcasme), et pour l’un de ses maîtres à penser (Michel Foucault et son concept d’hétérotopie). Il se rend en fin de parcours à Bagdad. À l’extérieur, des bruits de tirs se font entendre.
En contraste à la succession des escales rapides du récit, le décor conçu par Gabriel Tsampalieros se démarque par son aspect douillet et calme. Tout blanc, il se caractérise aussi par son usage multifonctionnel avec son long tapis au sol et ses deux meubles de forme circulaire, servant à la fois de table, de divan et de lit. L’intrigue passe aisément d’une boutique à un appartement que l’on imagine cossu, sans oublier les chambres d’hôtel où Jasmin atterrit entre deux vols et deux changements de chemises blanches. Les lumières de Laurent Kaye enveloppent cette atmosphère de manière évocatrice, tout comme les séquences musicales discrètes d’Éric Ronsse et Nicolas Stroïnovsky.
Par ses thèmes et ses personnages, la pièce de Sébastien Harrisson se rapproche des œuvres scéniques de Robert Lepage (notamment Le Projet Andersen ou Le Dragon bleu) bien que l’écriture et la progression dramatique soient plus fortes ici. Les individus se promènent d’un endroit à l’autre sur la planète, les distances géographiques disparaissaient comme une peau de chagrin. Mais ils demeurent hantés par certains souvenirs de leur lieu premier d’appartenance.
Si certaines réalisations antérieures du dramaturge québécois abordaient l’homosexualité de manière directe (Floes, D’Alaska), les pulsions érotiques des protagonistes jouent dans Warda la carte de l’ambiguïté autant chez les hommes que chez les femmes. Haidi fait des avances de manière plus subtile à Jasmin («c’est rare un homme avec un nom de fleur», lui dit plus tard Anneleen) lors de leur première rencontre à Londres, mais avec beaucoup moins d’ambivalence lorsqu’il réapparait comme par magie dans une chambre d’hôtel complètement nu. Jasmin manifeste d’abord son désintérêt, mais la dernière séquence dans une autre chambre d’hôtel, où les deux personnages ramassent sur le sol des citrons tombés d’un plat, ouvre la porte à bien des interprétations. Les échanges entre Colombe et Lily comprennent des mots assez explicites. Plus tard dans l’intrigue, la seconde se retrouve dans la chambre d’hôtel de Jasmin, comme une sorte de double de Michel Foucault (figure gaie reconnue) en reprenant certaines phrases du célèbre philosophe français. L’échange entre les deux êtres ne possède toutefois pas toute la force nécessaire pour nous convaincre totalement de la pertinence du procédé.
Les spectatrices et spectateurs doivent accepter de ne pas tout comprendre du premier coup pour apprécier la proposition à sa juste valeur, notamment par les liens entre le réel et l’imaginaire. Autrement, l’histoire aux différents fils narratifs comme une toile d’araignée se laisse apprivoiser. Sans le chercher nécessairement, l’auteur pose de nombreuses questions sur le métissage, sur la transmission et l’héritage que l’on apporte, ailleurs. L’amour de la culture et le devoir de mémoire s’inscrivaient également dans la précédente création d’Harrisson présentée à Montréal, soit La Cantate intérieure.
La direction de Michael Delaunoy apporte une cohérence à l’ensemble et réunit sans difficulté tous les morceaux du casse-tête. La distribution s’en tire bien, surtout Mieke Verdin et Salim Talbi par leur naturel imparable. Hubert Lemire manque un peu de tranchant au début, mais donne au fur et à mesure plus de mordant à ce requin de la finance qui apprend à s’humaniser.
Sans tomber dans l’exotisme de pacotille, Warda apporte d’agréables moments et nous laisse sur quelques secrets.