Sans attaches, sans repères, Gary, 15 ans, vit dans la banlieue d’une petite ville. Ses propos hostiles et décousus suscitent la méfiance. Gary voit en Oussama Ben Laden et dans l’acte terroriste une manière d’exister intensément, de défier la mort et de devenir un héros. Comme les extrémistes qui sont morts dans l’attaque du World Trade Center, dans l’attentat contre Charlie Hebdo. Comme ceux qui conduisaient les camions béliers à Nice et à Barcelone, ou ceux qui ont perpétré les attaques meurtrières de Saint-Jean-sur-Richelieu et la fusillade d’Ottawa…
Les pensées de Gary font de lui un ennemi, et le désordre s’installe dans son entourage. On l’arrête pour lui faire subir un interrogatoire qui révèle davantage la violence des autres que la sienne. Et comme dans le chaos, seul l’instinct de mort peut combattre la peur, la quête de Gary fera de lui un homme à abattre.
Héritier du théâtre « In-Yer-Face », l’œuvre de Dennis Kelly invite à repenser les notions de bien et de mal, et à méditer sur notre condition humaine.
Texte Dennis Kelly
Traduction Jean-François Rochon
Mise en scène Reynald Robinson
Avec Anne-Justine Guestier,
Elisabeth Smith,
Éric Cabana,
Gabriel Simard,
Gabriel Szabo
Par Olivier Dumas
Avec Mon héros Oussama, les deux créateurs scrutent en compagnie de leurs acolytes les zones souvent sombres et parfois étincelantes de l’âme humaine.
« Et ce qui heurte le plus n’est pas la violence elle-même, mais son caractère profondément humain1 », lisons-nous sur la page du site français théâtre-contemporain.net dans la présentation de l’œuvre du Britannique Dennis Kelly (connu là-bas sous le titre légèrement différent d’Oussama, ce héros). Et tout au long de l’entrevue qui s’est déroulée, en une journée ensoleillée sur l’heure du midi dans une salle de répétition à l’École nationale de théâtre, le tandem insiste à plus d’une reprise sur la présence de cette humanité dans leur projet. « De la lumière et des moments remplis d’espoir », lance même Gabriel Simard, qui parviennent à s’extirper malgré la violence abjecte de l’histoire. Une traduction plus récente signée par Jean-François Rochon (diplômé en écriture dramatique), présentée une première fois par les finissants de l’ENT à l’automne 2015, a happé l’interprète-membre du collectif Les Fauves. « J’avais vu aussi une autre des pièces de Kelly (ADN) », abordant aussi la torture par un groupe d’adolescents d’un de leurs camarades. « J’ai eu un coup de cœur pour cette écriture pertinente. » Pour l’orchestrateur de la partition, également dramaturge pour les adultes (L’Hôtel des horizons) tout comme pour le jeune public (La Langue du caméléon), comédien et metteur en scène (Le Voyage magnifique d’Emily Carr de Jovette Marchessault), l’impact de ces univers ne se dément pas.
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Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Julie Tessier
Éclairages Hubert Leduc-Villeneuve
Scénographie Reynald Robinson
Conseil à la scénographie Jean Bard
Costumes Noémi Paquette
TARIFS
Scène principale - régulier 37$, 65 ans et + 31$, 30 ans et - / professionnels 29$*, Carte Prospero 28$**
Scène intime - régulier 30$, 65 ans et + 28$, 30 ans et - / professionnels 26$*, Carte Prospero 26$**
Les prix incluent les taxes, commande en ligne ou par téléphone : frais de service de 3$ par billet
* (UDA, UNEQ, CEAD, SACM, SCAM, AQAD, AQM, ATEQ)
** limite de 2 billets par spectacle, par carte Prospero
Production Collectif Les Fauves
Ils ont pour noms Francis, Marc, Manu, Louise et Gary; ils habitent le même quartier, ont chacun des manques, des pertes, des peurs refoulées et une violence qui couve, mais la même envie de bousculer les choses, de vivre intensément.
Au cœur du tourbillon de Mon héros Oussama, Gary, l’adolescent brillant, mais bizarre cherche ce qu’il veut faire de sa vie, la marque qu’il veut laisser, mais peine à comprendre la structure sociale qui l’entoure. C’est lui qui, au nom d’une certaine liberté d’expression, décrète qu’Oussama Ben Laden est son héros. Une déclaration lourde de conséquences pour ce jeune au cerveau en ébullition et pour les gens du voisinage.
Dans la droite ligne du théâtre in-yer-face, Mon héros Oussama confronte le public à ses propres pulsions, à ses travers, à sa violence inavouée. La pièce de l’auteur britannique Dennis Kelly, écrite en 2004 alors que les attentats du 11 septembre étaient encore frais dans les mémoires, aborde les sujets porteurs de la vengeance, de la recherche d’un coupable à tout prix, mais touche aussi les notions de bien et de mal et de tout ce qui se trouve entre les deux. Elle s’attarde surtout à la façon dont, dans le climat actuel, tout ce qui ne correspond pas à la norme se révèle suspect et où il n’est pas besoin d’avoir commis un crime pour être reconnu coupable par un groupe effrayé et en colère.
Il est dommage que la production confonde intensité et agitation, car le choc qu’on devrait ressentir face à la frénétique quête de vengeance du voisinage de Gary n’arrive jamais.
La production du collectif Les Fauves manque cependant de nuance, enterrant par moments le propos de la pièce sous les cris de ses personnages et une agitation générale qui dessert l’intrigue. Pourtant, les comédiens et comédiennes s’en sortent plutôt bien, surtout Gabriel Szabo, dans le rôle ambigu de l’adolescent troublé. Il s’adresse avec aisance au public, tantôt pour se confier, tantôt pour le prendre à témoin. Son récit structure de façon efficace toute la première partie de la pièce, où la mise en scène de Reynald Robinson place habilement en parallèle d’un côté le frère et la sœur, Francis et Louise, et de l’autre le couple dépareillé formé par Manu et Marc.
Le metteur en scène parvient aussi à tirer parti de l’exiguïté de la salle intime du Prospero pour créer un effet d’enfermement autour des protagonistes tout en englobant le public. C’est donc avec un soulagement partagé que les spectateurs accueillent l’étrange apaisement finalement ressenti par les personnages aux mains couvertes de sang après leur acte d’une grande violence.
Dans l’ensemble, Mon héros Oussama donne l’impression de se déployer dans une grande précipitation, les liens entre les personnages mettent du temps à se clarifier et leurs gestes et déplacements sont inutilement multipliés. Si bien que la charge, pas toujours bien contrôlée, de l’auteur pour brouiller les notions de bien et de mal se perd dans le tapage ambiant. L’exploration des motivations intimes de chaque personnage en pâtit également, la montée dramatique et l’effet d’entraînement menant à l’acte irréparable s’en trouvent fatalement affaiblis.
Il est dommage que la production confonde intensité et agitation, car le choc qu’on devrait ressentir face à la frénétique quête de vengeance du voisinage de Gary n’arrive jamais. Si on se fie aux rires des adolescents entendus dans la salle lors de notre passage, ça ne passe pas non plus auprès du jeune public.