La pièce traite de la rencontre foudroyante de deux femmes de générations et de milieux différents, de leur relation amoureuse tortueuse. Un monde où les corps et les esprits sont des territoires à conquérir. Petra est l’incarnation d’une insatisfaction constante face au monde, de l’acharnement à devenir, à naître à soi. Dans cet environnement de noyade et d’étouffements, les négociations relationnelles se tissent par transactions intimes, comme si l’univers social dans lequel vivent ces femmes s’imprimait en elles. Elles deviennent ainsi les effigies complexes des maux de notre époque.
Cette œuvre phare de Fassbinder présente un portrait de femme éclatant qui offre un terrain de jeu fabuleux pour sonder l’imagerie complexe des pulsions humaines menées par une force qui ne tient pas de la logique, mais laisse place au contraire à la métaphore et à la poésie. Au-delà du drame psychologique, ce matériau s’est présenté comme une nouvelle avenue d’écriture scénique pour Félix-Antoine Boutin.
Texte Rainer Werner Fassbinder
Adaptation Gabriel Plante
Traduction Frank Weigand
Mise en scène Félix-Antoine Boutin
Avec Florence Blain Mbaye, Anne-Marie Cadieux, Sophie Cadieux, Lise Castonguay, Marianne Dansereau, Patricia Nolin
Crédits supplémentaires et autres informations
Conseillère artistique Sophie Cadieux
Scénographie Odile Gamache
Costumes Elen Ewing
Lumières Julie Basse
Composition musicale Christophe Lamarche-Ledoux
TARIFS
Scène principale - régulier 37$, 65 ans et + 31$, 30 ans et - / professionnels 29$*, Carte Prospero 28$**
Scène intime - régulier 30$, 65 ans et + 28$, 30 ans et - / professionnels 26$*, Carte Prospero 26$**
Les prix incluent les taxes, commande en ligne ou par téléphone : frais de service de 3$ par billet
* (UDA, UNEQ, CEAD, SACM, SCAM, AQAD, AQM, ATEQ)
** limite de 2 billets par spectacle, par carte Prospero
Coproduction Création Dans La Chambre et Théâtre du Trillium
Après avoir fait équipe avec Sophie Cadieux pour s’attaquer à Fanny et Alexandre de Bergman, voilà que Félix-Antoine Boutin dirige cette dernière dans une version québécoise moderne de Les larmes amères de Petra Von Kant. Ce drame de Rainer Werner Fassbinder met aussi en vedette la Anne-Marie Cadieux dans le rôle principal. D’une durée de 90 minutes, la pièce expose sans retenue la cruauté cachée derrière tous rapports humains dans un magnifique décor que l’amour se chargera de ravager petit à petit.
Signée Odile Gamache, la scénographie surprend dès le premier regard. Transposant clairement l’excès présente dans le style dramatique de Fassbinder, celle-ci annonce déjà un spectacle d’une haute intensité. Anne-Marie Cadieux ne tarde pas à le confirmer. Vêtue d’une tenue qui rappelle les années 70, moment de l’écriture de la pièce originale, la comédienne arrive sur scène avec une énergie des plus explosives. Personnifiant la femme d’affaires hystérique à fond, elle conquiert le public avant même d’avoir lancé sa première réplique. Investie de la tête aux pieds, celle-ci offre un beau contraste avec le tempérament plus réservé de sa servante. Même muette, Lise Castonguay se révèle d’une sensibilité et d’un aplomb remarquables dans ce rôle. À son entrée, Florence Blain Mbaye qui offre une interprétation plus posée, semble quelque peu amoindrir la tension si bien installée jusque-là. Malgré tout, l’image n’en est pas moins forte alors que l’hystérie de Petra (Anne-Marie Cadieux) parait encore plus flagrante. Quant à Sophie Cadieux, celle-ci apparait avec une fougue et une frivolité tout simplement adorables. Assez tardivement, incarnant respectivement la fille et la mère de Petra, Marianne Dansereau et Patricia Nolin viennent s’ajouter à la distribution pour une finale d’une touchante sincérité. Le plaisir d’abandon que partagent les six interprètes occasionne de merveilleux moments de complicité.
Le plaisir d’abandon que partagent les six interprètes occasionne de merveilleux moments de complicité.
De pair avec l’esthétique extravagante de l’espace de jeu, les costumes imaginés par Elen Ewing sont fabuleux. Mettant en valeur le caractère dominant de chacun des personnages, la créativité de la conceptrice est à souligner. Considérant les quelques changements de costumes effectués par plusieurs comédiennes au cours de la représentation, la diversité des teintes et des styles qui constituent la garde-robe de chacune renforce leur singularité de belle façon. Outre que de donner davantage d’éclat à l’espace de jeu, l’éclairage de Julie Basse donne à la mise en scène de Boutin, avec la complicité plus particulière d’Anne-Marie Cadieux et celle de Christophe Lamarche-Ledoux en musique, un aspect ludique très apprécié par l’auditoire.
Grâce à l’emploi d’un vocabulaire plus familier, mais sans grossièreté, Gabriel Plante peut se vanter d’avoir réussi à faire découvrir ou redécouvrir l’auteur excessif qu’a été Fassbinder de son vivant en respectant l’authenticité de sa plume. Rassemblant une équipe de concepteurs chevronnés et une distribution capable d’offrir un jeu aussi vrai qu’exagéré, Les larmes amères de Petra Von Kant s’inscrit comme un spectacle à s’offrir autant pour se divertir que pour réfléchir.