Reprise d’un grand succès présenté en 2017, revoici ces Enivrés qui cherchent au fond de leur soûlerie les vérités les plus fondamentales sur l’existence, l’amour et le rapport aux autres. Sous l’effet de l’alcool, les corps s’effondrent dans la boue, les esprits s’allument dans une soirée entre amis, les langues se délient dans un enterrement de vie de garçon qui dérape.
Avec une dizaine d’acteurs et d’actrices, Florent Siaud fait le pari d’une direction rageuse et libre. Pour une troisième fois, le metteur en scène s’allie au Groupe de la Veillée après une première collaboration avec Illusions d’Ivan Viripaev en 2015, puis Don Juan revient de la guerre de Ödön von Horvàth en 2017.
L’auteur Ivan Viripaev devient en 2016 lauréat du Grand prix du public en Pologne pour Insoutenablement longues étreintes. Avec cette pièce, la troisième du dramaturge à voir le jour à Prospero, l’auteur risque une forme plus ample. Un souffle épique.
Texte Ivan Viripaev
Traduction Tania Moguilevskaia et Gilles Morel
Mise en scène Florent Siaud
Avec Paul Ahmarani, Dany Boudreault, David Boutin, Maxime Denommée, Marie-Pier Labrecque, Renaud Lacelle-Bourdon, Marie-France Lambert, Marie-Eve Pelletier, Dominique Quesnel, Evelyne Rompré
Entrevue
Par Olivier Dumas
entrevue publiée en 2017
Au café du Théâtre Prospero, Évelyne Rompré et Marie-Ève Pelletier décortiquent l’ivresse et la quête de sens qui imbibent Les Enivrés d’Ivan Viripaev.
Né en 1974 à Irkoutsk en Sibérie, Ivan Viripaev a connu un passé rude entre alcoolisme, vols à mains armées et séjour en prison. Le théâtre a orienté sa vie, autrement, même si à ses yeux le banditisme et le théâtre auraient en commun «le romantisme et l’escroquerie». De son répertoire, deux productions antérieures ont été présentées au Prospero : Oxygène, dirigée par Christian Lapointe, et Illusions, déjà sous la gouverne de Florent Siaud et avec Marie-Ève Pelletier parmi les interprètes.
[lire la suite]
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Valery Drapeau
Scénographie et costumes Romain Fabre
Conception sonore Julien Éclancher
Lumières Nicolas Descôteaux
Vidéo David B. Ricard
Durée 1h35
TARIFS
Scène principale - régulier 37$, 65 ans et + 31$, 30 ans et - / professionnels 29$*, Carte Prospero 28$**
Scène intime - régulier 30$, 65 ans et + 28$, 30 ans et - / professionnels 26$*, Carte Prospero 26$**
Les prix incluent les taxes, commande en ligne ou par téléphone : frais de service de 3$ par billet
* (UDA, UNEQ, CEAD, SACM, SCAM, AQAD, AQM, ATEQ)
** limite de 2 billets par spectacle, par carte Prospero
Tarifs sujet à changement sans préavis
Production Le Groupe de La Veillée
critique publiée en 2017
Pour la troisième fois depuis 2013, une pièce d’Ivan Viripaev brille sur la scène du Prospero. Après avoir mis en scène Illusions, le metteur en scène Florent Siaud s’attaque cette fois aux Enivrés, créé à Moscou en 2014. La présence accrue de ce dramaturge russe à Montréal témoigne de l’« obsession » de la directrice artistique Carmen Jolin pour l’écriture de Viripaev, mais aussi de son importance dans le paysage théâtral contemporain.
Pour Les enivrés, Florent Siaud a recours à dix acteurs chevronnés particulièrement complices, qui feignent l’enivrement avec beaucoup de justesse. Mentionnons que trois d’entre eux – Marie-Ève Pelletier, Paul Ahmarani et David Boutin – étaient d’ailleurs de la distribution d’Illusions en 2015. Le temps d’une nuit, les spectateurs sont plongés avec les personnages dans un état oscillant entre le rêve et l’éveil. Parmi eux, Benoit Drouin-Germain se démarque comme célébrant d’un mariage improvisé, et dont la légitimité lui vient de son frère prêtre catholique (frère dont l’existence est constamment remise en question), tout comme Paul Ahmarani, qui cherche à convaincre son ami que sa mère est morte assassinée par son chat et qui invite son entourage à porter attention au « chuchotement du Seigneur ». Il est également agréable de découvrir certains acteurs sous un jour nouveau, comme Maxime Dénommée, déguisé en lapin rose, qui subit les humiliations de son enterrement de vie de garçon, ou encore Dominique Quesnel dans le rôle d’un homme grossier et vulgaire.
La scénographie dépouillée de Romain Fabre consiste en un rideau de tulle découpé en bandelettes, facilitant les entrées et sorties des acteurs et les changements de décor. Les accessoires, le mobilier et les (nombreux) ballons blancs qui composent la scénographie semblent contrôler leurs allées et venues de manière autonome entre le devant et l’arrière du rideau. Le dispositif sert également de surface de projection, notamment durant la scène finale où la silhouette des interprètes, absents de la scène, se laisse deviner en transparence derrière le rideau. À cet effet, les éclairages de Nicolas Descôteaux contribuent à créer l’atmosphère étrangement glauque dans laquelle les personnages ont leurs illuminations. La sobriété de la mise en scène permet surtout de mettre en valeur le texte, qui se caractérise notamment par d’innombrables jeux de répétitions et de ressassement, ainsi que par des questionnements philosophiques et métaphysiques. Derrière le burlesque de certaines scènes se cache le grand mal de vivre des personnages que l’alcool permet simplement de mettre en lumière.
L’ambiance des Enivrés a quelque chose à voir avec l’absurdité ultralucide d’un Ionesco ou d’un Beckett ou encore avec certaines œuvres de Dostoïevski dans lesquelles le tragique et le comique cohabitent. C’est une véritable chance que l’on puisse découvrir de mieux en mieux l’intelligence d’une dramaturgie comme celle de Viripaev.
Dates antérieures (entre autres)
Du 21 novembre au 16 décembre 2017 - Prospero