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Migraaaants
Du 12 au 30 novembre 2019
mardi et jeudi 20h15, mercredi et vendredi 19h15, samedi 16h15

L’auteur d’origine roumaine Mateï Visniec relève un pari presque impossible ; traiter de sujets inconfortables comme l’identité et la peur de l’autre, mais le faire avec un humour noir et caustique. En une succession de courtes scènes, Migraaaants retrace l’itinéraire de réfugiés qui tentent de joindre le vieux continent, les nombreux obstacles auxquels ils feront face. Inspirée de faits réels, chaque séquence illustre parfaitement le cynisme des gouvernements en Europe, le rêve brisé de millions de gens, la récupération qu’en font les médias. Aujourd’hui, Visniec est traduit et joué dans plus d’une trentaine de pays. La pièce, adaptée pour le public d’ici, fait d’abord l’objet d’une résidence au Prospero en 2018. La metteure en scène Margarita Herrera en propose une lecture lors de l’événement Territoires de paroles en 2019.

Les migrants de la pièce sont ici un symbole, une métaphore de l’Étranger, de celui qui, dans les yeux des autres, porte en soi le stigma de la différence. La véritable force de la pièce réside dans le fait que l’auteur réussit à transcender le stéréotype du rapport entre victime et bourreau, où la victime serait le migrant, et où l’agresseur  serait l’habitant du pays « envahi » par le migrant. Un sujet brûlant, un traitement étonnant.


Texte Mateï Visniec
Mise en scène Marguerite Herrera
Avec Luiza Cocora, Sébastien Dodge, Mohsen El Gharbi, Sasha Samar, Lesly Velásquez


Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance à la mise en scène Ximera Ferrer
Installation scénographique Claudia Bernal
Éclairages Raul Herrera
Conception vidéo Julien Blais
Conception sonore Ian Alexandre
Costumes Manon Guiraud
Conseil dramaturgique Florence Bobier

Durée -

TARIFS
Scène principale - régulier 37$, 65 ans et + 31$, 30 ans et - / professionnels 29$*, Carte Prospero 28$**
Scène intime - régulier 30$, 65 ans et + 28$, 30 ans et - / professionnels 26$*, Carte Prospero 26$**
Les prix incluent les taxes, commande en ligne ou par téléphone : frais de service de 3$ par billet
* (UDA, UNEQ, CEAD, SACM, SCAM, AQAD, AQM, ATEQ)
** limite de 2 billets par spectacle, par carte Prospero
Tarifs sujet à changement sans préavis

Production Coop Ludotek-Art Théâtre


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Critique disponible
            
Critique

En cette époque où les intolérants de tout poil se sentent légitimés par des prises de décisions politiques et par des gouvernements « anti-élite » d'exprimer leur racisme, de parler de grand remplacement et d'autres complots contre les Blancs, la pièce Migraaaants libère un rire bienvenu, sans pour autant nier le sérieux ni le tragique de la situation.


Crédit photo : Juan David Padilla

La pièce de l'auteur français d'origine roumaine Mateï Visniec fait prendre conscience du caractère international des discours actuels sur les vagues migratoires. Au-delà de leur poids social et économique, ces vagues n'ont rien de monolithique. Au contraire, elles se fractionnent en autant d'histoires personnelles et d'espoirs que d'humains qui les composent. Et Visniec postule que lorsque l'on cesse de voir l'autre comme un étranger, puisqu'on est tous issus quelque part d'une migration, on est plus à même de voir nos ressemblances que ce qui nous distingue. La metteure en scène Margarita Herrera Dominguez a d'ailleurs choisi de ne pas limiter ses acteurs et actrices aux rôles que leur sexe, couleur de peau ou accent auraient pu imposer.

Dans la salle intime du Prospero, la production de la Coop Ludotek-Art valse entre cynisme, critique politique ou sociale, et émotion.

Dans la salle intime du Prospero, la production de la Coop Ludotek-Art valse entre cynisme, critique politique ou sociale, et émotion. Portée par cinq comédiens et comédiennes aussi à l'aise dans le pastiche que dans des moments plus touchants, la pièce nous rend témoins de cette misère humaine et d'une « normalité » qui s'est installée au fil des ans, menant doucement vers l'indifférence. On en parle moins aux nouvelles, mais la réalité n'a pas changé. Des hommes, des femmes et des enfants meurent toujours aux frontières, se noient encore par milliers dans la Méditerranée, succombent, asphyxient dans des camions réfrigérés, ou disparaissent en route vers un monde meilleur. Ou bien ils souffrent en silence dans nos pays incapables de répondre aux besoins de ce flot de désespérés.

Sasha Samar (partout cet automne), Luiza Cocora, Sébastien Dodge (qui hérite des rôles les plus repoussants et parvient à se faire tantôt glaçant, tantôt haïssable), Mohsen El Gharbi et Lesly Velázquez se partagent les rôles de migrants, de passeurs, de trafiquants, de citoyens « envahis » et de professionnels de la vente ou de l'image dans un feu roulant de tableaux que la metteure en scène parvient à rendre fluide et rythmé. Certaines scènes sont malheureusement desservies par des éclairages plus maladroits – il faut reconnaître que la salle intime du Prospero est particulièrement ingrate à éclairer – mais la charge émotive est bien présente. Les tableaux pastichant les mondes de la mode et de la politique sont particulièrement réussis.

Si ce qui se passe en Méditerranée, en Europe ou à la frontière mexico-américaine nous paraît bien loin depuis le Québec, moins touché par la migration massive, les migrants n'en continuent pas moins de souffrir par millions. Migraaaants parle aussi de nous. Nous qui vivons dans la richesse d'une société en paix, nous qui voudrions laisser la misère aux frontières, nous qui voulons préserver notre confort en profitant de la mondialisation des marchés, nous qui cachons notre peur de l'étranger derrière des mots politiquement corrects qui ne bousculeront pas les bonnes consciences.

Pendant que des enfants se noient, que des femmes se transforment en capitaux et que des êtres humains finissent dans des tombes anonymes, oubliés de presque tous, Migraaaants est un rappel parfois acerbe, mais toujours lucide que notre humanité est fragile et qu'elle ne tient pas uniquement à la chance d'être né du « bon côté » de la frontière. On regrette cependant qu'après tant d'accusations, la pièce ne présente aucune piste de réflexion menant à de possibles solutions. Le constat est écrasant, il manque d'un peu de lumière pour nous guider.

17-11-2019
Salle intime du Théâtre Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : 514-526-6582 - billetterie.theatreprospero.com

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