Le début d'Incendies est peut-être la mort de cette femme qui, il y a longtemps déjà, a décidé de se taire et n'a plus jamais rien dit. Plus rien dit du tout. Cette femme s'appelle Nawal et elle sera enterrée bientôt. Incendies est alors l'histoire de Jeanne, l'histoire de Simon et d'une lente remontée le long du fil acéré de la vie de leur mère pour trouver les fondements sur lesquels se sont édifiées leurs existences. Incendies commence peut-être par cette très jeune fille qui, à peine sortie de l'enfance, vient de tomber tête première dans sa vraie vie et porte en elle un amour adolescent et un enfant. Cette très jeune fille s'appelle Nawal. Incendies serait alors son histoire et celle d'un acharnement à lire, écrire, et penser pour donner un sens à ce qui la dépasse.

Peut-être notre histoire commence-t-elle par un territoire déchiré par une guerre civile et occupé par une armée ennemie. Incendies serait alors l'histoire d'une résistance.

Ces trois histoires sont intimement liées par un centre névralgique douloureux, un cri déformé, un acte de création dévié. Incendies suit en parallèle chacune d'elles, car chacune trouve sa source dans l'autre. Incendies est ainsi l'histoire de trois histoires qui cherchent leur début, de trois destins qui cherchent leur origine pour tenter de résoudre l'équation de leur existence et tenter de trouver, derrière la dune la plus sombre, la source de beauté. Interrogeant le sens de la filiation, du destin, du pardon, Incendies aborde le thème de la famille comme le noyau central de nos douleurs les plus ancestrales et termine l'odyssée.

TNM - du 31 octobre au 25 novembre 2006
Supplémentaires 28-29-30 novembre 1er et 2 décembre 2006 20h
En sorties du 26 janvier au 20 février 2007

Une présentation de Théâtre Abé Carré Cé Carré

Texte et mise en scène
Wajdi Mouawad

Assist. m. en s. et régie
Alexandre Brunet

Dir. musicale
Conception sonore
Michel F. Côté

Avec
Annick Bergeron
Eric Bernier
Gérald Gagnon
Reda Guerinik
Andrée Lachapelle
Marie-Claude Langlois
Isabelle Leblanc
Isabelle Roy
Richard Thériault

Les concepteurs
Isabelle Larivière
Éric Champoux
Angelo Barsetti
Marie-Ève Lemieux

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Dates antérieures

Texte et mise en scène
Wajdi Mouawad

Assistance à la mise en scène et régie
Alain Roy

Avec
Annick Bergeron
Eric Bernier
Gérald Gagnon
Reda Guerinik
Andrée Lachapelle
Marie-Claude Langlois
Isabelle Leblanc
Isabelle Roy
Richard Thériault

Une production du Théâtre de Quat'Sous en coproduction avec le Théâtre Ô Parleur, l'Hexagone Scène Nationale de Meylan, Le Dôme Théâtre d'Albertville, Théâtre Jean Lurçat Scène Nationale d'Aubusson, Théâtre 71 Scène Nationale de Malakoff, le Groupe des 20, théâtres de ville en Rhône-Alpes, le Festival international des théâtres francophones en Limousin, et le Festival de théâtre des Amériques.



Billetterie : 845-7277
Du 12 avril au 22 mai 2004
Suppl. 9 mai 15h, 18-19 mai, 28 et 29 mai 20h

 

 

 

pour la critique de David Lefebvre écrite en 2004, cliquez ici

par Marie-Julie Desrochers

Wajdi Mouawad est un des rares auteurs dans le monde à croire encore à la possibilité du mythe, de l’épopée comme acte de création, théâtrale de surcroît. Pourtant, depuis la création de Littoral en 1999, premier conte de ce qu’on peut qualifier de cycle de trois pièces grandioses ayant pour trame de fond la quête (à laquelle il rend tout son sens) identitaire, la fraternité, le déracinement, la violence des peuples,  l’œuvre du Libano-Québécois n’a cessé de démontré à quel point ce genre peut susciter le succès (public et critique) et la réflexion.

Incendies, pièce ayant suivi Littoral, en 2003, s’ouvre sur la lecture testamentaire des dernières volontés de la mère de jumeaux, Jeanne et Simon, volontés pour le moins peu banales, soit retrouver un père et un frère jusqu'alors inconnu des deux enfants. La lecture, faite par le personnage du notaire niais, Hermile Lebel, incarné avec un dosage parfait de simplisme et de naïf narcissisme par Richard Therrien, est accueillie par le mutisme inquiétant de la première et une pléthore de jurons et d’insultes du second. Les deux se raviseront pourtant et se livreront à cette quête impossible et cruelle, celle de l’origine, de l’identité, de la vérité.

Dans un décor simple, superbe et ingénieux constitué de panneaux transparents sur lesquels les éclairages apposent couleurs et textures, les périples distincts de Sara et Simon évoluent, à cheval entre le Liban et le Québec, l’hier et l’aujourd’hui. Les transferts ne se font jamais dans la douceur – Mouawad, au contraire, expose, la violence avec des images les plus fortes possibles – mais toujours de façon spectaculaire.

Les comédiens, somme toute peu nombreux en regard du nombre de personnages, offrent une performance plus qu’honnête, mais c’est sans contredit Andrée Lachapelle, qui incarne la mère dans la dernière période de sa vie, qui parvient le plus à saisir le spectateur.

La pièce avait été jouée au Quat’Sous en 2004, par la même troupe. Était-il pertinent de la faire revivre au TNM cette année ? La réponse est assurément oui. Les tragiques événements survenus au Liban cet été ne rappellent que trop bien à quel point la violence – celle qui ne s’explique pas et qui refuse de s’expliquer – est toujours d’actualité. Mais au-delà de la violence, de la guerre, c’est de l’amour d’une mère pour ses enfants  que traite Mouawad, de l’amour maternel dans ce qu’il a de plus fort et lui aussi, inexplicable.

06-11-2006

 

par David Lefebvre (2004)

Je te raconte une douleur tombée à tes pieds...

Juché au petit balcon du Quat'Sous, j'ai pu finalement assister à la plus récente création de Wajdi Mouawad, Incendies, que j'avais malencontreusement raté lors du dernier FTA, au printemps 2003.

Incendies... le mot incendie veut dire brasier, feu, mais aussi, au figuré, guerre et bouleversement. Rousseau dira d'ailleurs «L’incendie augmente, l’orient paraît tout en flammes ; à leur éclat on attend l’astre». Une mère qui s'est réfugiée dans le silence meurt et confie à son fils boxeur et sa fille mathématicienne une enveloppe chacun : ils doivent retrouver et donner ces enveloppes à leur père et leur frère toujours en vie. Par la magie du texte et de la mise en scène de Wajdi Mouawad, on entre dans un univers difficile, sacré. On décode les silences et les mots, on vit les souffrances et les peines, on nous catapulte dans ce pays natif de la mère, du nom de Nawal, et on découvre, en même temps que les enfants, ce qu'elle fut véritablement. À chaque scène, c'est le choc.

C'est une véritable quête, une recherche des origines. Par cette fable violente, Wajdi nous plonge dans les secrets, les souvenirs, les pays en guerre qui ne se rappellent même plus pourquoi ils le sont. À cause de l'incompréhension qui a meublé leur vie, le garçon (Reda Guerinik) a décidé de se servir de ses poings mais ne gagne jamais de match puisqu'il ne sait pas contre quoi il se bat. La fille (Isabelle Leblanc), plus introvertie, tentera de se servir des mathématiques pour arriver à comprendre, mais découvrira là aussi des problèmes insolubles. Ils sont un peu maladroitement aidé par le notaire Hermile Lebel (Richard Thériault) qui déforme toutes les expressions connues (la plus savoureuse est : être pris entre l'Arabe et le Corse...). On voyage à travers le temps, l'espace. La scène devient la classe de Jeanne (la fille), le bureau du notaire, et ce pays dévasté. Nawal est interprétée par trois comédiennes sublimes : Isabelle Roy (Nawal à 14 ans), Annick Bergeron (mère de Nawal et Nawal à 35 ans) et Andrée Lachapelle (grand-mère de Nawal et Nawal à 60 ans). Marie-Claude Langlois interprète Sawda, la meilleure amie de Nawad, et chante durant le spectacle d'une voix claire et merveilleuse. Éric Bernier incarne le désaxé et franc tireur Nihad. Notons aussi la présence de Gérard Gagnon qui joue plusieurs personnages.

Les symboles sont importants dans ce genre de récit : l'eau en sera un crucial. Les larmes qui n'ont jamais coulées, la pluie qui n'a tombé que trop rarement sur ce pays dévasté, la fraîcheur de l'eau d'un gicleur qui se transforme en pétarade de mitraillettes... Vous remarquerez aussi le rouge sur la gorge de certains personnages, faisant référence à une phrase répétée souvent durant la pièce : l'enfance est un couteau dans la gorge.

Cette pièce est si simple et si complexe à la fois, si universelle qu'elle se doit d'être vue par le plus grand nombre de personnes possible. Malgré ses trois heures, le tout passe si rapidement, et l'histoire est si fascinante qu'on accroche facilement, et l'intérêt reste jusqu'à la tombée du rideau. Incandescent. À voir, pendant que les Incendies font rage au Quat'Sous.