D’après un texte de Sophie Calle
Adaptation et mise en scène : Brigitte Haentjens
Avec : Anne-Marie Cadieux
Une femme dresse 35 fois le récit d’une rupture. Redit la douleur de la séparation jusqu’à ce que les mots soient inutiles et les récits de plus en plus brefs. Elle ressasse les mêmes informations : la date du départ, la date des retrouvailles qui n’ont pas eu lieu, la chambre d’hôtel, le téléphone rouge, le prétexte utilisé par l’amant pour échapper au rendez-vous. Elle signe un journal quotidien témoignant d’une guérison progressive et nous convie au périple intérieur qui mène de la déception amoureuse à la catharsis artistique.
Avec Douleur exquise de l’artiste visuelle, cinéaste et écrivaine Sophie Calle, une œuvre de rédemption, caustique et indécente, Brigitte Haentjens poursuit sa réflexion scénique sur les blessures infligées au corps et retrouve Anne-Marie Cadieux, sa complice toujours incandescente. Ensemble elles proposent une nouvelle création unique, vibrante, et s’aventurent plus profondément dans la pénombre des âmes.
Assistance à la mise en scène et régie : Colette Drouin
Scénographie : Anick La Bissonnière
Images : Angelo Barsetti, Simon Laroche
Musique : Alexander MacSween
Lumière : Etienne Boucher
Costumes : Yso
Maquillage et coiffure : Angelo Barsetti
L'Heure du conte
La façon Quat’Sous de permettre l’épanouissement de la vie culturelle des familles ! Le dimanche après-midi, pendant que parents ou grands-parents sont à la représentation dans la grande salle, les enfants assistent à un spectacle de contes dans la salle de répétition. Un beau moment de partage et d’échanges qui ralliera toutes les générations.
À partir de 5 ans.
Réservation requise : 514 845-7277.
Douleur exquise : 25 avril avec Claude Despins
Une création du Théâtre de Quat’Sous et de Sibyllines, en coproduction avec le Festival TransAmériques
par Olivier Dumas
Douleur exquise: terme médical qui désigne une douleur agressive et circonscrite. C’est également le titre d’un livre concept de Sophie Calle qui fusionne un journal intime, des photographies et des témoignages d’individus rencontrés par hasard. L’univers multidisciplinaire de cette cinéaste et écrivaine qui brouille les frontières entre vies privée et publique, constitue un matériau idéal pour la metteure en scène Brigitte Haentjens et sa comédienne de prédilection, Anne-Marie Cadieux. Si la production présentée sur les planches du Quat’sous, après un passage remarqué l’année dernière au FTA, impressionne par sa beauté plastique, elle ne dégage en revanche que très peu d’émotions.
Sur le plateau dépouillé, à l’exception d’un fauteuil rouge, trône une incandescente Anne-Marie Cadieux. L’actrice s’impose par sa présence, son souffle et son corps qu’elle maîtrise à la perfection jusque dans ses gestes les plus anodins. Elle incarne une femme qui raconte 35 fois plutôt qu’une les affres d’une rupture jusqu’à ce que les mots deviennent insipides. Pendant un peu plus d’une heure, les mêmes informations sont répétées: les dates du départ et celle des retrouvailles avortées, la risible excuse de l’amant pour échapper au rendez-vous. À ce quasi solo s’interposent quatre monologues sur les désillusions amoureuses interprétés par Pierre-Antoine Lasnier, Ginette Morin, Gaétan Nadeau et Paul Savoie.
Il faut un certain temps avant d’adhérer au propos du spectacle, à la limite du pornographique par son intrusion dans la vie privée. La facture clinique du récit ne laisse que très peu d’espace aux sentiments. Après une demi-heure, l’intérêt se manifeste enfin pour cette autofiction de Sophie Calle qui n’est pas sans rappeler l’écrivaine contemporaine Annie Ernaux, bien qu’elle ne possède pas la même force cathartique ou libératrice.
Brigitte Haentjens poursuit dans la lignée de ses spectacles précédents (Woyzeck ou Blasté) où les corps des personnages oscillent entre tension et déséquilibre face à une société en perte de repères. Les actions impulsives du personnage principal de Douleur exquise, comme briser une chaise, casser un verre, interroger un spectateur sur son expérience de la souffrance ou prendre des photos d’elle-même avec son téléphone portable (projetées sur un écran en fond de scène), empêchent ainsi le spectacle de sombrer dans l’ennui.
Anne-Marie Cadieux représente l’actrice parfaite pour un rôle aussi impudique. Toutes ses poses, ses intonations et ses soupirs exposent avec un abandon rare les contractions entre la rage, le déni et la dépendance affective d’une rupture amoureuse. Qu’elle crie, saute dans les airs ou s’assoupisse tel un félin sur le fauteuil, elle nous happe, nous renverse par sa fureur ardente. Ses partenaires de jeu sont également tous formidables dans leurs courts monologues.
Avec Douleur exquise, Brigitte Haentjens, Anne-Marie Cadieux et Sophie Calle nous convient à une expérience formelle impressionnante plus esthétique que passionnelle, plus troublante que pénétrante.